Ed Gein, boucher du Wisconsin, inspirateur des plus grands films d'horreur
Le 3 mars 2009,
Par Virginie Ikky
Imaginez un tueur souffrant des névroses de Norman Bates dans "psychose", de Leatherface dans "massacre à la tronçonneuse" et de buffalo bill dans le "silence des agneaux". Cela peut paraître irréel, mais pourtant, c'est bien un seul et même personnage qui les a tous inspirés, Ed Gein. Ce tueur est peu connu en France. Peut-être parce que peu de victimes ont été identifiées. Pourtant, de par son mode opératoire et sa folie furieuse, sa pratique de la nécrophilie, du travestissement, et du fétichisme, Ed Gein est de loin le tueur américain le plus hors-normes du vingtième siècle.
Les crimes d'Ed Gein ont eu lieu à partir de 1947, au coeur des Etats-Unis, dans l'état du Wisconsin, un état rural et boisé. La police constate plusieurs disparitions inexpliquées aux alentours de la ville de Plainfield. Personne ne soupçonne Ed Gein, un vieux garçon solitaire qui vit isolé dans sa ferme, et qui passe pour un travailleur simplet mais courageux.
Le 1er mai 1947, à Jefferson, Georgia Weckler, une fillette de 8 ans, disparait sur le chemin de l'école. Aussitôt, une battue est organisée et des centaines de volontaires et des policiers partent à sa recherche en parcourant la ville et ses environs. Las, aucun suspect sérieux n'est trouvé et les seules preuves physiques sont les marques de pneus d'une voiture de marque Ford, découvertes près de l'endroit où Georgia a été vue pour la dernière fois. En novembre 1952, deux hommes, Victor Travis et Ray Burgess, s'arrêtent pour boire un verre dans un bar à Plainfield avant de partir à la chasse. Ils ne donnent plus signe de vie. Là encore, malgré les recherches et les battues, l'enquête échoue.
Evelyn Hartley, jeune fille de 15 ans, disparait elle en octobre 1953 à La Crosse alors qu'elle faisait du baby-sitting. Inquiet de ne pas la voir revenir, son père se rend à la maison où elle garde les enfants. Jetant un oeil par une fenêtre, il voit l'une des chaussures de sa fille et ses lunettes sur le sol. Toutes les portes et les fenêtres sont fermées, sauf une, celle de la cave, à l'arrière de la maison, et elle est tâchée de sang. Le père d'Evelyn appela la police, qui trouva d'autres indices, dont l'autre chaussure d'Evelyn et des traces de pas dans la cave, du sang sur l'herbe du jardin devant la maison et l'empreinte sanglante d'une main sur une maison voisine. Quelques jours plus tard, la police découvrit des vêtements ensanglantés appartenant à l'adolescente, près de la grande route sortant de La Crosse.
Le 8 décembre 1954, Mary Hogan, tavernière, disparut mystérieusement. Les enquêteurs découvrirent du sang sur le sol de la taverne jusqu'au parking. Ils trouvèrent également une cartouche de fusil vide sur le sol. Rien n'avait été volé. Seul indice, un certain Elmo Ueeck qui mit les policiers sur une piste : Edward Gein, qui se rendait assez souvent à la Hogan's Tavern, et avait l'air d'apprécier Mary Hogan. Il avait dit à Ueeck : "Elle n'a pas disparu. Elle est à la ferme". Ueeck pensa qu'il plaisantait...Et Ed Gein passa entre les mailles du filet.
Le 16 novembre 1957, jour de l'ouverture de la chasse, Bernice Worden, 58 ans, propriétaire d'un magasin à Plainfield, disparut dans les mêmes circonstances que Mary Hogan. Le soir, les policiers trouvèrent du sang sur le sol jusqu'à la porte de derrière, ainsi qu'une cartouche vide. Mais cette fois, la caisse enregistreuse avait disparu. De nombreux habitants étaient partis chasser, la ville était déserte et il y avait peu de témoins. Mais le fils de Bernice Worden, un adjoint du shérif, avait vu Gein parler à sa mère la veille, pour lui demander de sortir avec lui. Elle avait refusé. Un homme qui faisait le plein de sa voiture, en face, l'avait aperçu traînant autour du magasin à l'heure de la disparition de sa propriétaire. Sur le comptoir, les policiers trouvèrent une facture pour de l'antigel, au nom d'Edward Gein. C'est la fin de la carrière criminelle d'Ed Gein.
