(Ebook/PDF) Procès des armes du 7-9 janvier 2015 : les véritables énigmes du dossier Claude Hermant (comptes-rendus d'audience du Greffier Noir, 1ère partie.)
par Alexis Kropotkine,
le 8 juin 2018, mis à jour le 10 octobre.
Avertissement : ce document, essentiellement destiné à un lectorat averti, constitue la première partie, entièrement revue et corrigée, des comptes-rendus d'audience du procès de Claude Hermant par le site Greffier Noir. Le ministère public ayant interjeté appel de la décision de première instance, un second procès limité aux 4 acteurs principaux du réseau se tiendra dans les prochains mois. Par ailleurs, au moment où ces lignes sont écrites, l'instruction des attentats contre Charlie Hebdo, connexe à l'affaire Hermant, n'est pas close. Il s'agit donc d'un travail provisoire, tributaire de surcroît d'une documentation lacunaire.
Le PDF (8 juin 2018) peut être téléchargé gratuitement
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Table des matières
Introduction
TITRE I) La déconstruction du système Hermant.
Chapitre I) Ou des armes de guerre « .com » passées entre les mains expertes de Monsieur bricolage.
Chapitre II) Le faux débat de la remilitarisation des armes.
A) Les expertises.
B) Des standards du banc d'essais des Armes et cycles de St-Étienne : les armes AFG étaient en toute hypothèse des armes de catégorie A et B.
TITRE II) Le clan des importateurs.
Chapitre I) Le cas Claude Hermant.
A) Claude Hermant, le personnage et ses méthodes.
a1) Claude Hermant, faux flic mais vraie barbouze.
a2) Du statut d'infiltré.
a3) Hermant, provocateur professionnel ou professionnel du renseignement ? L'effroyable histoire des livraisons Ladjali.
a4) Claude Hermant, assistant social : « Nous dépolluions les jeunes ! »
a5) Claude Hermant et Aurore Joly, petits-commerçants : la « Frite rit ! »
B) Les méthodes de travail de Claude Hermant, « agent des services de renseignement de la Gendarmerie Nationale. »
b1) De l'énigme parisienne et quelques prémices.
b2) Les méthodes de travail de Claude Hermant : injecter des armes de guerre dans le circuit criminel... et attendre.
C) La défense des gendarmes.
c1) Les explications de la gendarmerie.
c2) De la responsabilité des gendarmes, suite : la présentation des armes, les ordres reçus et ces rendez-vous... à l'existence douteuse.
c3) Samir Ladjali, loup blanc inconnu au bataillon de la SR.
c4) La défense des gendarmes, suite : « pas de contact, pas de rapport ; pas de rapport, pas de contact. »
Conclusion provisoire sur le cas Hermant, en attendant l'appel : le chantage aux enregistrements.
Chapitre II) Christophe Dubroeucq : au pays des armes et des Barbes-à-Papa...
A) Christophe Dubroeucq, grenouillage en eaux troubles.
B) « A force d'être pris pour un con ! » aurait dit Choron.
b1) La charge de Dubroeucq contre Claude Hermant.
b2) La filière ad hoc d'importation d'armes AFG découverte à charge de Dubroeucq.
b3) Christophe Dubroeucq, le salaire de la peur. Une aventure slovaque.
Chapitre III) Antoine Denevi, le cave se rebiffe (rate son virage et percute un troupeau de barbouzes.)
A) Antoine Denevi, de la nébuleuse radicale au restaurant de la rue de Solférino.
a1) Éléments de profil.
a2) L'embauchage d'Antoine Denevi à la friterie.
B) Le témoignage à charge d’Antoine Denevi contre Claude Hermant.
b1) Un témoignage précis et accablant.
b2) Antoine Denevi, un homme menacé ou trop impliqué ?
C) Le mystère du trafic de cocaïne, organisé depuis la Frite rit : mythe et réalité.
c1) La version de Samir Ladjali et Anthony Lefebvre.
c2) La version de Claude Hermant et Aurore Joly.
c3) Les versions d'Antoine Denevi et Christophe Dubroeucq
c4) Du positionnement très relatif de Claude Hermant à l'égard des drogues, des drogués et des dealers.
D) Antoine Denevi, bouc-émissaire ou petit artisan de la chute de Claude Hermant ?
d1) Des accusations à accueillir avec circonspection.
d2) Antoine Denevi ou de la création d'un fusible : la démonstration Halluent.
d3) Le piratage de la vie électronique d'Antoine Denevi, le coup de maître du couple Hermant-Joly.
Conclusion du titre II: le véritable fusible de Claude Hermant était en réalité l'appareil sécuritaire régional.
TITRE III) Les clients de Claude Hermant.
Chapitre I) L'histoire de Riad K. & consorts.
A) La livraison de trop et des meilleures méthodes pour ficeler un dossier judiciaire.
B) Qui a piégé "Mouss" et ses amis ?
C) Les condamnations
Chapitre II) Sébastien Lemaire : des bureaux de la Direction Opérationnelle des Douanes aux prétoires.
A) Les faits reprochés à Sébastien Lemaire.
B) Un cas d'école : la vidéo Lemaire.
b1) Sébastien Lemaire piégé sur film par Claude Hermant.
b2) Une opération douanière. Des dangers de la sur-interprétation lorsque l'on est mis sous pression.
C) Sébastien Lemaire peut en témoigner : le survivalisme peut rapporter gros (indexé sur le cours de l'année de réclusion).
c1) Une relation équivoque.
c2) des écoutes et des surveillances compromettantes.
c3) Claude Hermant a-t-il bénéficié de fuites l'avertissant des interpellations de janvier 2015 ?
D) De l'embrouille libanaise (en guise de conclusion provisoire.)
d1) Le "dossier MBQ", ou comment des armes, remilitarisées en France, aboutiraient dans les villages chrétiens du nord Liban.
d2) Réunion au somment au club privé "La Renardière".
Introduction
Le procès du trafic d'armes de guerre animé par le militant de la droite nationaliste révolutionnaire Claude Hermant, une filière qui a notamment approvisionné les assaillants du 7-9 janvier 2015, s'est tenu du 11 au 16 septembre 2017 devant la Juridiction Interrégionale Spécialisée (JIRS) de Lille.
Au terme de 6 jours d'audience dans une salle semi-souterraine, austère, placée sous haute sécurité, l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic et ses 2 assesseurs, Aurélie Vitteaut et Jacques Huard, ont reconnu coupable l'ensemble des prévenus renvoyés devant le tribunal correctionnel, Claude Hermant écopant d'une peine de 7 années d'emprisonnement assorties d'une lourde amende.
