John Wayne Gacy : clown, entrepreneur et tueur.
Par Virginie Ikky,
le 28 juin 2018.
En juillet 2017, la famille de Jimmy Haakenson a enfin pu connaître la vérité sur le sort du jeune homme âgé de 16 ans à l’époque de sa disparition. Les tests ADN ont révélé que sa dépouille figurait parmi les 6 restes humains encore non identifiés retrouvés en 1978 chez John Wayne Gacy. Entrepreneur prospère et affable en façade, John Wayne Gacy avait fait de sa maison un charnier où il entassait les cadavres de jeunes hommes et fut l’un des tueurs en série les plus prolifiques des Etats-Unis. Les photos de Gacy déguisé en clown ont accentué les fantasmes autour du personnage, les médias allant jusqu’à en faire l’inspirateur de Pennywise, l’esprit clownesque maléfique du roman "It" de Stephen King, ce qui est inexact.
John Wayne Gacy Jr. est né à Chicago, le 17 mars 1942, et grandit dans une famille d’origine polonaise, auprès de deux sœurs, une mère au foyer, et un père vétéran de guerre alcoolique et violent. Comme beaucoup de ses congénères sociopathes, Gacy a connu une enfance difficile auprès d’un père abusif. Ses amis d'enfance rapportent de fréquentes violences sans raison apparente, sur un enfant qui s'efforçait pourtant de rendre son père fier de lui. Il était régulièrement rabaissé et comparé défavorablement à ses sœurs. Pour ne rien arranger, en 1949, le père de Gacy est informé que son fils et un autre garçon ont été surpris en train d’attoucher une jeune fille. La même année, Gacy est lui-même agressé par un ami de la famille. Il n'en a jamais parlé à son père.
Souffrant d'une maladie cardiaque, Gacy ne pouvait pratiquer aucun sport à l'école. Il compensait en aidant l'agent de surveillance scolaire ainsi que ses voisins à faire des courses. Il passera en tout près d'un an à l'hôpital entre 14 et 18 ans, sans pour autant s’attirer de marques d’affection du père, qui lui, soupçonnait son fils de simuler.
À l'âge de 18 ans, Gacy s’impliqua dans la politique locale auprès du candidat du parti démocrate, un bénévolat qui lui valut le qualificatif de « pigeon » par son père. Celui-ci offrit une voiture à son fils tout en s’appliquant à confisquer les clefs à la moindre rébellion. Après une énième humiliation, John Wayne Gacy prit sur un coup de tête la route pour Las Vegas, au Nevada, pour y travailler dans un service d'ambulance, avant d'être transféré à la morgue. Il y travaillera pendant trois mois avant de retourner à Chicago, après un épisode troublant. Un soir, alors qu'il était seul à la morgue, Gacy grimpa dans le cercueil d'un adolescent récemment décédé, embrassa et caressa le corps de l'adolescent avant de ressentir un profond sentiment de choc. C'est alors qu'il téléphona à sa mère, lui demandant s'il pouvait retourner dans le cocon familial.
À son retour, Gacy s'inscrit au Northwestern Business College, où il obtient son diplôme en 1963. Il entre au service gestion de la Nunn-Bush Shoe Company. En 1964, la société de chaussures le mute à Springfield pour y travailler en tant que vendeur. Il sera promu au poste de directeur de son département. En mars 1964, il se fiance à Marlynn Myers, une collègue du département qu'il dirige et le couple se marie en septembre 1964. Par la suite, le père de Marlynn achète trois restaurants de la franchise Kentucky Fried Chicken à Waterloo, en Iowa, où Gacy et son épouse déménagent afin de les gérer.
À Waterloo, Gacy adhère à la section locale des Jaycees. C'est ainsi que l'on nomme les membres de l'organisation à but non lucratif United States Junior chamber, qui a compté parmi ses membres tous les anciens présidents des USA. Bien que considéré comme ambitieux et un peu fanfaron par ses collègues, Gacy bénéficiait de leur considération en raison de son travail sur plusieurs collectes de fonds, et réussit à se voir nommer «vice-président exceptionnel» des Waterloo Jaycees, en 1967. L’ancien enfant d’une famille d’immigrés modestes a gravi les échelons et est parvenu au statut de notable. Le monde de la classe moyenne sied à sa personnalité lisse et sociable. En cela, John Wayne Gacy se distingue nettement des clichés véhiculés sur les serial killers, rarement correctement insérés. Ted Bundy a pu lui aussi suivre des études supérieures et s'engager en politique mais il n'a pas eu de vie de famille ni d'emploi durable.
