Guy GEORGES, le tueur de l'Est parisien
Par Virginie Ikky,
Le 4 avril 2012
Guy Georges a tué et agressé plusieurs jeunes femmes durant 7 ans, laissant les enquêteurs dans le brouillard, et sa traque constitue aujourd'hui l'exemple parfait de l'utilité de l'ADN et des fichiers dans les enquêtes judiciaires. Les données temporelles sont en effet frappantes : 7 ans de tueries et d'enquête, pas la moindre piste valable, alors qu'il n'aura fallu que 3 jours à la PJ pour arrêter le tueur en série dès lors qu'ils auront mis un nom sur l'ADN prélevé sur les scènes de crime. Cependant, l'absence de fichier ADN ne saurait masquer le laxisme dont les autorités judiciaires ont fait preuve sur les agressions et crimes sexuels de Guy Georges. Au prétexte qu'il volait ses victimes en plus de les agresser, Guy Georges a bien souvent été jugé à la va-vite pour vol avec violences, alors qu'il s'agissait de tentatives de viol ratées. Comme Fourniret, Alègre ou Emile Louis, Guy Georges a ainsi pu passer tranquillement aux travers des mailles du filet durant trop longtemps.
Fin novembre 1997, la presse s'agite et dévoile au grand public l'existence d'un tueur en série sévissant sur Paris est. Les résultats des expertises génétiques ont révélé le 25 novembre 1997 que le tueur d'Estelle Magd, une secrétaire de 25 ans retrouvée morte chez elle dans le XIe arrondissement le 16 novembre, est déjà recherché pour deux assassinats et une tentative manquée sur des jeunes filles parisiennes, entre décembre 1994 et juillet 1995. Le quotidien LIBERATION diffuse le 26 novembre 1997 le témoignage d'Anne Gautier : En 1995, sa fille Hélène a 27 ans et travaille comme psychomotricienne pour enfants en milieu hospitalier, tout en poursuivant une maîtrise de psychologie. Le 8 juillet 1995, Anne Gautier dit s'être réveillée vers 5h30, angoissée, avec un mauvais préssentiment. A 9h10 elle téléphone à sa fille et les pompiers lui répondent. Hélène est morte, égorgée, violée. Elle est la troisième victime sur laquelle on retrouve la même empreinte génétique. Mais il est à l'époque hors de question de déclencher la panique et de polluer l'enquête en révélant l'existence d'un tueur en série, dans une France déjà frappée par les attentats du GIA.
le 23 septembre 1997, Magali Sirotti, étudiante de 19 ans, est violée puis poignardée dans son appartement. Puis, mi-novembre, c'est Estelle Magd. Les enquêteurs disposent d'une même empreinte génétique pour ces quatre affaires, et ont une intuition : après plusieurs années d'inactivité inexpliquée, le tueur a repris du service. Le 10 décembre 1994, un homme violente et égorge Agnès Nijkamp, une architecte d'intérieur, à son domicile. Le 16 juin 1995, il s'attaque à une étudiante habitant rue des Tournelles, qui, par miracle, lui échappe. Le 8 juillet de la même année, Hélène Frinking est retrouvée tuée de manière identique dans son appartement du faubourg Saint-Martin. Les enquêteurs avait établi alors que le tueur en série est un homme d'une trentaine d'années, mesurant entre 1,75 et 1,80 mètre, pesant environ 80 kilos. Les enquêteurs savaient même, par une trace ensanglantée recueillie sur une moquette qu'il présente une particularité physique assez peu répandue: le deuxième doigt de son pied est plus long que son gros orteil, ce que l'on appelle le «pied égyptien».
