Michael Alig, splendeur et décadence des Club Kids
Par Virginie Ikky,
Le 20 février 2011
Michael Alig et ses "Club Kids" ont bouleversé le monde de la nuit dans les années 80, en insuflant le souffre et la décadence dans les nuits new-yorkaises, donnant ainsi naissance à la mode des drag-queens voir des raves dans les années 90. Quand il débarque à New York en 1986, Alig est censé poursuivre ses études. Il les arrête rapidement pour devenir un clubber et démarre son ascension sous la houlette de James St James, un performer du même âge que lui. Alig organise ses premières soirées au bar Tunnel, des soirées qui remportent un succès immédiat. Il concurrence même très sérieusement Susan Bartsch, qui règne sur les boîtes de nuit depuis déjà plus de dix ans. Peter Gatien, le magnat de la nuit new-yorkaise, le prend sous son aile et lui propose une résidence au Limelight, l’un des bars dont il est le propriétaire.
Alig y lance alors les soirées Disco 2000 qui imposeront un certain style de fêtes décadentes, et pas seulement en apparence. Michael Alig s’entoure de clubbers délirants, qui deviennent l’attraction principale du club : plates-formes boots immenses, percings, maquillages outranciers et costumes qui révèlent plus qu’ils ne cachent, constituent la panoplie glamour des fabuleux club-kids. Parmi eux gravitent un gogo boy costumé en poulet géant, Keoki, le DJ superstar de l’époque, James Saint James, et une future star, la drag queen Ru Paul. Le mouvement Club Kids est né.
Les Club Kids improvisent des fêtes clandestine dans des McDonald ou dans le métro de New York. Fascinés par l’esthétique gore, Michael et sa bande organisent des fêtes costumées inspirées du film Bloodfeast toutes plus extravagantes les unes que les autres. Le revers très sérieux est que sous couvert de prendre des drogues festives, ce sont des junkies purs et durs. Ils carburent à la kétamine, puis au mélange quotidien de cocaine-héroine-crack-ecstasy. Un des temps forts de Disco 2000 était le "Hot Body Contest" où les clubbers sous l’ecstasy acceptaient de s’exhiber entièrement nus pour moins de 50 dollars sur des podiums illuminés.
Encouragé par Peter Gatien, qui se charge de lui fournir toutes sortes de drogues, Alig multiplie les provocations afin d’attirer l’attention et finit par consommer autant de special K (une drogue chimique) qu’il en distribue durant les soirées. À l’affût de sensations toujours plus fortes, il passe à la coke puis rapidement à l’héroïne. Alors qu’il apparaît de plus en plus perturbé, ses soirées, qui furent un temps comparables à des performances d’artistes multidisciplinaires, tournent à l’attrape-nigaud malsain et au supermarché de la drogue. Il pisse dans les bouteilles de champagne à moitié vides qu’il offre aux danseurs s’étant refusés à lui. Lors d’une soirée au profit de la recherche contre le sida, il refuse de payer sa contribution de 5 $ et distribue à ses admirateurs des billets de 1 $ dans lesquels il venait de se masturber. Peu avant Noël, il s’adjoint les services d’un travesti qui se déshabille sur scène et fait sortir de son cul une guirlande illuminée (le performeur s’était préalablement fait introduire une pile miniature dans les intestins afin que les ampoules de la guirlande scintillent). La fin approche pour les Club Kids...
Michael et ses suiveurs passent de mode. Le Limelight ferme régulièrement pour trafic de drogues. Angel, employé du club et dealer attitré de la bande, surnommé ainsi pour son costume fétiche de policier à ailes d’ange, se retrouve au chômage, emménage chez Michael, qui pioche dans ses réserves de drogues sans payer. Un jour de mars 1996, à l’occasion d’une dispute, Michael et son autre colocataire, fracassent le crâne d’Angel à coups de marteaux, puis l’étouffent, avant de remplir ses intestins de Destop. Ils laissent le corps dans la baignoire pendant une semaine, jusqu’à ce que Michael, revigoré par un gros shoot d’héroïne, se décide enfin à découper les jambes, les mettre dans un carton, mettre le torse dans un autre carton, et balancer le tout dans l’Hudson.
Après avoir massacré son ami trafiquant, il continue à pavoiser dans New York pendant plus d’un an, convaincu qu’il est intouchable. C’est finalement un article dans l’hebdomadaire culturel Village Voice qui précipite son arrestation. Alors qu'Alig est en désintox, cet article relaie les rumeurs sans citer de noms. Tout le monde comprend mais la police est plus intéressée à l'idée de mettre sous les verrous Peter Gatien. Alig prend le large et retourne chez sa mère. Mais New-York lui manque et il tente un come-back en 1996 en organisant les soirées Honey Trap, sans succès..Il est arrêté en novembre 1997. Ne parvenant pas à échanger son immunité contre la dénonciation des trafics de drogues de Gatien, il est finalement condamné et purgera 17 ans de prison.
Incarcéré, Alig symbolise aujourd’hui l’apothéose d’une flamboyance nocturne, avant que les DsJ et les gym-queens ne deviennent les seules stars de la nuit. Depuis Riker’s Island où il fut détenu, il a collaboré régulièrement au magazine Paper et dit à qui veut l'entendre qu’en prison, on trouve sexe et drogue aussi facilement qu’en liberté. En 1999, Randy Barbato et Fenton Bailey lui consacraient un documentaire surprenant où, avec beaucoup de cynisme, il commentait sa vie. Les autres Club Kids se sont rangés pour la plupart. James St James apparaît dans des émissions télé et Ru Paul a fait la carrière que l'on connaît.
Virginie IKKY pour Greffier Noir
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