Edward Gein est né au tout début du 20ème siècle à La Crosse, petite ville du Wisconsin. Il est le second fils d'Augusta et de George Gein. Il a un frère ainé, Henry, 7 ans plus âgé que lui. Comme chez de nombreux criminels, le rapport au sexe et à la femme se noue dans une enfance perturbée par une mère pathogène.
Sa mère est en effet toute-puissante dans le foyer et élève les deux garçons dans une atmosphère étouffante de religion sectaire et de haine des femmes. Augusta voit le mal partout. Le monde est rempli de pêcheurs lubriques et les femmes sont toutes les "récipients du pêché", des créatures immorales qui ne cherchent qu'à corrompre les hommes, en usant de leurs charmes. Elle conditionne ses garçons à craindre les femmes et la sexualité, espérant ainsi décourager chez eux tout désir sexuel. Elle les chaperonnait de près, veillant à ce qu'ils ne fréquentent aucune jeune fille, même à la sortie de l'office du dimanche, lorsque les jeunes gens se retrouvaient pour flirter sans penser à mal et avoir un peu de bon temps. Mère castratrice par excellence, Mme Gein allait jusqu'à vérifier les draps de ses fils, traquant la moindre trace suspecte. George Gein était lui un homme faible et alcoolique, et n'avait pas son mot à dire dans l'éducation de ses garçons.
La famille vivait bien grâce au travail d'Augusta qui a ouvert une épicerie à La Crosse. Elle travaille dur afin d'économiser assez d'argent pour qu'ils puissent déménager dans un coin plus rural, loin de l'immoralité de la ville et de ses "pêcheurs". En 1914, ils s'installèrent à 9km de Plainfield (un petite ville de 640 habitants).
Georges meurt le 1er avril 1940 d'une crise cardiaque. Les deux fils occupent plusieurs emplois différents et sont tous deux considérés comme des ouvriers honnêtes et fiables. Ed Gein fait souvent du baby-sitting pour les voisins. Il appréciait ce travail car il entrait plus facilement en contact avec les enfants qu'avec les adultes. Mais Henry le grand frère commença à émettre des critiques sur la relation entre son frère et sa mère, qui s'était accentuée après la mort de leur père. A plusieurs occasions, Henry avait critiqué Augusta et faisait fréquemment des commentaires désobligeants. Ed Gein n'appréciait guère.
Il faut dire qu'Ed Gein manifestait peu d'entrain à trouver une compagne. Il ne connut qu'une aventure sexuelle avec Ruth, la mère de deux enfants qu'il avait l'habitude de garder, une femme forte et robuste, comme sa mère. Un soir qu'elle rentra chez elle et trouvant ses enfants endormis, elle décida de déniaiser Ed Gein dans le salon sans que cela ne lui plaise particulièrement.
Henry mourut en 1944, asphyxié par un feu mal maitrisé. Il est fort probable au vu des circonstances qu'Ed Gein en soit responsable et ait commis son premier meurtre. Henry se mettait entre lui et Augusta et rappelait sans cesse à son frère l'anormalité de sa relation à leur mère. Le 16 mai 1944, Ed et Henry tentèrent d'éteindre un feu de broussailles qui s'approchait dangereusement de la ferme.
Lorsque le feu s'éteignit, Ed ne retrouva pas son frère et appela la police. Les policiers organisèrent une battue et eurent la surprise, lorsqu'ils parvinrent à la ferme, de voir Ed Gein les conduire directement au disparu, étendu sur le sol, mort. Il était curieusement allongé sur un morceau de terre qui n'avait pas brûlé et présentait des contusions à la tête. La police n'inculpa pourtant pas Ed Gein car personne ne pouvait imaginer que cet homme timide et emprunté ait pu tuer qui que ce soit, et sûrement pas son propre frère. Le coroner du comté écrivit que la cause de la mort était "une asphyxie due aux fumées de l'incendie".