Les faits jugés par la JIRS, un tribunal à mi-chemin des tribunaux d'exception et des juridictions de droit commun, auraient dû se limiter au trafic local conduit par la dizaine d'individus poursuivis mais il fut bien difficile de faire abstraction des ramifications parisiennes du dossier, y compris pour le ministère public qui avait pourtant, par la voix du vice procureur Jean-Philippe Navarre - un archétype du mâle alpha dans la fleur de l'âge, la peau mate, le crâne rasé, costume trois pièces d'excellente facture sous la robe noire, les traits fins, le verbe littéraire et nerveux - fustigé le premier jour des débats « l'obsession morbide » de certaines parties pour l'instruction conduite par la galerie Saint-Éloi, du nom de l'aile du palais de justice de Paris où sont centralisés les dossiers terroristes. Une obsession non sans fondement puisqu'en quelques mois d'activité la filière Hermant a essaimé bien au-delà des Hauts-de-France et alimenté des réseaux d'une envergure inattendue. L'instruction a notamment démontré que la majeure partie de l'arsenal découvert entre les mains d'Amedy Coulibaly, l'un des assaillants du 7-9 janvier, avait été importée par l'entreprise du couple Hermant-Joly, Seth Outdoor, dans le courant de l'année 2014. Des faits dont la JIRS de Lille n'était pas saisie mais qui ont parcouru l'ensemble des débats.
Ce dossier passablement complexe à la lisière des attentats de Paris est de surcroît singulièrement alourdi par la présence d'agents assermentés (gendarmes, douaniers et officiers de police judiciaire) dans l'environnement des principaux acteurs du réseau, notamment des importateurs qui tous, sans exception, se sont revendiqués lors de leurs auditions ou à la barre du tribunal, d'un service de sécurité. Le procès Hermant était aussi celui, dans une certaine mesure, des services de renseignement des Hauts-de-France.
Deux catégories de prévenus comparaissaient dans le box.
D'un côté, le clan des importateurs-revendeurs, ancré au sein de la droite radicale, incarné par quatre personnages aux profils de videurs de boîte de nuit étonnamment similaires : Claude Hermant, sa femme Aurore Joly, accompagnés de leurs anciens employés Antoine Denevi et Christophe Dubroeucq. Un petit groupe homogène dont l'originalité, sinon l'audace, réside dans ses relations avec l'appareil sécuritaire, tous services confondus (titre II).
D'autre part, les clients du réseaux pour certains arrêtés sur la base de renseignements circonstanciés opportunément transmis à la PJ et la gendarmerie la veille d'un transport ou d'une livraison comme Riad K. et Daniel B. ; pour d'autres ouvertement trahis par leur revendeur à l'image de Sébastien Lemaire, un douanier en poste à la DNRED de Lille tombé sous le charme de l'idéologie survivaliste et du charisme de Claude Hermant, poursuivi et condamné pour l'acquisition d'une kalachnikov, la présentation de l'arme ayant été filmée à son insu par Aurore Joly et son mari. Un film, la désormais célèbre "vidéo Lemaire", que le couple qui se croyait dans les premiers temps de la procédure victime d'une opération douanière, s'est empressé de livrer aux enquêteurs. Il est vrai que Sébastien Lemaire, tout en entretenant une relation amicale équivoque avec Claude Hermant, occupait le poste enviable d'agent des services de renseignement du Ministère des Finances. Il était à ce titre le supérieur hiérarchique direct des agents traitants de Claude Hermant lorsque ce dernier était un aviseur (indicateur) répertorié des douanes. Nous développerons dans le titre III, assez longuement, ce sujet.
TITRE I) La déconstruction du système Hermant
Chapitre I) Ou des armes de guerre « .com » passées entre les mains expertes de Monsieur bricolage.
« J'ai fait comme Claudie m'a appris » (Antoine Denevi)
La filière d'approvisionnement mise en place par Claude Hermant et consorts était d'une efficacité déconcertante, et redoutable de facilité : des armes neutralisées, c'est à dire des armes authentiques souvent puisées dans les arsenaux de l'ex-Union Soviétique mais rendues inaptes au tir à balles réelles, étaient commandées par internet auprès d'AFG, une entreprise slovaque « réputée dans le milieu des collectionneurs et des truands » pour appliquer des standards de neutralisation particulièrement laxistes. Les armes étaient ensuite remises en état dans des ateliers du nord de la France, au prix de manipulations que l'expert mandaté par le tribunal a évalué « à la portée d'un bon bricoleur ayant quelques notions sur les armes à feu. »
Outre l'arsenal saisi lors des perquisitions domiciliaires et dans les locaux associatifs gérés par le couple Hermant-Joly, soit plus d'une dizaine d'armes dont certaines réactivées, voire recanonnées, et plus de 5000 munitions allant du 7.65 mm au 12 mm, les enquêteurs estiment, sur la base des renseignements fournis par AFG et l'exploitation des factures en possession d'Aurore Joly que 146 armes ont été commandées auprès de l'entreprise slovaque par Seth Outdoor (la société fondée par Claude Hermant et sa femme) entre le 7 juillet 2014 et le 21 décembre 2014 pour la somme de 54.699 €.
Cinq de ces armes ont été retrouvées entre les mains d'Amedy Coulibaly : 4 Tokarev TT33, et un fusil d'assaut CZ58.
Encore ne s'agit-il ici que des commandes directes, le couple s'étant dans un premier temps fourni, jusqu'en mai 2014, auprès de Patrick Halluent, un policier belge devenu détective privé et pour lequel Claude Hermant effectuait occasionnellement de petites surveillances, entre autres dans des dossiers d'adultère qui constituent la principale manne de ce type d'officine.
Un fusil d’assaut CZ58 commandé le 13 janvier 2014 par Patrick Halluent, qui aurait rapidement rétrocédé l'arme à Claude Hermant, faisait ainsi partie de l'inventaire, déjà chargé, d'Amedy Coulibaly. Cette dernière pièce porte à six, et non à cinq comme nous l'avons longtemps écrit, le nombre des armes matériellement impliquées dans les assauts du 7-9 janvier après un transit par le réseau Hermant.
Un détail chronologique doit ici être relevé : Claude Hermant et Aurore Joly n'ont lancé leur propre société d'importation, Seth Outdoor, et pris la succession de Patrick Halluent qu'après la perquisition domiciliaire de ce dernier le 7 mai 2014 et sa mise en examen en Belgique .