L'épouse de Gacy a donné naissance à deux enfants : un fils nommé Michael en février 1966, suivi d'une fille nommée Christine en mars 1967. Gacy lui-même décrivit plus tard cette période de sa vie comme "parfaite" ajoutant qu'il avait finalement mérité l'approbation tant attendue de son père. En juillet 1966, ses parents lui rendront visite, au cours de laquelle Gacy Sr s’excusera auprès de son fils pour les sévices infligés pendant son enfance, avant de lui dire fièrement : « son, I was wrong about you ». Mais sous la couche de vernis, Gacy a changé de vie à Waterloo, et fraye du côté de la prostitution, la pornographie et l'usage de drogues. Il a ouvert un « club» dans son sous-sol, où ses jeunes employés peuvent y boire de l'alcool et jouer au billard.
Un contexte qui le désinhibe puisqu'en août 1967, Gacy a commis sa première agression sexuelle connue sur un adolescent, un jeune homme de 15 ans nommé Donald Voorhees, le fils d'un Jaycee que Gacy a attiré chez lui en lui promettant de lui montrer des films pornographiques. Plusieurs autres jeunes hommes seront abusés sexuellement au cours des mois suivants, dont un que Gacy avait encouragé à coucher avec sa femme, avant de le faire chanter. Des adolescents rapporteront que Gacy les avait payés 50 dollars pour de soi-disant recherches scientifiques sur les rapports homosexuels.
En mars 1968, Donald Voorhees dénonce à son père l’agression dont il a été victime. Gacy est arrêté et accusé de viol sur Voorhees et de tentative d'agression sexuelle sur un jeune homme de 16 ans, Edward Lynch. Il nie avec véhémence les accusations et prétend que Voorhees Sr. cherche à lui nuire – il s'était opposé à la nomination de Gacy à la présidence du JCI de l’Iowa. Pour sauver sa peau, il va avoir recours à un stratagème peu efficace et immature : début septembre 1968, il soudoie Russell Schroeder, un de ses employé, pour attaquer Donald Voorhees dans le but de décourager le garçon de témoigner lors du procès à venir. Russel s'arrange pour attirer Donald Voorhees dans un endroit isolé, lui vaporise le visage de gaz lacrymo et le tabasse, en échange de 300$.
Mais Donald Voorhees a réussi à s'échapper, et a immédiatement rapporté l'agression à la police, identifiant Schroeder comme son attaquant, qui est arrêté le lendemain, avoue avoir agressé Voorhees, et balance le commanditaire. Le 12 septembre, Gacy subit une évaluation psychiatrique par deux médecins. Au terme d'une période de 17 jours, ils concluent qu'il souffre d’un trouble de la personnalité antisociale, qu'il est peu susceptible de bénéficier d'une thérapie ou d'un traitement médical. Il est mentalement apte à subir son procès.
Gacy plaide coupable à un chef d'accusation de sodomie pour Donald Voorhees et non coupable aux autres accusations portées contre lui par plusieurs jeunes. Devant le juge, Gacy soutient qu'il a effectivement eu des relations sexuelles avec Voorhees, mais à sa demande. Son histoire n'a pas été crue et Gacy fut reconnu coupable de sodomie le 3 décembre 1968, condamné à 10 ans de prison. Sa femme demande le divorce, et la garde exclusive de leurs deux enfants, qu'il ne les reverra jamais.
Dans son nouvel environnement du pénitencier d'Anamosa, Gacy acquiert rapidement une réputation de prisonnier modèle, mais aussi de militant aguerri des droits de ses codétenus. Quelques mois après son arrivée, il devient chef cuisinier. Il rejoint le groupe des détenus Jaycees et recrute 600 autres membres en moins de 18 mois. Il obtient une augmentation du salaire journalier des détenus et supervise plusieurs projets visant à améliorer les conditions de détention, tels que l'installation d'un golf miniature dans la cour de la prison.