Ed Gein fût alors enfin seul avec sa mère, l'unique personne dont il avait besoin, mais qui mourut peu de temps après, le 29 décembre 1945, après une série d'attaques qui l'avait laissée paralysée. La vie entière d'Ed Gein fut chamboulée et anéantie par son décès. A 39 ans, il se retrouva complètement seul et abandonné pour la première fois de sa vie, dans un monde qu'il ne connaissait pas. Seul à la ferme, ses obsessions firent surface et il sombra dans la psychose.
Ed Gein resta à la ferme et mena alors une vie en apparence de vieux garçon un peu simplet grâce aux maigres revenus que ses petits boulots lui rapportaient ainsi qu'à une aide de l'état, qui lui offrit une allocation pour qu'il laisse ses terres en jachère. En privé, cependant, rien n'allait plus et tous ses démons, la mort, le sexe et les femmes ne demandaient qu'à sortir et à s'exprimer. Ils le firent tout d'abord dans sa maison, un élément primordial chez le personnage. Si on divise souvent de façon abstraite le cerveau en cases, Ed gein le faisait lui en grandeur nature, chaque pièce représentant une de ses névroses.
La maison était le monde d'Ed Gein, le seul endroit où il pouvait être lui-même et s'exprimer. Il scella les portes des pièces de la maison que sa mère avait le plus utilisées, surtout à l'étage, ainsi que le salon du rez-de-chaussée et la salle de séjour, et les laissa en état, sans plus jamais y toucher, durant les années qui suivirent. Il s'installa au rez-de-chaussée, dans la cuisine et la petite chambre attenante au milieu des journaux et des livres.
Gein était particulièrement obsédé par les mutilations du corps humain, les atrocités commises par les nazis et les pratiques des réducteurs de têtes. Son temps libre consista à lire des histoires de rites mortuaires anciens, des magazines pornographiques et des livres d'anatomie. Gein ne pensait plus qu'au sexe et à la mort. Il lisait la nécrologie dans le journal. C'est grâce à cette rubrique qu'il apprenait les morts récentes de femmes du voisinage. Un jour, il lu dans le journal qu'une femme venait d'être enterrée, non loin de la tombe de sa mère. Le soir même, il se rendit au cimetière et déterra le corps. N'ayant jamais pu apprécier la compagnie des femmes, il étancha sa soif de sexe en exhumant des cadavres fraîchement enterrés.
Gein décida alors de ramener sa mère d'entre les morts, de la ressusciter, à travers le corps d'une autre femme. Il lui arriva de porter les vêtements de sa mère et il devint obsédé par le corps féminin. Il ne savait pas vraiment s'il aimait juste les corps féminins, s'il voulait être une femme ou s'il appréciait seulement de toucher des sexes de femmes. Il pensa à être castré, voire à recourir à la chirurgie pour changer de sexe. Puis il décida que porter un sexe féminin au-dessus du sien devrait suffire. Il se créa donc son costume de peau et se mit à récupérer les sexes de femmes décédées. Il raconta qu'il lui arrivait de revêtir son costume puis de danser devant sa ferme, la nuit, une pratique qui, selon lui, lui procurait un grand plaisir. En revêtant un autre sexe et une autre personnalité, Gein réalisait à la fois son fantasme de transsexualité, mais faisait également revivre sa mère.