Au total, le parquet évoquera en audience l'importation sur le territoire national par Claude Hermant et sa femme de 400 à 500 armes entre 2013 et 2015, « ce qui ferait de cette filière, l'un des plus gros trafics mis à jour ces dernières décennies en France ». Un business aux conséquences funestes et immédiates dont les archives de la presse gardent discrètement la mémoire. Trois mois avant le Grand-œuvre d'Amedy Coulibaly, plusieurs médias s'inquiétaient ainsi de l'inhabituelle recrudescence des « règlements de compte par armes à feu » à Lille, où l'on a compté jusqu'à 4 fusillades en 15 jours en octobre 2014, inspirant à l'époque ce commentaire rétrospectivement sordide de l'adjoint à la sécurité de la mairie de Lille, Franck Hanoh : « Les trafics ont évolué. (…) il ne faut pas seulement des renforts, il faut des modes d’investigation nouveaux. Avec nos partenaires, il faut discuter des moyens que l’État peut mettre pour assurer la sécurité des habitants. »
Chapitre II) Le faux débat de la remilitarisation des armes.
A) Les expertises.
Les armes AFG, commandées « légalement » sur l'internet commercial « .com », pas même sur le Darknet, étaient remises en état de fonctionnement au prix de manipulations que l'expert en balistique nommé pour expertiser l'arsenal et les outils découverts dans l'atelier de Claude Hermant, rue du Mont-au-Camp à Lomme, a qualifié de travail « à la portée d'un bon bricoleur ayant quelques notions sur les armes ».
Il est désormais acquis que Claude Hermant procédait lui même aux remilitarisations, un point qu'il avait d'ailleurs admis en janvier 2015 devant les premiers enquêteurs avant de se rétracter. Rétractation peu plausible en regard des éléments matériels saisis dans son atelier : postes à souder Mig et ocy-acétylène, perceuses à colonne et l'ensemble des outils du parfait orfèvre de la kalash', accompagnés de plusieurs armes réactivées.
L'une des armes saisies présentait la remarquable particularité d'avoir été artisanalement recanonnée, le nouveau canon étant usiné dans un bloc d'acier brut. Le canon original de l'arme (même N° de série), neutralisé, a quant à lui été retrouvé dans l'atelier. Le recanonnage artisanal est particulièrement apprécié du grand banditisme pour des motifs balistiques, le process compliquant grandement le travail des enquêteurs. Il est à noter que ce canon n'a pas, a priori, été fabriqué par Claude Hermant, mais par un tiers à ce jour non identifié, la fabrication d'une telle pièce nécessitant, outre un opérateur compétent, « l'utilisation de machines outils (tour et fraiseuses) », qui n'ont pas été découvertes lors des perquisitions.
Une ultime expertise balistique réalisée à la demande de la défense de Claude Hermant a par ailleurs confirmé les dépositions du principal témoin à charge contre la barbouze, Antoine Denevi, qui avait décrit sur procès verbal, en juin 2014, la méthode employée par Claude Hermant pour remettre en état les armes. « Les armes [AFG] sont neutralisées à deux endroits, au niveau du canon et de la chambre (...). Claude installe l'arme sur un étau (...) [et perce] le canon. Pour la chambre , il la fait chauffer avec un chalumeau et ensuite quand la pièce est bien rouge, il prend une barre et il tape fort [dessus]. Pour les armes courtes, comme c'est un canon flottant, il le démonte et il perce direct avec la fraise. En ma présence, Claude a déjà fait 12 kalachs, 10 scorpions et 5/6 armes de poing ».
Une technique absolument opérationnelle selon l'expert qui a lui même procédé à la remilitarisation de 2 fusils d'assaut à l'aide des outils saisis dans l'atelier de Claude Hermant en suivant scrupuleusement les descriptions de Denevi.
D'après une expertise tchèque révélée par le quotidien Lidovky.cz, la remilitarisation de certaines armes AFG était encore plus simple. Nul besoin d'un outillage compliqué pour remilitariser les Skorpion VZ61 avec lesquels il suffisait, pour expulser la goupille « soudée » au canon, de tirer sans autre précaution une seule et unique balle. Claude Hermant - qui a lui même spontanément expliqué aux enquêteurs qu'AFG possédait trois ateliers appliquant chacun des standards de neutralisation différents - a très ironiquement, en cherchant à contrer les affirmations d'Antoine Denevi, implicitement révélé qu'il connaissait ce détail technique : « la méthode de remilitarisation des armes longues décrite [par Antoine Denevi] c'est n'importe quoi et c'est dangereux. Il y a un risque d'explosion à 90%, la chambre explose c'est une certitude. Ce n'est pas une simple soudure qui va supporter 2700 bars lors d'un tir ». Non monsieur Hermant, effectivement, une simple soudure ne supporterait pas une pression de 2700 bars...
Ce sujet sera longuement traité dans la suite de cet article mais signalons d'emblée que Claude Hermant, acculé, va accuser Antoine Denevi d'être le véritable instigateur et l'auteur principal des délits reprochés à son couple, qu'il s'agisse des remilitarisations opérées à Lomme ou des trafics de cocaïne et d'armes de guerre ruisselant depuis la friterie de la rue Solférino, allant jusqu'à affirmer qu'une partie de l'arsenal livré par ses soins au grand banditisme avait été rackettée au détriment du jeune homme.
Une défense objectivement invraisemblable, battue en brèche par de nombreux éléments matériels du dossier mais qui a néanmoins connu un certain succès, notamment médiatique. Des médias d'envergure nationale, théoriquement mieux informés que ne l'étaient La Voix du Nord ou le Greffier Noir ont ainsi présenté Antoine Denevi comme « le fournisseur présumé des armes d'Amedy Coulibaly » alors que rien en procédure ne permettait de lui attribuer ce rôle. Ce tir médiatique à blanc est d'autant plus intrigant que Claude Hermant n'avait pas ménagé sa peine, les débats l'ont démontré, pour impliquer le jeune homme, l'un de ses « fusibles », dans le dossier. Quoi qu'il en soit, cette fausse information a fait florès malgré le correctif immédiat du parquet local. Nous en trouvons encore la trace sur cette infographie du Parisien (vérifiée en mai 2018) persistant à établir une connexion directe entre Antoine Denevi et Amedy Coulibaly.
B) Des standards du banc d'essais des Armes et cycles de Saint-Étienne : les armes AFG étaient en toute hypothèse des armes soumises à autorisation.
Le thème de la remilitarisation des armes, un sujet très présent dans les médias, Greffier Noir inclus, était-il par ailleurs un faux sujet ? Il n'aura en tout cas que peu occupé le tribunal correctionnel, et pour cause : les armes expédiées de Slovaquie n'étaient pas neutralisées selon les standards français, et demeuraient de ce fait considérées dès leur introduction sur le territoire national comme des armes létales de catégorie A ou B dont la possession est interdite aux particuliers ou soumise à autorisation. La loi française impose que la neutralisation soit réalisée selon les standards du banc d'essais de Saint Étienne, chaque élément de l'arme, du canon à la détente devant être irréversiblement rendu inapte au tir.