En juin 1969, Gacy présente une demande de libération anticipée à la commission de libération conditionnelle de l'État de l'Iowa : La demande est rejetée. En prévision d'une deuxième audience de libération conditionnelle prévue en mai 1970, Gacy redouble d'efforts et obtient un diplôme en novembre 1969. Le jour de noël 1969, le père de Gacy meurt d'une cirrhose du foie, au grand désespoir de son fils, qui voit son père disparaître alors qu'il a trahi sa confiance. Gacy obtient une libération conditionnelle le 18 juin 1970, après avoir purgé seulement 18 mois sur sa peine de 10 ans de prison, avec obligation de déménager à Chicago pour y vivre avec sa mère et d'observer un couvre-feu. Il est embauché comme cuisinier dans un restaurant.
Le 12 février 1971, Gacy est accusé d'avoir agressé sexuellement un adolescent. Cette plainte est rejetée lorsque l'adolescent ne comparaît pas devant le tribunal. La Commission de libération conditionnelle de l'Iowa n'a pas été informée des faits et huit mois plus tard, en octobre 1971, la libération conditionnelle de Gacy prend fin.
Avec l'aide financière de sa mère, Gacy a acheté une maison dans Norwood Park Township, dans le comté de Cook, au 8213 West Summerdale Avenue, où tous ses meurtres seront commis. En août 1971, peu après que Gacy et sa mère aient emménagé dans la maison, il s'est fiancé à Carole Hoff. La mère de Gacy a ensuite quitté la maison peu avant son mariage, qui a lieu le 1er juillet 1972.
Une semaine avant, le 22 juin, il est arrêté suite à une plainte déposée par un jeune nommé Jackie Dee, qui a alerté la police du fait que Gacy se fait passer pour un policier, à l'aide d'une insigne du shérif, et qu'il s'en est servie pour l'attiré dans sa voiture et le violer. Ces accusations ont par la suite été abandonnées par le ministère public après que le plaignant eut tenté de faire chanter Gacy.
Il démissionne de son poste de cuisinier et lance sa propre entreprise de construction, PDM Contractors (PDM étant les initiales de «Painting, Decorating and Maintenance»). En 1978, le chiffre d'affaires annuel de PDM était supérieur à 200.000 $ ( l’équivalent de 750.000 dollars en 2017).
Entrepreneur prospère, John Wayne Gacy était considéré par ses voisins comme un membre honorable de la communauté. Il s’est également impliqué dans la politique, du côté démocrate, en offrant gratuitement les services de ses employés, et dans le street lightning comity local (association de voisins s'occupant de la sécurité nocturne du quartier). En 1975, il est nommé directeur du défilé annuel de la Constitution de Chicago - il a supervisé l'événement annuel de 1975 à 1978. C’est à cette occasion qu’il a été photographié avec la première dame des Etats-Unis, l'épouse de Jimmy Carter, Rosalynn Carter, le 6 mai 1978.
En devenant membre d'un Moose Club local (encore une organisation caritative prônant les valeurs familiales et fraternelles), Gacy intègre la section clown dont les membres se déguisent en clowns, participent à des collectes de fonds et vont à la rencontre d’enfants hospitalisés. Gacy créée ses propres personnages: "Pogo the Clown" et "Patches the Clown". A posteriori, les photos de Gacy déguisé en clown sont glaçantes et feront trembler ceux souffrant de coulrophobie, la phobie des clowns . Avec l'essor du cinéma d'horreur dans les années 80, boosté par l'arrivée des magnétoscopes et des cassettes VHS, le clown tueur est devenu un classique du film de genre. L'affaire John Wayne Gacy ainsi que le livre de Stephen King ont ancré dans l'inconscient collectif un lien entre le clown et les comportements désaxés dangereux. Des études récentes ont d'ailleurs révélé que sur un panel d'enfants, seule une minorité appréciait les clowns.
Dans la sphère privée, en 1975, Gacy annonce à sa femme qu'il est bisexuel. Carol a en effet trouvé de la pornographie gay chez eux et ils divorcent d'un commun accord en mars 1976. Cela fait déjà 4 ans que John Wayne Gacy est passé à l’acte et a tué son premier adolescent.