Les enquêteurs ont ainsi depuis 1995 de nombreux éléments sur ce tueur, mais les empreintes digitales n'apparaissent pas dans le fichier national des personnes connues. Après le 8 juillet 1995, le tueur cesse de faire parler de lui. Il sévit de nouveau en 1997 sur Magali. Devant la multiplication des crimes, les enquêteurs ont décidé de rendre l'affaire publique. Le 23 novembre 1997, le juge Gilbert Thiel accepte de diffuser un portrait-robot de 1995 retouché par ordinateur. La police reçoit plus de 3 000 appels, étudie plus de 1 800 dossiers, interpelle une cinquantaine de maghrébins connus pour des délits sexuels et fait appel à des “profilers” qui affirment que le tueur est “un homme supérieurement intelligent, qui a de l’éducation et n’est ni un rôdeur, ni un exclu”. Ces "profilers" estiment sans doute que le tueur est invité à entrer chez ses victimes. Et vu le profil de celles-ci, il est effectivement logique de penser qu'il a une apparence rassurante.
Le 24 novembre 1997, le juge Thiel décide de passer en force et donne mission à tous les laboratoires privés -Bordeaux, Strasbourg, Nantes et Grenoble- et à la police technique et scientifique de comparer l’ADN masculin inconnu prélevé sur les victimes à ceux présents dans leurs banques de données. Mais les fichiers ADN sont interdits. Les labos ont des ADN dans leur banque de données mais ne doivent pas constituer des fichiers. Le juge exige alors, à défaut, qu’ils comparent cet ADN à ceux qu’ils détiennent déjà dans leurs archives. Certains labos privés acceptent mais la police technique et scientifique, estimant que c’est illégal, refuse. Thiel leur demande de consigner cette réponse par écrit et menace de montrer le document aux familles, ce qui les fait changer d'avis.. En même temps, le portrait-robot circule et des centaines de contrôle au faciès sont effectués. C’est le 23 mars 1998 à 19 h que le patron du laboratoire de Nantes identifie un certain Guy Georges. Avec l'identité du tueur, l'enquête prend un tournant décisif.
Guy Georges a été arrêté en janvier 1998 pour vol et la police dispose de sa photo. 3500 exemplaires sont distribuées. De nombreuses équipes de policiers sont alors mobilisées pour arrêter le tueur dans le plus grand secret. 11 lieux habituellement fréquentés par Guy Georges sont cernés par des policiers en civils. Le 26 mars 1998, RTL a eu un tuyau et annonce en direct à 7 heures du matin que le tueur est identifié. Heureusement, Guy Georges n'écoute pas la radio. Tous les journalistes savent en fait depuis la veille le nom du tueur mais se taisent. Le juge Thiel est furieux et s'engueule vertement avec le responsable d'enquête du 36 quai des orfèvres : un policier a parlé ! Guy Georges est finalement interpellé non loin de la station métro blanche dans le 9ème arrondissement, à 13 heures, près du restaurant d'un de ses frères. Le constat est terrible : Guy Georges est un habitué de la justice, il aurait pu être arrêté depuis longtemps.
Guy Georges est le fils d’un soldat noir américain cuisinier dans une base de l’OTAN de la banlieue parisienne, George Cartwright, et d'Hélène Rampillon, une entraineuse, déjà mère d’un premier enfant non désiré. A 25 ans, Hélène Rampillon est montée à Marly-le-Roi travailler «au bouchon», dans les bars américains. Le père, George Cartwright, a quitté la France pour retrouver sa femme aux Etats-Unis, deux semaines avant l’accouchement. La maman n'a pas l'instinct maternel. Les grands parents, qui élevaient déjà le petit Stéphane, sont sommés de s’occuper du 2ème bébé mais ne supportent pas les moeurs légères de leur irresponsable de fille. Serge, le frère ainé, récupère un temps sa soeur avec le bébé. Au bout de deux haltes chez des nourrices d’Angers pas payées, Guy échoue à la Ddass, qui le place chez Jeanne Morin, le 4 juin 1963, puis recherche la mère «dans l’intérêt des familles».