Un débat technique d'autant plus secondaire dans la qualification pénale des infractions reprochées à Claude Hermant, Aurore Joly, Antoine Denevi et Christophe Dubroeucq, les quatre importateurs du dossier, que l'entreprise slovaque AFG joignait aux armes « neutralisées » des chargeurs, authentiques, en parfait état de fonctionnement, voire des munitions, deux éléments appartenant à la catégorie B des armes soumises à autorisation. Un détail du système AFG qui ne laisse accessoirement aucun doute sur la destination finale des armes, vouées de toute évidence à être rendues opérationnelles.
TITRE II) Le clan des importateurs.
Marc Trévidic l'a constaté le deuxième jour du procès : le dossier Hermant et consorts est compliqué, mais c'est aussi ce qui fait son originalité et sa saveur, par un fait assez remarquable, sinon rarissime : tous les importateurs renvoyés devant la JIRS, sans aucune exception, se revendiquent ouvertement d'un service de renseignement - police judiciaire, douane, gendarmerie et feus les ex-RG inclus.
Tous ont tenté d'exciper de leur responsabilité pénale en invoquant les instructions reçues d'une autorité légitime.
Chapitre I) Le cas Claude Hermant.
« Un barbu, c'est un barbu ; deux barbus, c'est des barbouzes. »
Le plus important trafiquant du dossier, Claude Hermant, et ce point n'a jamais été contesté par ses officiers traitants, était au moment de son arrestation non seulement un honorable correspondant de la Police Judiciaire et des Renseignements Généraux (nous appellerons le plus souvent par commodité RG le SDIG) en tant que responsable notoire de l’extrême droite régionale mais surtout, depuis mars 2013, un informateur régulier et dûment enregistré des services de la Gendarmerie. Jusqu'en 2012, avant de basculer auprès de cette dernière administration, Claude Hermant était un aviseur des douanes.
Autant de statuts qui ont notoirement compliqué les investigations sur les trafics organisés par le couple Hermant-Joly, entré dans le viseur de la PJ locale dès l'hiver 2013, suite à la découverte du profil génétique de Claude Hermant sur la pièce interne d'un pistolet mitrailleur saisi dans une affaire de stupéfiants entre les mains d'un certain Abdelkader G., le 16 décembre 2013, soit un peu plus d'un an avant les attentats du 7-9 janvier 2015.
Mais en préambule, quelle image Claude Hermant avait-il de ses activités et quelle image avait-il de lui même ?
A) Claude Hermant, le personnage et ses méthodes.
a1) Claude Hermant, faux flic mais vraie barbouze.
Au cours d'un interrogatoire conduit le 20 mars 2015 par Stanislas Sandras, le premier juge d'instruction du dossier, Claude Hermant s'est dépeint sous les traits d'un auxiliaire de police, hors cadre mais quasi-professionnel, non sans s'être livré à la brève rétrospective d'usage sur son parcours professionnel.
Un chemin escarpé fort intéressant qui l'a mené en Afrique où il aurait protégé des mines de diamants pour un conglomérat italien « en sous-traitance pour la DGSE » ; dans les Balkans où, entre autres, il aurait été instructeur CRAP (Commando de Recherche et d'Action en Profondeur) pour Le Front de Libération Croate de 1992 à 1997, sous les ordres du célèbre Marty Cappiau ; au Congo Brazzaville, enfin, en 1999, « pour une affaire très présente dans la presse (…) j'ai été policier congolais, et je formais les services de police, les services d'actions spéciales de la police commandée par le lieutenant Guy Tatty ».
Un chemin qui a également mené Claude Hermant le long des allées de la grande distribution des banlieues ouvrières françaises où il était spécialisé dans le gardiennage et l’inspection de magasins « inspection surtout centrée, n'oublie-t-il pas de préciser, sur les vols commis par le personnel ». Une période de sa vie qu'il aurait souhaité raconter mais qui demeurera à jamais tue. « J'ai voulu écrire un livre sur ma vie, a-t-il confié au magistrat, et je me suis retrouvé 48H en garde à vue par la brigade anti-terroriste, c'était en 2002-2003. Ils ont dépouillé toute ma vie. Je suis sorti de la garde à vue à la condition que je n'écrive pas ce livre. »
Faute de droits d'auteur, « dégoûté et bien décidé à tout arrêter », Claude Hermant se laisse néanmoins tenter par l'administration fiscale et devient aviseur des douanes. Il travaille plusieurs années sous les ordres de Paul R., un homme qui l'a profondément marqué, au moins autant que Bernard Courcelles, comme en témoigne l'interrogatoire du 20 mars.
Au fil des ans explique-t-il « des agents des douanes sont venus chercher des dizaines et des dizaines de renseignements sur des affaires de trafic d'armes, de cocaïne, de traite humaine. (...) Je ne travaillais pas seul, je me servais d'éléments extérieurs. » Claude Hermant fait ici implicitement référence, notamment quant aux trafics d'armes et de cocaïne à la grande époque de La Maison du Peuple Flamand située aux alentours des années 2009-2013.
A la mi 2012, Claude Hermant est néanmoins brutalement radié du registre des aviseurs de la douane. Une mesure de rétorsion prise selon lui après qu'il ait dénoncé des « douaniers ripoux impliqués dans un vaste trafic de cocaïne ». Un dossier qui n'aurait jamais été finalisé car Claude Hermant, ce sont ses propres mots, « laisse toujours le choix aux fonctionnaires de descendre leur collègue ou pas. C'est une question d'éthique. Je respecte les soldats de la République. »
Sébastien Lemaire, dont le nom reviendra souvent au fil de notre article, l'introduit auprès de la Gendarmerie un an après cette radiation, en mars 2013. En novembre 2014 un second douanier, Nicolas L., le présentera à un fonctionnaire du « Service Zonal de Renseignement Intérieur et d'Appui » (PJ), en poste à Marc-en-Baroeul, Jean-Paul D.S.(voir titre III) mais d'ici là, Claude Hermant devient « informateur immatriculé de la Gendarmerie Nationale », une couverture en échange de laquelle notre barbouze va mettre son zèle et son savoir-faire au profit de son nouvel employeur.
a2) Du statut d'infiltré
« Je suis un spécialiste du renseignement, c'est mon dada, mon hobby, s'enflamme Claude Hermant devant le juge d'instruction. (…) J'ai tout le matériel pour suivre quelqu'un. Des balises, des GPS traceurs capables de suivre 6 voitures en même temps ! »
Malheureusement, si lui-même se vit comme un infiltré, il n'en a néanmoins jamais eu le statut. Peut-être même Claude Hermant se vivait-il authentiquement, très sincèrement et en toute simplicité, comme un véritable flic. L'hypothèse ne peut être exclue à la lecture de certaines auditions, par exemple lorsqu'il déclare au juge d'instruction « ne pas avoir ouvert de dossier sur X ou Y » ou lorsqu'il revendique conduire parallèlement à ses enquêtes pour la gendarmerie « des investigations personnelles » pour lesquelles il regrette de ne pas être suffisamment couvert.