Le 2 janvier 1972, Gacy a pris en stop Timothy Jack McCoy, âgé de 16 ans, au terminal d'autobus de Greyhound à Chicago. Il l’emmène chez lui en lui promettant qu'il pourra y passer la nuit et sera ramené à la gare à temps pour attraper son bus. Au petit matin, McCoy avait mis la table pour deux et cuisiné le petit-déjeuner ; il se rend dans la chambre de Gacy pour le réveiller tout en tenant à la main machinalement un couteau de cuisine. Craignant pour sa vie, Gacy l’aurait tué sur un malentendu. Il a ensuite enterré McCoy dans son vide sanitaire. Gacy a déclaré qu'il avait ressenti un "orgasme anesthésiant" en tuant le jeune homme. Il a ajouté: "C'est alors que j'ai réalisé que la mort était le frisson ultime." Vers janvier 1974, Gacy a tué un second adolescent non identifié avec des cheveux bruns bouclés, âgé de 14 à 18 ans.
En 1975, séparé de son épouse, il entreprend de plus en plus d’avoir des relations avec des jeunes hommes. Une grande partie de la main-d'œuvre de PDM Contractors était justement constituée d'étudiants. Anthony Antonucci, âgé de 15 ans, que Gacy avait embauché en mai 1975, échappe de peu à un destin funeste 3 mois plus tard en juillet 1975, grâce à ses talents de lutteur. Alors que Gacy a réussi à le menotter au sol, Anthony profite d’un moment d’inattention pour se jeter sur lui, attraper les clés des menottes, se libérer et menotter Gacy. Le jeune homme n’a cependant pas idée de qui il a affaire et libère peu après son agresseur sans déposer plainte.
Une semaine après la tentative d'agression sur Antonucci, le 29 juillet 1975, un autre employé de Gacy, John Butkovitch, âgé de 17 ans, disparaît. Gacy a plus tard admis que Butkovitch était passé chez lui alors que sa femme et ses beaux-enfants rendaient visite à sa sœur dans l'Arkansas, au prétexte de régler un problème d’arriérés de salaire. Après l’avoir menotté, Gacy l'a étranglé et a enterré son corps sous le sol en béton de son garage. La berline Dodge de Butkovitch a été retrouvée abandonnée avec le portefeuille du jeune à l'intérieur et les clés encore dans le contact. Gacy sera interrogé sur la disparition de Butkovitch mais bernera la police, tandis que les parents du jeune homme harcèleront en vain les forces de l’ordre pour qu’ils enquêtent davantage sur la dernière personne à avoir vu leur fils. Une occasion manquée de plus d’épargner la vie de nombreux jeunes gens.
Gacy a mis au point son scénario : Après lui avoir fait boire de l’alcool, ou consommer de la drogue, Gacy s’ingénie à persuader sa victime de mettre des menottes, en utilisant parfois sa routine de clown. Il fait un tour de passe-passe avec les menottes pour convaincre le jeune d'essayer de le reproduire. Puis à sa victime prise au piège, Gacy déclare : "The trick is, you have to have the key", avant de la violer et la torturer. Il finit en plaçant une corde sur le cou de sa victime, en attachant un garrot de fortune jusqu'à ce que la victime trépasse.
Entre les années 1976 et 1978, Gacy a avoué avoir assassiné 23 adolescents et les avoir enterrés dans le vide sanitaire sous sa maison. En 1978, son vide sanitaire était plein. Il a commencé à déverser des corps dans la rivière Des Plaines. Une victime y a été laissée pour morte et a survécu, Jeffery Rignall. Mais il n’était pas en capacité d’identifier son agresseur ;
Dans l'après-midi du 11 décembre 1978, Gacy se rend dans une pharmacie pour discuter travaux avec le propriétaire du magasin, Phil Torf, et s’intéresse au jeune employé à temps partiel de 15 ans, Robert Piest, à qui il propose un travail deux fois mieux rémunéré. Piest a pu dire à sa mère qu 'un entrepreneur lui avait proposé un job. Le propriétaire de la pharmacie a pu aiguiller la police lorsque le jeune homme n’a plus donné signe de vie.