Bien qu'il jura par la suite ne jamais avoir eu de rapport sexuel avec aucun des corps qu'il avait exhumés ("elles sentaient trop mauvais"), il prit un plaisir particulier à les dépecer, à tanner leur peau et à la porter, comme un vêtement. Il voulait savoir ce que cela faisait d'avoir des seins et un vagin et rêvait souvent d'être une femme. Il était fasciné par les femmes à cause du pouvoir sexuel qu'elles avaient sur les hommes. Il acquit une collection de morceaux de corps, dont des têtes qu'il préserva. Un jour, un jeune garçon que Gein gardait parfois vint visiter sa ferme. Il expliqua ensuite qu'Ed Gein lui avait montré des têtes humaines qu'il gardait dans sa chambre. Il lui avait affirmé que ces têtes réduites venaient des mers du Sud, des reliques de chasseurs de têtes. Lorsque le jeune garçon raconta son expérience, il ne fut pas pris au sérieux. Mais quelques semaines plus tard, deux autres garçons rendirent visite à Ed Gein et virent eux aussi les têtes de femmes, pensant qu'elles étaient juste des costumes d'Halloween. Des rumeurs commencèrent à circuler et bientôt, presque toute la ville commérait sur les étranges objets que Gein possédait. Toutefois, personne ne prit cette histoire réellement au sérieux avant la disparition de Bernice Worden, en 1954.
C'est la perquisition au domicile de Gein, suite à la disparition de Bernice Worden en novembre 1957 qui va tout déclencher. Le shérif Schley inspecta la cuisine avec sa lampe-torche. Lorsqu'il leva les yeux, il vit une grande carcasse qui se balançait, pendue à l'envers à une poutre. Elle avait été décapitée, éventrée et vidée de ses entrailles. Dans cette région de chasseurs, cette vision était familière à l'époque de la chasse aux rennes. Aussi fallut-il un moment au shérif pour réaliser que ce qui pendait à cette poutre n'était pas la carcasse d'un renne, mais le corps sans tête d'une femme. Celui de Bernice Worden.
Les abat-jours et la corbeille à papiers étaient en peau humaine. Un fauteuil était lui aussi en peau humaine. Le lit de Gein était "décoré" avec des crânes. Les adjoints découvrirent des sexes de femmes desséchés dans une boîte à chaussures, une ceinture faite de mamelons, des têtes humaines réduites (en fait des "masques de peau"remplis de chiffons), et quatre nez. Le corps de Bernice Worden se balançait, suspendu par les pieds à une poutre du plafond. Gein l'avait décapitée, éventrée et éviscérée. Sa tête fut découverte sous un matelas.. Le coeuur de Worden était emballé dans un sac plastique, posé dans la cuisine, et ses entrailles reposaient non loin, recouvertes d'un vieux costume. Ils mirent finalement la main sur un costume entièrement en peau humaine, présentant des "jambières" ainsi que de véritables seins et un sexe. Ils ôtèrent les planches que Gein avait clouées sur les portes et découvrirent des pièces tout à fait normales, mais couvertes de poussière du sol au plafond. Ils comprirent que Gein avait créé une sorte de mausolée pour sa défunte mère...
Les policiers se décidèrent alors à fouiller le reste de la ferme et le terrain qui l'entourait. Vu la "décoration" particulière de la ferme, il était possible qu'Ed Gein ait tué d'autres personnes qui auraient pu être enterrées sur sa ferme, tels Georgia Weckler, Victor Travis, Ray Burgess, Evelyn Hartley. Alors que les policiers commençaient les excavations, Ed Gein attendait calmement au pénitencier du comté de Wautoma sous la surveillance des deux policiers qui l'avaient arrêté, Spees et Chase. À 2h30 du matin, hors de lui, le shérif Schley vint l'interroger, sans la présence d'un avocat, et le brutalisa. Gein se renferma sur lui-même. Le lendemain, il se décida pourtant à parler. Il commença à expliquer ce qui s'était passé, comment il avait tué Bernice Worden et comment il s'était procuré les morceaux de corps trouvés chez lui. Il eut du mal à se souvenir des détails parce que, selon lui, il avait été "dans un état second" avant et pendant le meurtre. Il se rappela avoir traîné le corps de Bernice Worden jusqu'à son pick-up Ford, avoir emmené la caisse enregistreuse et les avoir ramenées chez lui. Il ne se souvenait pas l'avoir tuée d'un coup de fusil calibre .22 à la tête, ce que le rapport d'autopsie établit comme cause de la mort.