Dans l'attirail saisi chez Claude Hermant figuraient notamment une fausse carte de police supportant sa photographie, une casquette et un bandeau auto-réfléchissant siglés police ainsi que, pour faire bonne mesure, une paire de menottes. Des souvenirs de sa période congolaise a-t-il expliqué, et que bien entendu, il n'a jamais utilisés sur le territoire national.
Celui qui en 2014 tirait au flash-ball sur des antifascistes agités, depuis un véhicule des forces de l'ordre tout en appelant les fonctionnaires par leur prénom, s'adressait dans ses courriels à ses officiers traitants, des militaires de la Section de Recherches (SR - Gendarmerie), sur un ton non seulement familier, mais presque confraternel, au sens littéral du terme. Exemple choisi parmi des dizaines d'occurrences, ce courriel du 7 mai rendant compte des premières investigations de Claude Hermant sur Samir Ladjali et dans lequel, après avoir livré deux plaques d'immatriculation, il écrit à Laurent B. : « si on fait "match", montre moi la fiche "pol" antropo de l'individu, je te confirmerai la tronche. Te ferai rapport détaillé après le prochain rendez-vous. »
Or, la substitut du procureur Cyndra Celino et le vice-procureur de Lille Jean-Philippe Navarre, l'ont l'un et l'autre démontré et martelé : Claude Hermant n'était pas, n'a jamais été et ne sera jamais « un infiltré », un statut très spécifique, rigoureusement défini par les articles 706-81 et 706-82 du code de procédure pénale.
L'infiltration consiste, selon l'article 706-81 alinéa 2 « pour un officier de police judiciaire ou un agent de police judiciaire spécialement habilité [...] et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs co-auteurs, complices ou receleurs. L'officier de police judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et commettre, si nécessaire, [l'un des délits énumérés à l'article 706-82]. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions. »
Ce régime aurait autorisé Claude Hermant à concourir à la commission d'infractions et très précisément pour cette dernière raison seuls des agents assermentés peuvent en bénéficier. Une hypothèse exclue dans le cas de Claude Dominique Hermant, condamné au tournant des années 1990, à trois reprises, pour des délits mineurs (2 condamnations pour vol en 1988 et une condamnation en 1996 pour violence volontaire avec ITT supérieure à 8 jours). Ces condamnations, lui ont valu de quitter l'armée, non pas avec le grade de sergent comme il l'a déclaré durant l'instruction mais celui de simple soldat.
a3) Claude Hermant, provocateur professionnel ou professionnel du renseignement ? L'effroyable histoire des livraisons Ladjali.
Il serait néanmoins inéquitable de ne pas reconnaître le caractère semi-professionnel des activités para-policières de Claude Hermant puisque toutes les actions du couple Hermant-Joly depuis 2009 semblent avoir été le prétexte à des « divertissements barbouzards », qu'il s'agisse de La Maison du Peuple Flamand (2009-2013), du Front Solidariste (2011-2013) créé aux cotés de Serge Ayoub ; du survivalisme (2009-2015) avec les Bases Autonomes Durables (BAD en abrégé) ; du club de motards « 1% » Les innommables fondé fin 2014 avec Ludovic G. ; qu'il s'agisse plus généralement des associations Terre Celtique - Jeanne de Flandre (2009-2015), et même de la friterie ouverte par nos deux associés en janvier - février 2014.
L'imbrication de ces univers multiples a abouti dans la galaxie de Claude Hermant à des situations franchement sordides. Mais aussi susceptibles de jeter le trouble sur bien des procédures, le pire semblant nécessairement certain chez Hermant & consorts.
Ainsi, et l'anecdote est exemplaire de l'ensemble du dossier, Claude Hermant était un responsable politique et un auxiliaire de police hors norme qui n'hésitait pas, selon ses propres aveux, à dissimuler dans les sacs et les gants de boxe de son association politico-sportive, Jeanne de Flandre - Terre Celtique, des armes sur le point d'être livrées à des représentants du grand banditisme... Et cela au risque, sinon dans le dessein, de barbouiller les pièces avec l'ADN de ses camarades de combat. Nous verrons que cette hypothèse effroyable n'est pas sans fondement.
Claude Hermant a ainsi révélé que lorsqu'il effectuait une livraison d'armes (en l'occurrence à Samir Ladjali), il transportait l'arsenal démonté, les pièces longues étant stockées dans un sac de sport tandis que les pièces courtes comme les culasses étaient cachées dans des gants de boxe. La manœuvre est absolument hallucinante puisque Claude Hermant parle ici des armes du 7-9 janvier et des gants utilisés par les quelques jeunes, parmi lesquels Antoine Denevi, qu'il entraînait aux sports de combat. Très exactement, Claude Hermant a déclaré : « Les armes étaient démontées, elles étaient dans un sac de boxe, les culasses étaient dans des gants de boxe appartenant au club de l'association » (Ordonnance de Renvoi devant le Tribunal, page 47.)
Les armes étaient ensuite ré-assemblées sur le lieu de rendez-vous dans les minutes précédant la livraison.
J'aurais personnellement refusé de croire cette histoire si elle n'avait été confirmée par trois témoins, Claude Hermant inclus, et actée en procédure. Samir Ladjali, le récipiendaire de la livraison ayant d'ailleurs témoigné sur PV qu'effectivement, les armes lui étaient remises dans un sac de sport.
a4) Claude Hermant, assistant social : « Nous dépolluions les jeunes ! »
Sans ciller et dans un même mouvement, Claude Hermant et sa compagne Aurore Joly ont osé soutenir, sur procès verbal ainsi qu'à la barre du tribunal, que la Maison du Peuple Flamand, haut lieu de rendez-vous de la droite nationale lilloise jusqu'à sa dissolution en 2013, et de façon plus générale les multiples engagements politiques du couple, tous situés à l’extrême droite, avaient pour double objectif de dé-radicaliser les skinheads et les militants les plus durs de l’ultra-droite régionale (si, si...) tout en renseignant les services sur la nébuleuse identitaire.