Localisée à l’hôtel Eden de Versailles, Hélène Rampillon laisse les lettres sans réponse et rencontre enfin une assistante de la Ddass le 14 septembre 1965. Standardiste dans un organisme de l’Otan pour 900 francs par mois, elle doit se marier aux Etats-Unis avec un soldat noir et promet de signer, d’ici à huit jours, la renonciation à Guy, qui a déjà 3 ans. Elle n’a plus jamais donné de nouvelles. Le 2 février 1966, la Ddass décrète l'abandon de Guy Rampillon. Toujours chez les Morin, l’enfant change d’identité le 23 février 1968. A 5 ans et demi, son nom est effacé. Son second prénom, Georges, est érigé en patronyme.
A 10 ans, il vole son premier couteau. Guy Georges passe en effet ses journées à braconner et se prend pour Jo l'Indien, le héros des Aventures de Tom Sawyer, de Mark Twain. La vie chez les MORIN se passe plutôt bien, mais la nourrice est quelque peu castratrice, tout en couvant l'enfant. Elle le lave et cire ses chaussures jusqu'à 11 ans. Et Guy se met à changer rapidement avec la puberté. Il ne veut pas travailler, vole et se retrouve bientôt seul garçon avec six filles au domicile de sa famille nourricière. Il devient de plus en plus violent et ne parvient pas à s’intégrer au collège.
À 14 ans, en novembre 1976, il tente d’étrangler l’une de ses sœurs de lait, Roselyne, attardée mentale, mais elle parvient à le faire fuir. Ses parents tentent de minimiser. Guy Georges se sent encore plus isolé et différent. Le 31 mars 1978, il tente d’étrangler une autre de ses sœurs, Christiane, avec une barre de fer. Mais elle parvient à se débattre et à le mordre jusqu’au sang. Madame Morin retrouva Guy Georges prostré, les yeux révulsés, dans un état second. Elle demanda à la Ddass de reprendre Guy, car elle avait à présent peur pour ses autres filles. Guy Georges part dans un foyer spécialisé. Sa scolarité n'est qu'une suite d'échecs. En week-ends chez les Morin, il dort dans une caravane, au fond du jardin. La litanie des agressions va démarrer. Guy Georges est hanté par les fantasmes de viol et va les reporter sur les belles jeunes femmes sûres d'elles qui l'intimident.
Le 6 février 1979, il suit une jeune femme descendant du bus, tente de l’étrangler alors qu’elle se met à crier. Il s’enfuit. Guy Georges passe une semaine en prison. Cette fois-ci, sa famille adoptive le renie définitivement. Le 5 mai 1980, il arrache son sac à une jeune femme, la frappe au visage avec une incroyable violence. Le 15 mai, à Angers, il tente d'arracher son sac à une femme qui résiste et lui plante son couteau dans la joue. Deux jours plus tard, il est arrêté à la gare d’Angers.
Il est condamné à un an de prison pour les agressions commises à Angers, et ressort le 10 février 1981. Il est à présent majeur et doit se débrouiller. Il part pour Paris, et vit de vols et de prostitution. Le 16 novembre 1981, il agresse une jeune femme enceinte de 3 semaines. Il entre avec elle dans l’ascenseur, l'emmène au sous-sol et la poignarde à la poitrine, puis au cou. Ensuite, il la traîne dans un recoin du sous-sol et l’oblige à une fellation. Il la frappe une troisième fois, au ventre. Il découpe sa robe et ses sous-vêtements puis la viole. Enfin, il la laisse pour morte. L’enquête est menée pour un simple "vol avec violences" ce qui laisse perplexe sur la vision de la police des agressions sexuelles à l'époque.
Le 7 juin 1982, il tente de violer une jeune femme et la poignarde. Un agent de sécurité lance son chien. Guy Georges s’enfuit, mais le chien lui arrache sa sacoche qui contenait son billet de sortie de Fleury-Mérogis d'où il venait de sortir pour vols. Le 10 février 1983, il est condamné à 18 mois d’emprisonnement pour "attentat à la pudeur commis avec violence". Le 27 février 1984, en permission de sortie, il viole et poignarde une jeune femme dans un parking. Guy Georges prend la fuite à l'arrivée d'une voiture et est arrêté dans la soirée. Le 5 juillet 1985, il est enfin condamné à dix ans de réclusion pour "viol commis sous la menace d’une arme". Guy Georges refuse les soins en détention, bien qu'étant incarcéré dans un établissement spécialisé dans le traitement des délinquants sexuels. Le 8 janvier 1991, on lui accorde un régime de semi-liberté. Il s'évade 10 jours plus tard et part vivre dans les squats parisiens.