Les journalistes s'empressèrent de diffuser les plus horribles détails de cette affaire et Kileen alla lui-même interroger Ed Gein. Ce dernier affirma de nouveau qu'il avait été dans une sorte de "brouillard" lorsqu'il avait tué Bernice Worden, que "tout cela n'avait finalement été qu'un accident". Lorsque Kileen lui demanda pourquoi il avait volé la caisse enregistreuse, Gein répondit qu'il avait eu l'intention de la démonter afin d'en examiner le mécanisme.
Sur les morceaux de corps trouvés chez lui, Gein affirma aux enquêteurs les avoir volés dans les tombes du cimetière local. Généralement, il connaissait les femmes de leur vivant, avait appris leur mort grâce au journal, et se rendait au cimetière la nuit même de l'enterrement. Il insista sur le fait qu'il n'avait tué personne d'autre que Bernice Worden.
Le 18 novembre, Gein fut uniquement inculpé de vol à main armée. Le bureau du procureur ne l'accusa pas de meurtre tant que les résultats du laboratoire n'étaient pas définitifs et qu'il n'avait pas été soumis à un détecteur de mensonges. Gein fut interrogé sur les meurtres dont il aurait éventuellement pu être responsable, mais sans résultat. Il continua de nier le meurtre de Mary Hogan, bien que l'on eut retrouvé sa tête dans sa ferme. Gein nia l'avoir jamais connue, se mura dans le silence, puis admit s'être rendu à son bar plusieurs fois...Le lendemain, la presse fut autorisée à pénétrer dans la ferme de Gein et à y prendre des photos. Le 21 novembre, Gein fut inculpé des meurtres de Bernice Worden et de Mary Hogan. L'avocat commis d'office de Gein plaida la démence, et le juge envoya Gein à l'hôpital central d'état pour les fous criminels de Waupun, à 75km au sud de Wautoma. Les psychologues et les psychiatres qui l'interrogèrent affirmèrent qu'il était intelligent, mais schizophrène. Son état fut attribué à la relation malsaine qu'il avait eue avec sa mère et à la manière dont celle-ci l'avait élevé. Gein souffrait apparemment de sentiments conflictuels envers les femmes, son attirance sexuelle naturelle envers elles contredisant les comportements non naturels que sa mère lui avait inculqués. Ce sentiment d'amour/haine envers les femmes s'était exagéré avec le temps et s'était transformé en une psychose complète.
le 29 novembre, la police déterra un squelette sur la propriété de Gein et l'on se demanda si ce n'était pas celui de Victor Travis, l'un des deux chasseurs disparus des années plus tôt. Le squelette fut immédiatement envoyé au laboratoire et examiné. Il se révéla être celui d'une femme d'âge moyen, lui aussi volé dans une tombe. Les policiers découvrirent également deux vagins "frais" dans la cuisine qui, selon les analyses, provenaient de femmes jeunes. Après vérification, ils apprirent qu'aucune n'avait été enterrée à Plainfield. Selon les enquêteurs, l'une des victimes pourrait avoir été Evelyn Hartley, la jeune baby-sitter de 15 ans disparue à La Crosse, le jour où Gein rendait visite à des amis, à deux rues de là.
Les policiers trouvèrent aussi une Ford blanche, alors que personne n'avait jamais vu Gein la conduire. Lorsque Georgia Weckler avait disparu à Jefferson, des témoins avaient vu une Ford blanche rôdant dans le quartier et les traces de pneus trouvées près de l'endroit où la fillette avait disparu étaient celles d'une Ford.
Les policiers tentèrent d'impliquer Ed Gein dans ces disparitions, mais sans résultat probant. Les seuls meurtres pour lesquels Gein fut inculpé furent ceux de Bernice Worden et Mary Hogan. Lorsque les enquêteurs révélèrent ce qui avait été découvert dans la ferme de Gein, la nouvelle se répandit rapidement. Des journalistes du monde entier se rassemblèrent dans la petite ville de Plainfield, qui devint mondialement connue. Le pays entier apprit tout et même plus sur Gein en décembre 1957, lorsque les magasines "Time" et "Life" firent tous deux leur couverture sur "la maison des horreurs". Gein devint une célébrité. Des psychologues tentèrent de comprendre le comportement de Gein. Il devint le cas documenté le plus célèbre impliquant la nécrophilie, le travestissement et le fétichisme.