Rapidement interrogé, Gacy nie avoir adressé la parole à Robert Piest, indiquant qu'il a simplement vu deux jeunes travaillant dans la pharmacie et qu'il a demandé à l'un d'entre eux si des matériaux étaient présent à l'arrière du magasin. Il nie catégoriquement avoir offert un travail à Piest, et promet aux policiers qui l'interrogent de revenir au poste plus tard dans la soirée pour faire une déposition. À 3 h 20 du matin, Gacy, couvert de boue, arrive au poste de police, affirmant qu'il a eu un accident de voiture.
La police de Des Plaines est cette fois convaincue que Gacy est responsable de la disparition de Piest et découvre qu’il a purgé une peine de prison dans l'Iowa pour sodomie sur un garçon de 15 ans. Une perquisition de la maison de Gacy est ordonnée par un juge et révèle quelques curiosités : une bague de classe de lycée 1975 gravée des initiales JAS, divers permis de conduire, des menottes, des livres sur l'homosexualité, une seringue, des vêtements masculins trop petits pour Gacy, un pistolet Brevettata 6 mm et un reçu de la pharmacie où travaillait Robert Piest. Le lendemain, les enquêteurs apprennent la disparition de Gregory Godzik et d’un autre employé de PDM, Charles Hattula, retrouvé noyé dans la rivière Illinois l'année précédente. Gacy est à présent constamment surveillé.
Il tente de se mettre dans la poche les détectives chargés de sa surveillance, les invitant régulièrement à le rejoindre pour des repas dans divers restaurants ou chez lui. Puis, il accuse les policiers de le harceler à cause de ses relations politiques ou de son usage de drogues récréatives. Sachant qu'il est peu probable que ces officiers ne l'arrêtent pour quelque chose d'insignifiant, il les raille en bafouant ouvertement les règles de la circulation et réussit à semer ses poursuivants à plus d'une reprise. En vérité, il n’en peut plus d’être sans arrêt surveillé. Il vit assis sur un tas de restes humains et la moindre perquisition peut lui être fatale.
Le 18 décembre, Gacy commence à montrer des signes visibles de fatigue : pas rasé, l'air fatigué, anxieux et buvant beaucoup. Cet après-midi, il se rend au bureau de ses avocats pour préparer une poursuite civile de 750 000 $ contre la police de Des Plaines, exigeant qu'ils cessent leur surveillance. Le même soir, Michael Rossi, un adolescent qui a vécu chez John Wayne Gacy, informe les détectives qu'à l'été 77, Gacy lui a fait étaler dix sacs de chaux dans le vide sanitaire de sa maison.
Le 19 décembre, les enquêteurs rassemblent des preuves pour un deuxième mandat de perquisition de la maison de Gacy. Le même jour, les avocats de Gacy déposent une plainte civile contre la police de Des Plaines. Le jour de l'audience, Gacy invite deux des détectives chargés de sa surveillance à l'intérieur de sa maison. Alors qu'un policier converse avec Gacy, l'autre part dans sa chambre dans une tentative infructueuse de relever le numéro de série du téléviseur Motorola qu'ils soupçonnent d'appartenir à un disparu, John Szyc. Dans les toilettes, l'officier est saisi par une odeur de cadavres en décomposition, émanant d'un conduit de chauffage ; les officiers qui avaient auparavant fouillé la maison de Gacy n'avaient pas remarqué cela, car la maison n'était pas chauffée.
Dans la soirée du 20 décembre, Gacy se rend au bureau de ses avocats pour discuter des progrès de son procès civil. À son arrivée, Gacy est apparu échevelé et a immédiatement demandé une boisson alcoolisée. Il dira à ses avocats qu'il a été «le juge ... le jury et le bourreau de beaucoup, beaucoup de gens».
Le matin du 22 décembre 1978, Gacy rend les armes et avoue ses méfaits à la police. La plupart des victimes étaient enterrées dans le vide sanitaire, où il versait périodiquement de la chaux vive pour accélérer la décomposition des corps. En janvier 1979, il avait prévu de dissimuler davantage les cadavres en recouvrant tout le vide sanitaire de béton. Gacy a déclaré qu'il avait perdu le compte du nombre de victimes enterrées et avait d'abord envisagé de ranger les corps dans son grenier avant d'opter pour la rivière Des Plaines. Ainsi, les cinq dernières victimes - toutes tuées en 1978 - ont été éliminées de cette manière.