Dans la nuit du 24 au 25 janvier 1991, Il viole et tue Pascale Escarfail, chez elle, rue Delambre, dans le XIVe arrondissement. Son mode opératoire ne changera quasiment plus. Il choisit une victime se promenant seule dans la rue un soir, la suit, la coince par surprise, coupe son soutien-gorge entre les bonnets et taillade ses vêtements. Le 17 février 1991, Guy Georges se constitue prisonnier. Le juge d’application des peines ne lui posa pas de question sur le mois qu’il avait passé à Paris.En décembre 1991, Guy Georges est transféré à la prison de Coutances. Il sort le 4 avril 1992.
Guy Georges passe de squat en squat, a des amis et ne reste pas longtemps célibataire. Il boit beaucoup, se drogue, vit du RMI, de vols, de prostitution. Il est à l'aise au milieu des marginaux et vit parfois de longues semaines sous la protection de riches homosexuels. Il est aussi bien connu des milieux de gauche prostestataire comme le droit au logement ou les manifs contre le racisme ou le chômage.
le 22 avril 1992, il agresse une nouvelle jeune femme, Eléonore. Dans l’entrée de l’immeuble, Guy Georges l'attrape mais elle parvient à lui faire relâcher son attention et à donner l'alerte. Des habitants de l’immeuble la secourent et la police interpelle Guy Georges. Il n'est condamné qu’à 5 ans d’emprisonnement, dont 3 avec sursis, en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel. Une justice à l'économie plutôt qu'un procès d'assises pour tentative de viol. Aucune allusion à une infraction sexuelle dans la condamnation, ce qui empêchera le moindre rapprochement avec les viols qu'il commettra de nouveau. Il sort le 5 novembre 1993.
Le 7 janvier 1994, il tue Catherine Rocher, retrouvée morte dans un parking. Elle a été violée, frappée et assassinée au couteau, dans sa voiture, avec le même rituel que pour le meurtre de Pascale Escarfail : soutien-gorge coupé entre les bonnets et vêtements tailladés. Le 13 janvier 1994, Guy Georges agresse Annie. Il la suit à l’intérieur de son immeuble et la force ensuite à une fellation. Elle va réussir de justesse à se ruer jusqu’à son appartement et s’y enfermer. La police ne parvient pas à retrouver l'agresseur.
Le 8 novembre 1994, Elsa Benady est violée et assassinée à coups de couteau dans sa voiture, garée dans un parking sous terrain du boulevard Auguste-Blanqui, dans le 13e arrondissement. Il y avait de grandes similitudes entre le meurtre d’Elsa Benady et celui de Catherine Rocher : toutes deux avaient été violées puis tuées, de nuit, dans un parking sous-terrain, à l’intérieur de leur voiture, avec encore le soutien-gorge coupé entre les bonnets et les vêtements tailladés.
Le 9 décembre 1994, Agnès Nijkamp, est violée et égorgée dans son appartement. Elle fut retrouvée allongée sur son lit, vêtue de son seul blouson de cuir, bâillonnée, la jupe et les sous-vêtements arrachés. L'ADN de Guy Georges est isolé.
Le 16 juin 1995, Elisabeth échappe à la mort. Arrivée chez elle, alors qu’elle ouvrait sa porte du rez-de-chaussée, il surgit, un couteau à la main et la pousse à l’intérieur de son duplex. Guy Georges semble avoir modifié son mode opératoire où peut-être a-t-il toujours agit ainsi, mais toujours est-il qu'il démarre par une discussion avec sa victime et lui fait croire qu'il est en cavale. Puis, il l’attache sur le lit, monte à l’étage pour éteindre une lumière qui pourrait attirer l’attention, permettant à Elisabeth de se détacher et de fuir.