Mary Hogan et Bernice Worden étaient plus âgées que lui. Elles étaient connues pour être des femmes de caractère, dominatrices et un peu enrobées, qui ressemblaient à sa défunte mère. Selon Gein, Bernice Worden et Mary Hogan étaient "de mauvaises femmes". Il n'alla pas jusqu'à suggérer qu'elles méritaient de mourir, mais plutôt qu'elles étaient destinées à une fin violente, et qu'il n'avait pour ainsi dire été que l'instrument de leur mort progammée. Dans les années qui s'étaient écoulées depuis la mort de sa mère, il s'était mis à voir "des visages dans les feuilles" et à "sentir des odeurs étranges". Ces odeurs continuaient à le troubler à l'hôpital, pendant les interrogatoires. Lorsqu'on lui demanda de quel genre d'odeurs il s'agissait, il répondit : "des odeurs de chair".
Après que Gein eût passé 30 jours dans une institution psychiatrique, il fut déclaré mentalement inapte et il ne fut plus possible de le juger pour meurtre. Les habitants de Plainfield exprimèrent immédiatement leur colère, mais ils ne pouvaient pas y faire grand chose. Gein fut envoyé à l'hôpital central d'état de Waupun.
Peu après, on déclara que sa ferme et certaines de ses possessions allaient être vendues aux enchères ce qui attira des milliers de curieux pour voir les objets qui seraient mis en vente, notamment sa voiture, des instruments de musique et des meubles. La société responsable de la vente aux enchères demandait 50 cents à toute personne désirant visiter la propriété d'Ed Gein.Le pick-up Ford de Gein, qu'il avait utilisé pour transporter les corps de ses deux victimes, fut âprement disputé. L'homme qui l'avait acheté, un promoteur de spectacle forain nommé Bunny Gibbons, l'exposa à partir de juillet 1958 à la foire-exposition de Seymour, dans l'Illinois, où des milliers de personnes payèrent pour voir la voiture de "la goule de Plainfield", jusqu'à ce que les autorités locales l'interdisent.
Les habitants de Plainfield étaient ulcérés par ce carnaval de l'horreur. Le 20 mars 1958, la maison d'Ed Gein fut réduite en cendres. La police comprit que l'incendie était criminel car la ferme n'avait même pas l'électricité. Une enquête fut menée, mais les policiers ne trouvèrent aucun suspect
Dix ans plus tard, la justice décida finalement que Gein était sain d'esprit et pouvait être jugé. Son procès pour le meurtre de Bernice Worden commença le 7 novembre 1968. Les preuves étaient nombreuses et il ne fallut qu'une semaine pour boucler le procès et obtenir un verdict. Gein fut déclaré coupable de meurtre avec préméditation. Et pourtant, comme il avait été déclaré aliéné au moment du meurtre, il fut ensuite déclaré non coupable car mentalement irresponsable, puis acquitté ! Peu après le procès, il fut renvoyé à l'hôpital central d'état.
En 1978, Gein fut envoyé au service de gériatrie du Mendota Mental Health Institute, où il passa des jours heureux jusqu'à la fin de sa vie, dans un environnement enfin rassurant et stable. Les médecins le décrivirent comme un patient modèle qui s'entendait plutôt bien avec les autres malades, bien qu'il soit assez solitaire. Il mangeait bien et lisait beaucoup. Il aimait discuter avec les psychiatres et accomplissait avec ardeur les travaux qui lui étaient assignés. Seul bémol, sa manière déconcertante de fixer les infirmières ou les autres femmes qui passaient devant lui.
Le 26 juillet 1984, à 78 ans, Gein mourut à la suite d'une insuffisance respiratoire. Il fut enterré au cimetière de Plainfield, à côté de sa mère. Encore aujourd'hui, les "produits dérivés" Ed Gein, particulièrement les objets fabriqués avec les corps de ses victimes s'arrachent sur Internet.
Virginie IKKY pour Greffier Noir
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