Entre le 22 et le 29 décembre 1978, 27 corps ont été excavés de la propriété de Gacy, dont 26 ont été retrouvés enfouis dans son vide sanitaire, une autre victime, John Butkovitch, étant retrouvée enterrée sous le plancher de béton de son garage. Le 9 mars, le corps d'une 28ème victime a été retrouvé enfoui dans une fosse près d'un barbecue dans la cour arrière de la propriété : la victime a été retrouvée enveloppée dans plusieurs sacs en plastique et portait une bague en argent sur le quatrième doigt de sa main gauche, indiquant la possibilité qu'il ait été marié. Une semaine plus tard, le 16 mars, les restes squelettiques d'une autre victime ont été retrouvés enfouis sous les solives du plancher de la salle à manger, portant à 29 le nombre total de cadavres exhumés au 8213 West Summerdale Avenue. Toutes les victimes découvertes étaient dans un état avancé de décomposition, et le médecin légiste se servait principalement des dossiers dentaires pour faciliter l'identification. Parmi les victimes identifiées de Gacy, les plus jeunes étaient Samuel Dodd Stapleton et Michael Marino, tous deux âgés de 14 ans; le plus âgé était Russell Nelson, qui avait 21 ans. 5 des victimes n'ont jamais été identifiées.
Le procès contre John Wayne Gacy a commencé le 6 février 1980, un procès pour meurtre de 33 jeunes hommes. Gacy plaide non coupable pour aliénation mentale. Il a passé d'innombrables heures à être examiné par des psychiatres et ceux travaillant pour la défense ont découvert que Gacy souffrait de schizophrénie paranoïde. Les règles régissant le procès criminel aux Etats-Unis sont en effet différentes en biens des points de ce qu'il se passe en France, les expertises étant par exemple réalisées non contradictoirement par chacune des parties, l'accusé et le ministère public. Gacy a dès lors la possibilité de produire ses propres experts.
Pour soutenir l'accusation, les procureurs ont cité plusieurs témoins attestant de la préméditation des meurtres et des efforts déployés pour masquer les disparitions. Le 18 février, le Dr Robert Stein, médecin examinateur du comté de Cook nommé pour superviser l'exhumation des corps des victimes, a témoigné de la façon dont lui et ses collègues avaient procédé au recouvrement des dépouilles. En ce qui concerne la cause de la mort de chaque victime sur laquelle a été pratiquée une autopsie, Stein a déclaré que 13 victimes étaient mortes d'asphyxie, six de strangulation et une victime de plusieurs coups de couteau à la poitrine. Dans dix cas, la cause du décès n'a pas pu être déterminée. En contre-interrogatoire, l'équipe de défense de Gacy a tenté d'évoquer la possibilité que les 33 meurtres soient des morts accidentelles d'asphyxie érotique, sans succès.
Trois jours après le témoignage du docteur Robert Stein, Jeffrey Rignall a témoigné pour l'accusation, racontant la torture qu'il avait endurée aux mains de Gacy en mars 1978. Rignall a pleuré à plusieurs reprises en racontant son épreuve, et lors d'un contre-interrogatoire, a vomi avant d'être dispensé de témoigner. Le 29 février, l'un des jeunes que Gacy avait agressé sexuellement en 1967, Donald Voorhees, a témoigné de son calvaire. Robert Donnelly a témoigné la semaine suivante, visiblement bouleversé et près de s'effondrer à plusieurs reprises. Pendant le contre-interrogatoire, un des avocats de la défense de Gacy, Robert Motta, a tenté de discréditer son témoignage, mais Donnelly a tenu bon.
Face à une telle débâcle, au cours de la cinquième semaine du procès, Gacy a de lui-même écrit une lettre au juge Garippo pour demander une annulation du procès (mistrial), sur un certain nombre de points, notamment le fait qu'il n'approuvait pas l'approche de ses avocats ; que ses avocats ne l'avaient pas autorisé à venir témoigner comme il l'avait souhaité ; que sa défense n'avait pas appelé suffisamment de témoins, et que la police mentait à propos de déclarations prétendument faites à des détectives après son arrestation. Gacy n'est en effet jamais venu à la barre lors de son procès, ce qui est impensable dans un procès d'Assises français. C'est un extrait du 5ème amendement de la constitution américaine qui permet à un accusé de ne pas témoigner : nor shall be compelled in any criminal case to be a witness against himself, nul ne pourra, dans une affaire criminelle, être obligé de témoigner contre lui-même. Les avocats de la défense ont le devoir déontologique d'empêcher leur client de témoigner s'il soupçonne un parjure (s'ils pensent que leur client est coupable ou ment sur certains points). Toutefois, le fait qu'un accusé ne témoigne pas ne peut en aucun cas être retenu comme un élément à charge.