Interrogée par la police, choquée par l'agression, Elisabeth décrit son agresseur comme ayant la peau foncée, costaud, avec des cheveux noirs coupés très courts et de gros sourcils. Le portrait-robot n'est guère convaincant a postériori. Les analyses génétiques permirent de démontrer que l’agresseur d’Elisabeth et l’assassin d’Agnès Nijkamp ne faisaient qu’un. Elisabeth examina plus de 2500 photos, accompagna les policiers dans leurs rondes, la nuit, sans résultat. Dans sa vie de tous les jours, Guy Georges boit et fume de plus belle et devient agressif et méfiant. Il peut ingurgiter 10 litres de bière par jour, fume du cannabis, prend des acides, de la cocaïne.
Le 8 juillet 1995, Hélène Fridking est violée et tuée dans son appartement du 10e arrondissement. Guy Georges l'aborde poliment et sort son couteau. Il lui raconte une histoire de cavale et lui assure qu’il ne lui veut pas de mal. Elle est retrouvée allongée sur son lit, les vêtements arrachés et découpés, les mains attachées, puis détachées. Guy Georges a laissé une trace de pied dans une mare de sang, un pied égyptien. Grâce à l’ADN, les enquêteurs de la brigade criminelle établirent un lien direct entre les meurtres d’Agnès Nijkamp et d’Hélène Frinking, et l’agression d’Elisabeth. La police confirme l'existence d’un tueur en série.
Le 25 août 1995, Guy Georges agresse Mélanie, 20 ans, dans l’escalier de son immeuble du Marais. Son compagnon le fait fuir, et dans sa précipitation, il perd ses papiers. Le 9 septembre 1995, il est arrêté. Mélanie le confond, malgré ses dénégations. Guy Georges est condamné à trente mois de prison. Le caractère sexuel de l’agression, à nouveau, n'est pas retenu ! L'enquête sur le tueur de l'est parisien est alors lancée en parallèle et Guy Georges est interrogé sur les meurtres des parkings. Une trace de sang sur un prospectus sert d'ADN de comparaison, mais elle n'appartient malheureusement pas à l'agresseur. Guy Georges donne son ADN, et n'est ainsi pas confondu. Les perquisitions permettent de découvrir dans sa chambre d'hôtel des ciseaux, des scotch, pouvant le compromettre pour les appartements. Elizabeth ne le reconnait pas. Guy Georges n'a pas le pied égyptien ( l'empreinte en pied égyptien est due à un appui). Les policiers laissent tomber. L'échantillon d'ADN servira heureusement trois ans plus tard...
Il sort de prison le 6 juin 1997, après avoir bénéficié de deux permissions, en mars et en avril. Le 2 juillet 1997, Guy Georges agresse Estelle, 24 ans. Elle se met à hurler et des voisins accourent. Guy Georges s’enfuit. Le 23 septembre 1997, Magali Sirotti est violée et tuée dans son appartement du 19e arrondissement. Les enquêteurs ne trouvèrent pas d’ADN, mais la mise en scène était une signature connue : l’égorgement, les mains liées, les vêtements découpés. Guy Georges avait cette fois emporté le préservatif qu’il avait utilisé et la culotte de Magali Sirotti, pour ne laisser aucune trace. Le 16 novembre 1997, Estelle Magd est est la dernière victime de Guy Georges. Il a tué 7 femmes et en a agressé au minimum 13 autres.
Interrogé lors de sa garde à vue, il n’avoua que 2 meurtres (ceux de Pascale Escarfail et de Magali Sirotti) et nia toute implication dans les autres. Par la suite, il reviendra même sur ses aveux et niera l’intégralité des meurtres pour lesquels il était alors soupçonné. Après plusieurs comparutions, Guy Georges avoue certains meurtres mais ne présente aucun signe de remords.