Laissons la parole à Claude Hermant : « La Maison du Peuple Flamand [nda : Terre Celtique] était une façade. Tous les adultes étaient au courant. Elle avait un second avantage, c'[était] de réunir toute la frange radicale au même endroit ce qui facilitait la tache des services de renseignement. Cela pourra être confirmé par monsieur Philippe P. Nous organisions des stages scout l'été, l'hiver la montagne. J'avais les jeunes sous la main pour les dépolluer. »
La Maison du Peuple Flamand - cet « instrument » remarquable au service de la paix sociale dont témoignent par exemple certains Noyés de la Deûle ou les clients du bar gay Le Vice-versa - a disparu en 2013 dans la foulée des dissolutions administratives qui ont frappé la droite radicale après la mort de Clément Méric. Les militants aguerris de la nébuleuse qui constituait l'essentiel de la clientèle du lieu, ayant successivement fondé deux moto-club, le WWK sous la direction magistrale, et c'est un euphémisme, de Jeremy Mourain (2012-2014 de sinistre mémoire amiénoise), et sous la présidence de Serge Ayoub, les Praetarians (2013-2015, devenu en 2015 le Black Seven France), Claude Hermant a poursuivi son œuvre sociale en fondant un moto-club.
Il venait d'ailleurs, juste avant les attentats de janvier 2015 de recevoir l'aval de ses officiers traitants pour « une mission de renseignement sur le milieu des bandes de motards criminalisées ». Il était question dans l'esprit de la barbouze d’empêcher, et avec quelles méthodes (infra), « l'implantation dans la région lilloise d'un moto-club néo-nazi », là où ses officiers de la Section de Recherches (SR) entendaient, ou espéraient, monter un dossier de violences, trafic d'armes et proxénétisme. Un projet, « Les innommables » du nom du moto-club fondé par Claude Hermant avec la complicité active, et consciente, d'un restaurateur local proche de la mouvance identitaire, Ludovic G. sous la houlette des Choosen Few, qui n'aura malheureusement pas eu le temps de se concrétiser, l'intervention de la Direction Opérationnelle des Douanes (DOD) de Rouen ayant mis fin prématurément à la carrière de la barbouze, le 20 janvier 2015.
a5) Claude Hermant et Aurore Joly, petits-commerçants : la « Frite rit ».
Le couple Hermant-Joly possédait une surface locale non négligeable et affichait en un certain sens, en l’occurrence devenu péjoratif, les moyens de ses ambitions politiques et professionnelles.
En plus de leur association Terre Celtique - Jeanne de Flandre propriétaire d'un terrain de paintball à Ennetieres-en-Weppes ainsi que d'un local à Lomme près de Lille, servant à la fois de salle d'entraînement sportif et d'atelier pour la remilitarisation des armes ; en plus de leur société, Seth Outdoor, activée au second semestre 2014 et spécialisée dans la vente d'équipement de survie, accessoirement couverture pour la commande des armes auprès d'AFG-Slovaquie mais aussi prolongement commercial de la Base Autonome Durable (BAD) qu'avait installée fin 2011 Claude Hermant à proximité de la métropole lilloise ; en plus d'activités annexes, notamment salariée comme un poste de veilleur de nuit au centre médico-pédagogique de Croix, Claude Hermant et Aurore Joly dirigeaient depuis janvier 2014 une friterie, sise rue de Solférino à Lille.
L’inénarrable friterie du couple Hermant-Joly. Un commerce de bouche qui en seulement quelques semaines d'activité va devenir un point de deal de cocaïne par centaines de grammes et le centre d'un trafic d'armes. Significativement, les premiers employés de La Frite Rit, Christophe Dubroeucq et Antoine Denevi, comparaissaient sur le banc des accusés aux cotés de deux « clients privilégiés » du petit restaurant, Anthony Lefebvre et Samir Ladjali, interpellés en avril 2015.
Ce dernier, suspecté d'être le chaînon manquant entre Claude Hermant et Amedy Coulibaly, est indépendamment de la procédure lilloise mis en examen dans le volet parisien des investigations pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
B) Les méthodes de travail de Claude Hermant, « agent des services de renseignement de la Gendarmerie Nationale. »
Le pousse-au-crime était (aussi) un orfèvre de la kalash'.
b1) De l'énigme parisienne et quelques prémices.
Comment des armes importées par un militant de l'ultra-droite, à ses heures restaurateur et de surcroît informateur stipendié de la gendarmerie, se sont-elles retrouvées entre les mains des assaillants du 7-9 janvier ? Le mystère des intermédiaires ayant effectivement établi la connexion entre ces 2 réseaux reste aujourd'hui une énigme, compliquée par la présence aux côtés d'Amedy Coulibaly d'un dénommé Amar Ramdani qui filait depuis des années le parfait amour avec une gendarme formatrice au renseignement opérationnel, précisément la spécialité de Claude Hermant qui travaillait de son côté pour la SR. La jeune femme était au moment des faits en poste au fort de Rosny-sous-Bois, un site que d'aucuns considèrent comme le « temple » du renseignement gendarmesque.
Brève remarque introductive : Claude Hermant est le premier, en procédure, à établir une connexion entre les armes importées par son entreprise et les attentats du 7-9 janvier. Il a notamment précisé à la barre du tribunal son audition du 22 janvier 2015 et répété qu'il avait immédiatement reconnu les armes qu'il avait été amené « à injecter dans le milieu criminel » en voyant à la TV des extraits de la vidéo de revendication tournée par Amedy Coulibaly. Cela d'une part car la crosse de l'arme visible à l'écran, fortement incurvée, est d'un type très spécifique, d'autre part en raison du modèle de gilet pare-éclats que porte Amedy Coulibaly dans la seconde séquence du film. Questionné à deux reprises par Maître Maxime Moulin sur les protections balistiques que vendait parfois Claude Hermant, Christophe Dubroeucq a maintenu ses précédentes dépositions et réaffirmé qu'il avait lui-même écoulé, en connaissance de cause, à une date indéterminée, des gilets équipés par son ancien ami de traceurs.
Quant au problème des intermédiaires censés conduire, entre autres, à Amedy Coulibaly, la défense de Claude Hermant est connue. La barbouze qui se définit volontiers comme « un spécialiste de l'infiltration free-lance haut de gamme » clame en dépit de toute vraisemblance que son seul et unique client concernant les 146 armes importées par Seth Outdoor entre juillet et décembre 2014 était Samir Ladjali, auquel il aurait remis environ 80 armes en cinq à six livraisons sous le strict contrôle de la gendarmerie.
Un décompte qui non seulement a évolué au gré des découvertes des enquêteurs, variant du simple au double, mais qui surtout passe par pertes et profits près de 50% des commandes en question, un point sur lequel finalement les accusés n'ont que très peu, voire pas du tout, été questionnés.