Dans le cas de Gacy, il est parfaitement compréhensible que ses avocats l'aient empêché d'aller témoigner. Sa demande d'annulation sera d'ailleurs rejetée.
Le jury délibéra en moins de deux heures et déclara Gacy coupable des trente-trois accusations de meurtre pour lesquelles il avait été traduit en justice ; Le jury américain ne se prononce que sur la culpabilité, pas sur la peine, qui reste de la compétence du juge dirigeant les débats. Le lendemain de la condamnation, accusation et défense plaidèrent donc de nouveau sur la sentence, l'accusation demandant la peine de mort pour chaque meurtre commis après l'adoption de la loi de l'Illinois sur la peine capitale en juin 1977, et la défense demandant la réclusion à perpétuité. Gacy a été condamné à mort pour douze chefs de meurtre. Une date d'exécution a été fixée au 2 juin 1980.
Gacy a été transféré au Centre correctionnel Menard à Chester, où il est resté incarcéré dans le couloir de la mort pendant 14 ans. Isolé dans sa cellule, Gacy a commencé à peindre. Plusieurs de ses toiles ont été exposées dans des expositions ; d'autres ont été vendues lors de diverses ventes aux enchères, avec des prix allant de 200 à 20 000 dollars. Ses peintures de clowns lui ont là encore assuré sa postérité, Gacy ayant manifestement conscience d'être associé à cette imagerie.
Gacy a par ailleurs lu de nombreux livres de droit, ce qui lui a permis de déposer des appels portant sur des questions telles que la validité du premier mandat de perquisition accordé à la police de Des Plaines le 13 décembre 1978 et son opposition à la défense fondée sur l'aliénation mentale. Gacy a également soutenu que, bien qu'il ait eu «une certaine connaissance» de cinq des meurtres (ceux de McCoy, Butkovitch, Godzik, Szyc et Piest), les 28 autres avaient été commis par des employés en possession de ses clés.
En 1984, la Cour suprême de l'Illinois a confirmé la condamnation de Gacy et a ordonné qu'il soit exécuté par injection létale le 14 novembre. Gacy a interjeté appel de cette décision, qui a été rejetée par la Cour suprême des États-Unis le 4 mars 1985. L'année suivante, Gacy a déposé une requête demandant un nouveau procès. Son avocat d'alors, Richard Kling, a fait valoir que Gacy avait reçu un conseil juridique inefficace lors de son procès de 1980. Cette requête a été rejetée le 11 septembre 1986. Après le rejet de son dernier appel à la Cour suprême des États-Unis en octobre 1993, la Cour suprême de l'Illinois a fixé sa date d'exécution au 10 mai 1994.
Le matin du 9 mai 1994, Gacy a été transféré du centre correctionnel de Menard au centre correctionnel de Stateville à Crest Hill pour être exécuté. Cet après-midi-là, il a été autorisé à faire un pique-nique privé dans la prison avec sa famille. Pour son dernier repas, Gacy commanda un seau de poulet du Kentucky Fried Chicken, une douzaine de crevettes frites, des frites, des fraises fraîches et un Coca light.
Son cerveau a été prélevé pour être étudié par le Dr Helen Morrison, un témoin de la défense au procès de Gacy, qui a interviewé de nombreux tueurs en série, dans le but d'isoler les traits de personnalité communs aux sociopathes violents. Les teste réalisés sur le cerveau n'ont rien révélé de particulier.
Son cadavre a été incinéré après l'exécution. 5 victimes restent encore à ce jour en attente d'identification.
Virginie Ikky pour Greffier Noir
A découvrir aussi
- Lucien LEGER, l'étrangleur n°1 dans une autre vie
- Mark David Chapman, l'assassin de John Lennon
- Les frères Jourdain, le quadruple meurtre au carnaval