Inquiétude quant au traitement carcéral de Julian Assange en cas d'extradition (En bref, le 2 avril 2020).
Le 2 avril 2020
par Virginie Ikky et A.Kropotkine.
"On voit pour quelle liberté d'expression milite Assange. Tous les ennemis des Etats de droit, l'Iran, le Venezuela, Cuba, la Syrie d'Assad, le soutiennent. Et chez nous, malheur à celui qui émet quelque doute sur la pertinence des actions d'Assange ou de Snowden, lesquels sont évidemment du bon côté de la Force. (...) Mais il semble que les citoyens des démocraties, si bien informés que l'on prétend qu'ils soient, ne parviennent pas à saisir le monde paradoxal dans lequel ils vivent. Nous avons tous appris qu'on reconnaissait la bonne santé d'une démocratie lorsque le pouvoir est transparent, et la vie privée opaque. Lorsque c'est l'inverse..."
Malaise dans l’inculture de Philipe Val.
Selon des représentants de l'organisation Don’t Extradite Assange, si Julian Assange devait être extradé de Grande-Bretagne vers les États-Unis, il serait maintenu dans un isolement presque total et soumis à des conditions de détention draconiennes, généralement infligées aux condamnés pour actes terroristes : les "Mesures Administratives Spéciales" (SAM).
Ces mesures, qui ont été introduites par l'administration démocrate sous Bill Clinton en 1996, suite à l’attentat terroriste contre l’immeuble du FBI à Oklahoma City, autorisent la surveillance intensive et l'isolement total des prisonniers au motif de prévenir d'éventuelles menaces à la sécurité nationale.
Un régime qui s'est encore durci au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre 2001, notamment en accordant aux autorités le droit d'espionner des conversations normalement couvertes par le secret professionnel entre un avocat et son client.
Un rapport de 2017 de la Yale Law School et du Center for Constitutional Rights (CCR) décrivait les SAM comme «le recoin le plus sombre du système carcéral fédéral américain». D'après ce rapport les Mesures Administratives Spéciales ajoutent à la brutalité des Unités d'isolement maximal (Maximum security unit) un certain nombre de restrictions outrancières inconstitutionnelles. Elles interdisent ainsi aux prisonniers d’entrer en contact ou de communiquer avec le monde extérieur, à l'exception d'une poignée d’individus autorisés, eux-même soumis à une stricte règle de confidentialité.
En 2017, on dénombrait 51 prisonniers SAM sur une population carcérale fédérale de plus de 183.000 individus. La plupart ont été reconnus coupables d'infractions liées au terrorisme et sont détenus à la prison ADX de Florence, au sein de l’unité H.
Selon les auteurs du rapport, les Mesures Administratives Spéciales contreviendraient à l'exercice des droits de la défense et au respect de la présomption d'innocence, en incitant les prisonniers en attente de jugement à plaider coupable. De surcroit, l'impossibilité de communiquer avec la famille, les proches ou d'accéder aux divers supports d'information (livres non expressément autorisés par l'administration carcérale, journaux et télévision) les empêcheraient de préparer efficacement leur procès.
Ces mesures s'ajoutent à des conditions de détention implacables, précédemment évoquées dans un article du Greffier Noir consacré à la prison ADX de Florence : les détenus passent 23 heures par jour enfermés dans leurs cellules et sont escortés au minimum par trois officiers lorsqu'ils s'adonnent à leurs cinq heures d'activité hebdomadaires. Chaque cellule dispose d'un bureau, d'un tabouret et d'un lit réalisés en béton coulé, ainsi que de toilettes et d'une douche fonctionnant sur minuterie, agrémentés d'un évier sans robinet. (...) En outre, toutes les cellules sont insonorisées pour empêcher les prisonniers de communiquer les uns avec les autres via le code Morse ou tout autre moyen. Les fenêtres sont conçues pour empêcher les détenus de connaître leur emplacement exact à l'intérieur du complexe (...) lesquels font de l’exercice dans une fosse en béton ressemblant à une piscine vide.
Le 25 mars 2020, la demande de libération sous caution de Julian Assange a été rejetée par la Westminster Magistrates Court. Ses avocats invoquaient à l'appui de cette demande un risque d'infection par le COVID19 au sein de la prison (où aucun cas n'a jusqu'ici été rapporté par les autorités). La Cour de Westminster a relevé que Julian Assange avait précédemment violé son contrôle judiciaire, en se réfugiant dans l'ambassade de l'Equateur, alors qu'il n'était visé que par un mandat d'arrêt européen ; qu'il faisait face, à présent, à un mandat d'arrêt des USA où il risque jusque 175 ans de prison, que des rumeurs persistantes rapportaient qu'il se suiciderait plutôt que d'être extradé, et que cette extradition était désormais probable. L'avenir judiciaire de Julian Assange s'est ainsi quelque peu assombri.
Par Virginie Ikky et A.Kropotkine, pour Greffier Noir.
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