Un décompte qui par ailleurs ne rend aucun compte des armes importées ou saisies bien avant l'été 2014, au nombre desquelles le fusil d'assaut "CZ compact" commandé le 13 janvier 2014 par Patrick Halluent. L'arme, rétrocédée à Claude Hermant avant d'être retrouvée moins d'un an plus tard aux pieds d'Amedy Coulibaly, n'est que l'une des centaines de pièces importées de Slovaquie par le trafiquant belge qui présente Claude Hermant comme son plus gros client, et estime que durant l'hiver 2013-2014 ce dernier devait probablement représenter 80 à 90% de ses ventes. Cette estimation notamment corroborée par des éléments comptables porterait à 300, voire 500 selon un chiffre livré à l'audience par le ministère public, le nombre des armes importées sur le territoire national par Claude Hermant et sa femme en moins de deux petites années.
Claude Hermant, pour des raisons que nous expliciterons longuement tout au long de cet article a livré aux enquêteurs, en sus de Samir Ladjali, l'identité d'un second acquéreur d'importance, ou présumé tel, en la personne de Sébastien Lemaire, un agent des douanes, à ses heures survivaliste. La dénonciation était accompagnée d'un film, tourné clandestinement par le couple à l'hiver 2013-2014 (le 15 décembre 2013 d'après l'horodatage du caméscope) et montrant Sébastien Lemaire, une kalachnikov à la main, enthousiaste à l'idée d’acquérir très prochainement l'arme. Claude Hermant avant de se rétracter a longtemps affirmé avoir remis au douanier dans le courant de l'année 2014 une quarantaine d'armes en 3 livraisons, tantôt puisées sur les stocks AFG, tantôt « rackettées au détriment d'Antoine Denevi ». Ces armes destinées « aux amis parisiens de M. Lemaire » devaient servir, toujours d'après Claude Hermant, à récompenser des aviseurs libanais voire « à sécuriser des villages chrétiens du nord Liban » (sic), les versions ayant fluctué au gré des dépositions et des contradictions soulevées par le juge d'instruction. (voir titre III Chap II)
Cela étant, si nous mettons à part le cas Samir Ladjali et la poignée de clients renvoyée devant la JIRS, peu de choses ont été révélées par l’enquête PJ sur le réseau commercial du couple Hermant-Joly.
b2) Les méthodes de travail de Claude Hermant : injecter des armes de guerre dans le circuit criminel... et attendre.
Nonobstant ce problème des intermédiaires et des clients, comment Claude Hermant travaillait-il ?
Les explications que nous reproduisons ici, toujours livrées au cours de l'audition du 20 mars 2015 sont centrales. Elles sont une des clefs de l'affaire. Et force est de reconnaître que les gendarmes entendus à huis clos le mercredi 13 septembre 2017 sur ces allégations ne se sont guère montrés sous leur meilleur jour. A l'exception peut-être du colonel Jérôme Richard, un haut gradé de bon aloi non dénué d'un certain charisme, qui a, par sa rigueur, sauvé ce qui pouvait l'être de l'image d'une institution par ailleurs bien malmenée. La Voix du Nord - l'un des rares médias avec l’AFP du coté des institutionnels, La Brique pour les indépendants et dans une moindre mesure Libération et Le Monde - qui ait assisté à l'ensemble des débats, a par exemple parlé, sur 5 colonnes de « gendarmes fusillés » devant la JIRS.
Claude Hermant a donc lui-même décrit sa « méthode de travail » durant un interrogatoire devant le juge d'instruction, le 20 mars 2015, déposition qu'il a pour l'essentiel maintenue à la barre du tribunal. Une manière de travailler, à l'en croire, validée par ses officiers traitants de la gendarmerie, Joël A., Laurent B. et David D.
La technique Hermant, en deux temps, était simplissime : 1. Injecter des armes de guerre dans les milieux criminels. 2. Laisser les services idoines constater les infractions, toucher la prime et bénéficier de tous les avantages subséquents, le pouvoir, ou l’avant-goût d'une forme de pouvoir particulièrement perverse, n'étant pas la moindre des gratifications espérées.
« Il y a deux techniques, a-t-il notamment déclaré. Soit j'avais recours à un réseau [de trafic d'armes] existant et je le déviais (…) Soit j'injectais, et c'est cette solution qui a été prise vu la qualité de la cible », la cible étant ici Samir Ladjali. Selon Claude Hermant, les armes étaient livrées neutralisées mais son client restait intéressé car « il avait la possibilité de les remettre en état par quelqu'un. » Une déclaration contraire à ses premières dépositions, les 20-23 janvier 2015, au terme desquelles il avait admis avoir remilitarisé les armes courtes.
Un débat de toute façon secondaire dans la qualification pénale des faits reprochés à Claude Hermant, d'autant plus que par cette déposition il reconnaît, ce qui n'est pas sans conséquence, d'une part que ces armes étaient aisément remilitarisables et d'autre part, que ses clients les lui achetaient précisément pour cette raison.
Claude Hermant ajoute que la même technique dite "de l'injection" avait été choisie pour l'infiltration du « club de motard néo-nazi », le dernier dossier validé par ses officiers traitants en novembre 2014. « Il m'avait été demandé par Laurent B. d'injecter des armes si on me les demandait. Mon boulot c'était d'aller solliciter les demandes car on sait que ce type de club est demandeur. Mon travail était de continuer sur le long cours... »
L'injection d'armes de guerre opérationnelles serait, dans l'univers de Claude Hermant, courante : « Sébastien Lemaire des douanes a eu la même proposition sur d'autres cibles, Jean-Paul D.S. aussi mais lui a eu l'intelligence de répondre qu'il allait en référer à sa direction. »
Jean Paul D.S., un fonctionnaire de police du « Service Zonal de Renseignement Intérieur et d'Appui », en poste à Marc-en-Baroeul avait été approché en novembre 2014 par Claude Hermant, à un moment où les investigations de la PJ sur son couple avaient fortement progressé. Claude Hermant va livrer à l'OPJ deux informations : l'une sur un trafic d'armes avec la suisse, « un vieux dossier », et l'autre sur un trafic d'armes organisé par des gendarmes de Béthune. Pour mémoire, Claude Hermant travaillait alors toujours officiellement pour la Gendarmerie qui ne le radiera qu’en mai 2015 de ses registres. Pour la bonne bouche, c'est le même Jean-Paul D.S. qui aurait averti par SMS Claude Hermant, la veille ou l'avant-veille des interpellations de janvier 2015 « que ses collègues allaient [le] taper prochainement. »
C) La défense des gendarmes.
