Jean-Claude ROMAND, un inconnu dans la maison
Par Virginie Ikky,
Le 23 novembre 2009
L'affaire Jean-Claude ROMAND démarre par un incendie dans une maison, à 4h du matin, dans la nuit du 10 janvier 1993 à Prevessin-Moëns (Ain), à deux pas de la frontière suisse. Trois personnes sont mortes, une femme et deux enfants, et un homme est évanoui. Mais les pompiers découvrent vite plusieurs départs de feu dans la maison et signalent que l'incendie est volontaire. L'autopsie révèle que les cadavres portent des traces de coups ou des balles. La police attend que Jean-Claude ROMAND, à l'hôpital soit en état d'être interrogé, car les découverts macabres ne font que commencer.
Dans la maison des parents de celui-ci, deux autres corps sont découverts, Aimé et Anne-Marie Romand, tués de balles 22 Long Rifle. D'un simple et tragique incendie, on passe à un quintuple homicide : Florence, l'épouse de ROMAND, abattue de six coups de rouleau à pâtisserie, les enfants Caroline et Antoine, 7 et 5 ans, tués dans leur lit par des balles de 22 Long Rifle, et les parents de Jean-Claude Romand, Aimé et Anne-Marie, tués de coups d'un fusil semi-automatique tirés dans leur dos. Une sixième victime, interrogée dans le cadre de l'enquête, l'a échappée belle, Chantal, la maîtresse de Jean-Claude Romand, qui aurait dû mourir étranglée en forêt.
Jean-Claude ROMAND est très vite mis en cause. L'autopsie révèle en effet que les coups de feu ont été tirés dans le dos des victimes, ce qui laisse à penser que le tireur est un proche qui ne voulait pas croiser le regard des victimes. En outre, l'enquête de personnalité sur le Docteur ROMAND est édifiante. Voisins et famille décrivent un éminent chercheur travaillant à l'Organisation Mondiale de la Santé. Or, personne à l'OMS ne le connaît. L'INSERM, l'ordre des médecins, à chaque fois les policiers font chou blanc. A la faculté de médecine de Lyon, ils découvrent que ROMAND n'a jamais été diplômé..
Interrogé à son réveil à l'hôpital, ROMAND dit qu'un homme en noir est venu chez lui et a tué tout le monde. Mis devant les preuves de ses mensonges, Il avoue rapidement, mais sans pleurer, sans émotion. Il va surtout se confier durant l'enquête sur une vie de mensonges dont l'échappatoire fût pour lui l'assassinat de ses proches.
Jean-Claude ROMAND est un fils unique, gâté et surprotégé. Ses parents sont des travailleurs modestes et ont ce fils unique sur le tard. Sa mère est de santé fragile. Il réussit parfaitement à l'école ce qui lui donne le beau rôle de fils modèle. Intolérant à l'échec, ROMAND va très mal supporter les études supérieures en classe prépa maths-biologie. Habitué aux éloges et aux bonnes notes, il ne digère pas de voir ses notes dégringoler et rentre chez ses parents au bout de deux mois. Il entre en faculté de Médecine à Lyon l'année d'après. Il réussit sa première année, la plus ardue et a de nouveau de bonnes notes. En fin de deuxième année, Romand rate un examen pour cause de panne de réveil, mais n'ose pas le dire. Il reste prostré chez lui ce matin-là. Il aurait pu aller au rattrapage de septembre mais il n'y va pas. Il reste cloîtré jusqu'à NOEL dans son studio, au milieu des détritus, et prend 20 kilos. Un ami le découvre dans un piteux état. Il invoque un un lymphome, un cancer des ganglions avec lequel on peut vivre des années. Il se servira de prétendues rechutes de ce cancer lorsqu'il sera en mauvaise posture.
Il aurait pu cacher un simple redoublement et repartir d'un bon pied, et pourtant, il ne passera plus ses examens. C'est le début d'une imposture démente. Personne n'arrive encore aujourd'hui à expliquer ce blocage, l'arrêt pur et simple de ses études à cause d'un seul examen, alors qu'il pouvait largement réussir. Ses parents n'étaient pas sévères, ils auraient tout au plus été déçus, mais pouvaient certainement accepter un redoublement, qui est pour ainsi dire la norme au cours des études supérieures. Le mystère Romand démarre. De 1974 à 1986, Jean-Claude Romand se réinscrit à chaque rentrée en seconde année de Médecine à Lyon. Ce n'est qu'en 1986 qu'une nouvelle chef de service lui demande des comptes et qu'il arrête de s'inscrire.
Pris dans l'engrenage, Jean-Claude ROMAND prétend obtenir son diplôme au terme de brillantes études. Simuler le fait d'être un étudiant est déjà difficile, mais simuler être un médecin brillant, cela semble impossible. Pourtant, Romand continue. Il s'est marié avec Florence, une cousine par alliance en 1980. Il ne peut pas prétendre exercer et se réfugie dans la recherche. Il se dit chercheur pour l'Organisation mondiale de la santé, spécialiste de cardiologie, ancien interne des hôpitaux de Paris, reçu cinquième, maître de conférence à la faculté de Médecine de Dijon, ancien chef de clinique à Genève, et se fait faire un tampon au nom du " Docteur Jean-Claude Romand ". La vie rêvée qu'il n'a pas eu le courage de se forger.