Il est reconnu pénalement responsable de ses actes, sain d’esprit et extrêmement dangereux par les psychiatres qui le côtoient. Plus précisément, la personnalité de Guy Georges mêle perversion narcissique, responsable de son " désir de chasse " récurrent, et psychopathie, responsable de sa " pulsion de mort " irrépressible. Selon les psychiatres, c'est ce mélange de ces deux troubles de la personnalité qui fonde sa pathologie meurtrière et l'empêche de sombrer dans la psychose. Les experts indiquent que Guy Georges " effaçait toute trace psychique de ces actes", qu'il ne vivait d'ailleurs pas " comme une expérience du moi", indiquent enfin le danger de lui refuser a priori tout espoir de guérison.
3 mois avant l’ouverture de son procès, le mardi 26 décembre 2000, Guy Georges et 2 de ses codétenus sont interceptés par des gardes après avoir scié les barreaux de leur cellule.
Au procès qui s'ouvre en mars 2001, Guy Georges aura un comportement des plus déconcertants. Au début, il soigne les apparences, accepte les caméras, les photographes et se présente comme une victime d'erreur judiciaire, en utilisant notamment le portrait-robot. Il prétend que son ADN a été laissé sur les scènes de crime car il aurait connaissance d'informations compromettantes sur le suicide de Pierre BEREGOVOY. Au septième jour, il craque. Les aveux de Guy Georges étonneront les experts au regard de leur diagnostic de pervers narcissique incapable d'avouer ses torts. Il avoue en pleurant le meurtre des jeunes femmes, nie l'agression des survivantes Annie, Estelle et Valérie, et demande pardon. Les dénégations comme les aveux seront mal perçus, comme de la mise en scène. Peu de tueurs en série ont été jugés en France et peu de gens sont par conséquent à même de comprendre leurs ressorts psychologiques. Guy Georges apparaît comme un manipulateur sadique lorsqu'il nie les agressions alors que les experts expliquent qu'il se détache de ses actes au point de les effacer de sa mémoire. La discussion et le débat tourneront court, et le grand-guignol culminera lorsque l'avocat général comparera l'accusé au diable...
La réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de vingt-deux ans est votée à l'unanimité. L'affaire de Guy Georges va constituer un tournant définitif vers le fichage des délinquants sexuels. Toute personne même simplement soupçonnée doit aujourd'hui donner son ADN, sous peine de commettre un délit.
En février 2009, le tribunal administratif condamne l'Etat à verser un total de 210.000€ aux proches de Pascale Escarfail, la première des sept victimes répertoriées du criminel en série. Les requérants estimaient que l'Etat portait une part de responsabilité dans le drame qui a frappé Pascale Escarfail, dans la mesure où l'assassin se trouvait alors en semi-liberté. Le tribunal administratif estime que « la responsabilité de l'Etat peut être engagée, même sans faute, en raison du risque spécial créé, à l'égard des tiers, par des détenus bénéficiaires d'un régime de semi-liberté» et qu'«il existe un lien direct de cause à effet entre l'application de ce régime au meurtrier de Mlle Escarfail et son décès, dès lors qu'il est constant que Guy Georges a bénéficié d'un régime de semi-liberté à compter du 7 janvier 1991 et que, dans la nuit du 24 au 25 janvier 1991, il assassinait Mlle Escarfail».
Guy Georges a refait parler de lui pour son succès auprès de nombreuses admiratrices, ainsi que pour avoir engagé une procédure contre la saisie d'objets personnels dans sa cellule de la centrale de Moulins-Yzeure. Comme plusieurs de ses codétenus, il a refusé de nouveaux prélèvements d'ADN destinés au Fichier national des empreintes génétiques (Fnaeg). Ce refus expose normalement à une sanction pénale, mais l'extraction de la prison vers le Tribunal serait trop coûteuse. Guy Georges a en effet le statut de DPS, détenu particulièrement surveillé, ce qui impose une petite armée pour simplement le sortir de prison. Pour contourner le refus de Guy Georges, deux officiers de police judiciaire, sur réquisition du procureur, ont saisi dans sa cellule des objets personnels censés conserver des traces ADN de leur utilisateur : Une brosse à dents et du linge sale, slips et chaussettes. Il a engagé une procédure pour demander «la destruction des prélèvements effectués et des objets saisis, dans la mesure où les renseignements qui pourraient en découler n'auraient aucun rapport avec la réalité». Il est maintenu à l'isolement depuis 1998 et purge actuellement sa peine à la centrale de Clairvaux. Il serait par ailleurs marié.