Jean-Claude ROMAND ayant étudié seul dans son coin et lisant des revues médicales, il passe sans problème pour un cardiologue de renom. Pour ses proches, c'est un homme tout en retenue, pas le genre à se gargariser sur ses compétences. Il en retire encore plus de prestige. Et puis, il y a la façade sociale, qui a beaucoup joué. Le couple habite en effet dans une petite ville huppée près de la frontière suisse où sont installés des français aisés qui travaillent dans les prestigieuses organisations internationales de Genève. Romand passe pour un homme brillant, discret et altruiste qui verse dans le caritatif : Secours catholique, Greenpeace, SPA, fondation Brigitte Bardot, il verse des dons, parraine des enfants à Handicap international.
ROMAND passe en fait des journées mornes. Il accompagne les enfants à l'école et reste dans sa voiture, sur des parkings, ou dans une cafétéria, une bibliothèque. Il dévore la presse, et notamment les périodiques médicaux, pour approfondir ses connaissances. Parfois, il part à Lyon ou à Genève, dans les librairies, ou rend visite aux parents.
Pour l'argent, Romand use de la même arme, qu'il manie avec brio : le mensonge. Il prétexte de sa position de médecin en Suisse pour jouer les intermédiaires bancaires auprès de sa famille. Il a procuration sur les comptes de ses parents. Il glisse des phrases sur des rendements mirifiques auxquels il a accès en Suisse et se fait remettre 378 000 F par son beau-père. Un oncle lui confie 50 000 F. D'autres proches, 10 000 F. Ses principaux actionnaires n'ont jamais vu un document bancaire témoignant du dépôt du capital ou du cumul des intérêt mais avaient une entière confiance en Jean-Claude, persuadés que leur argent travaillait tranquillement sur un compte en Suisse. Il a par la suite, vendu un faux médicament à base de cellule fraîches d'embryons récupérés dans une clinique sur lequel il conduisait une prétendue recherche à l'OMS.
La première personne à avoir des doutes est sans doute son beau-père, Monsieur CROLET. Jean-Claude ROMAND lui devait 150.000 F. Le 23 octobre 1988, il était le seul témoin de la chute mortelle de son beau-père, alors qu'ils étaient tous les deux seuls dans la maison de la belle-famille . Son implication dans ce décès ne sera pas prouvée.
Puis, il y Chantal D. dentiste de la région qui devient sa maîtresse et qui lui remet 900.000 F. Mais, fin 1992, Chantal demande à récupérer son argent. ROMAND est aux abois financièrement. Sa femme a des doutes. Au détour d'une conversation avec une voisine, elle découvre que les enfants des fonctionnaires de l'OMS participent chaque année à l'arbre de Noël, et que son époux n'en a jamais parlé. D'autant qu'un ami découvre que son nom ne figure pas sur les listings des fonctionnaires internationaux.
A 8h du matin, le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand frappe son épouse de plusieurs coups de rouleau à tapisserie alors qu'elle dort dans sa chambre. Elle meurt dans son lit d'une fracture du crâne. Il rejoint les enfants qui regardent la télé et s'installe une heure avec eux. Peu après, il demande à sa fille Caroline, 7 ans, de le suivre dans sa chambre car il veut prendre sa température. Il lui dit d'enfouir sa tête sous l'oreiller pour jouer et tire cinq fois. Antoine, 5 ans, connaît le même sort quelques instants après. A midi, Romand rejoint ses parents dans leur résidence de Clairvaux-les-Lacs. Il déjeune avec eux, avant de les abattre à l'étage. Les corps sont recouverts d'édredons. ROMAND abat le chien. L'arme nettoyée et rangée, il roule vers Paris, où il retrouve Chantal D. Il prétend l'inviter à un dîner avec Bernard Kouchner, qui s'intéresserait au handicap d'un des enfants de Chantal. En forêt de Fontainebleau, Romand tente de l'étrangler. Elle hurle, se débat. Il arrête, s'excuse, invoque un passage à vide. Et la ramène chez elle. Chantal promet de ne rien dire.
Jean-Claude ROMAND repart dans la maison familiale et passe la journée à zapper sur la TV. Romand allume ensuite plusieurs foyers et arrose le corps de ses enfants d'essence pour " faire disparaître tout ce qui avait été important dans ma vie ". Il avale des barbituriques et se couche. Les enquêteurs mettront d'ailleurs en doute sa volonté de se suicider.
Le procès se tient à la Cour d'Assises de BOURG EN BRESSE du 25 juin au 2 juillet 1996. Trois experts vont décortiquer la vie de solitude et de mensonges de Jean-Claude ROMAND. Le Docteur Laurent Olivier dira à l'audience: " imagine-t-on le vertige de sa solitude ? Quelque chose d'énorme à porter. Romand se dit : "on s'intéresse au personnage du médecin que je ne suis pas, et non à moi" ". Docteur Pierre Lamothe : " Romand a besoin d'être rassuré par la reconnaissance d'autrui. Et sa vie ne sera qu'une succession de fuites en avant. Il sera aidé dans sa situation irréversible par une monstrueuse dynamique de succès. Et un invraisemblable aveuglement " autour de lui. La cour d'assises de l'Ain l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans. Jean-Claude ROMAND sortira de prison en 2015, à 61 ans. Il est incarcéré à CHATEAUROUX.
Virginie IKKY pour Greffier Noir
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