L'affaire a également ressurgie à l'occasion d'une polémique sur internet lors de la sortie du livre "le plaisir de tuer" en 2008, livre co-écrit par Michel DUBEC, l'un des experts qui s'était entretenu avec Guy Georges. Michel Dubec consacrait un chapitre au tueur en série et avait eu des propos pour le moins crus et déconcertants :
« Sans que je lui en parle, le tueur de l’Est parisien a peut-être deviné le trouble que j’ai ressenti en regardant les photos de ses victimes. Je les trouvais très attirantes. (...) Une communauté de désir nous rapprochait Guy Georges et moi. (...) parce qu’il existait entre nous un partage des mêmes “objets érotiques“, j’ai pu faire un bout de chemin avec le tueur en série le plus célèbre de l’Hexagone (...) Je ne partageais pas la pulsion homicide de Guy Georges, heureusement. Mais je pouvais ressentir ce qui provoquait sa pulsion érotique. Entre nous, je l’avoue, ce goût commun entrebâilla une porte, jusque-là verrouillée à double tour, sur un possible échange. » (....)
« Oui, c’était possible de s’identifier à ce violeur qui baise des filles superbes contre leur gré (...) Jusque-là, on peut le comprendre, et même, il nous fait presque rêver, il nous agrippe crûment par nos fantasmes. » (.....)
« Sa vie sexuelle est trépidante, son tempérament étonnant, il est capable de baiser cinq fois par jour ! »
« Guy Georges, c’est différent. On peut être avec lui, jusqu’au viol compris. Pour parler sans détour, dans la sexualité masculine, il existe un intérêt à obtenir la défaveur de sa partenaire, pas seulement ses faveurs ; à faire crier la femme, peu importe la nature de ses cris. (…) Si un homme est trop respectueux d’une femme, il ne bande pas. (…) Oui, c’était possible de s’identifier à ce violeur qui baise des filles superbes contre leur gré (…) Il ne s’inhibait pas au dernier moment, il était capable de leur faire l’amour quasi normalement. Il y avait éjaculation à l’intérieur du vagin. Guy Georges donne le sentiment que l’acte sexuel était consommé avec complétude. Jusque-là, on peut le comprendre, et même, il nous fait presque rêver (…) »
S'il n'était possible de soupçonner Michel Dubec d'avoir eu de la complaisance envers Guy Georges lors du procès notamment, on croit rêver de lire ce genre de propos dans un livre accessible au grand public. Michel Dubec se justifiera en présentant ces lignes comme une vision sans concession des fantasmes masculins, qu'il est contre-productif d'ignorer et de refouler :
"D'une manière plus générale, j'ai la conviction qu'il y a toujours un avantage à ne pas ignorer nos fragilités, à savoir que le mal est à nos portes, et qu'il y aurait un grand danger, aussi bien individuellement que collectivement, à s'interdire cette reconnaissance. Si l'on veut dominer ses passions, il faut commencer par éviter de se tromper sur soi-même, de se mentir et de s'abuser. C'est aussi le sens de la confession professionnelle que j'ai voulu livrer au public, dans toute la vérité de mon expérience". Une profession de foi louable mais qui n'efface pas l'outrage à la mémoire des victimes de Guy Georges, qui en plus de se faire "baiser" comme le dit Monsieur Dubec, se sont faites longuement torturer et ont longuement agonisé également. Ramener ces meurtres à la quintessence de ce que serait la sexualité dont rêvent les hommes laisse un peu pantois.
Virginie IKKY pour Greffier Noir
A découvrir aussi
- Jean-Claude ROMAND, un inconnu dans la maison
- Patrice Alègre, "suicide de la justice mode d'emploi"
- John Wayne Gacy : clown, entrepreneur et tueur.