« C'est pas possible ! C'est énorme ! » (Laurent B., gendarme)
Les procureurs Jean-Philippe Navarre et Cyndra Célino l'ont massivement martelé à l'audience : Claude Hermant n'était pas, n'a jamais été et ne pouvait pas être un « infiltré ». Il n'était qu'un simple informateur, un indicateur... A cet égard, le colonel de la gendarmerie Jérôme Richard a révélé à la barre du tribunal que Claude Hermant pouvait s’enorgueillir depuis mai 2015 d'appartenir au top 50 des indicateurs véreux, blacklistés au niveau européen par Europol-Interpol.
Mais au temps de sa glorieuse activité, Claude Hermant était reconnu comme un informateur productif, et la démonstration en a été apportée à l’occasion d'un concours de circonstances calendaire dont je peine à croire qu'il n'ait pas été sciemment orchestré, et il l'était nécessairement : le délibéré de l'affaire Karl Artois a été rendue dans la salle même où se tenait le procès Hermant & consorts, le 12 septembre, entre 14H et 14H30, immédiatement avant la reprise des audiences. Ce « beau dossier », selon les termes d'un gendarme entendu le lendemain, avait été amené en 2012-2013 par Claude Hermant à la SR de Villeneuve-d’Ascq et avait débouché sur la saisie de 60 pistolets mitrailleurs de l'armée suisse. Les 4 prévenus ont été condamnés à des peines de 1 an de prison, la plupart assorties du sursis.
c1) Les explications de la gendarmerie.
Entendus à huis clos partiel, les gendarmes, sous le regard vigilant du colonel Richard ont livré leur version des faits. Une défense, qui dans ses dénégations de l'essentiel, la reconnaissance de l'accessoire et la minimisation ou la réinterprétation des dépositions gênantes commises plus tôt en procédure ressemblait comme une sœur à celle des truands renvoyés devant le tribunal. A cette notable exception près que les gendarmes disposaient du joker « secret-défense », qu'ils n'ont pas manqué de brandir lorsqu'ils ne souhaitaient pas, ou ne pouvaient pas, répondre à certaines questions. Mais il serait certes indécent de mettre sur un même plan la parole de Claude Hermant et les dépositions des officiers assermentés, quand bien même celles-ci s’avéreraient incomplètes ou même mensongères.
La journée du 13 septembre a été particulièrement chargée : Marc Trévidic a en effet refusé d'interrompre les débats dans l'heure de midi, arguant qu'il souhaitait de la continuité dans le témoignage des quatre gendarmes. Leur audition s'est donc déroulée sans discontinuer jusque 16H, la journée ayant commencé à 9H.
Une manœuvre quasi manipulatoire car tandis que les gendarmes, entendus comme témoins, attendaient dans une pièce adjacente à la salle d'audience où ils ont eu le loisir de se restaurer, de leur coté avocats et prévenus enchaînaient les heures de débats. Il est évident que beaucoup de questions n'ont pas été posées et ne pouvaient plus l'être au regard de l'état de fatigue général des uns et des autres. Dans les couloirs du palais de justice, à 17H, un avocat de la défense avec lequel j'échangeais quelques mots n'a pas hésité à qualifier « d'inhumain » le traitement infligé aux prévenus « Ils n'ont eu que quelques chips à 16H » m'a-t-il notamment dit en prenant à témoin un journaliste de la presse quotidienne qui semblait acquiescer.
Cette parenthèse refermée, voici la substance du témoignage à huis clos des gendarmes. Un huis clos partiel auquel la presse et quelques médias « accrédités » ont été autorisés à assister.
Concernant tout d'abord, le système général décrit par Claude Hermant, à savoir « l'injection d'armes de guerre dans les milieux criminels afin de remonter des réseaux » les dénégations ont bien entendu été farouches, les gendarmes se contentant ici de confirmer leurs dépositions du mois d'avril 2015 devant le magistrat instructeur.
Laurent B. en poste à la Section de Recherches (SR) de Villeneuve d'Asc était l'officier traitant principal de Claude Hermant. Il a assuré le suivi de la « source Hermant » de mars 2013 jusqu'aux arrestations du 20 janvier 2015. Entendu en tant que témoin au mois d'avril 2015, il avait véhémentement contesté les affirmations d'Aurore Joly et de son mari : « Nous n'avons jamais été au courant de tout ça, vous vous rendez compte ? Si on nous avait parlé de vente d'armes dans ces proportions, on aurait sauté dessus. C'était du pain béni. Notre objectif c'est de dire aux sources de ne pas provoquer d'infractions. C'est pas possible, c'est énorme ! On ne fonctionne pas comme ça chez nous. Nous n'aurions jamais autorisé l’achat d'armes, même neutralisées pour qu'il les revende dans le but d'infiltrer un trafic. Si cela avait été le cas, on aurait commencé à prendre des actes, commencer une procédure. A titre personnel, je n’aurais jamais accepté cela, je ne suis pas seul et en plus, il y a ma hiérarchie (…) On ne lui a jamais donné l'ordre d'acheter des armes. Nous n'étions pas au courant qu'il achetait des armes. C'est énorme ! ».
Toutefois, mis à part sa performance, pour ne pas dire son « exploit AFG », Claude Hermant a effectivement amené aux services de la gendarmerie deux dossiers dits finalisés, c'est à dire des dossiers ayant abouti à des résultats judiciaires concrets et pour lesquelles il a légitimement été rémunéré.
Premièrement, l'affaire Karl Artois évoquée à l'instant et pour laquelle, outre les honneurs militaires, Claude Hermant a perçu, le 21 mars 2014, une rémunération de 2000 euros. La somme jugée « très importante » par le colonel Richard illustre à elle seule la nature accessoire des rémunérations touchées par les indicateurs. Être « indicateur » de police ou de gendarmerie n'est pas un métier mais une activité d'appoint. Ici commencent les territoires frontaliers du condé, de la tolérance ou pire de la gestion statistique et bureaucratique de la criminalité (une enquête visant les douanes du Havre et de Rouen, une administration autrement plus généreuse que la PJ ou la Gendarmerie avec ses indicateurs, a par exemple démontré l'existence d'accords occultes avec certains aviseurs.)
Deuxièmement, une assez grosse affaire de culture de cannabis Indoor ayant débouché sur la saisie de 3,5 kg d'herbe à Hallenne-les-Haubourdin. La petite histoire retiendra que la plantation était installée au dessus d'un magasin de Paintball, précisément le secteur d'activité de Claude Hermant qui était connu dans les milieux autonomes pour revendre du matériel à des prix très compétitifs, et cela dès 2012. Un témoin direct et de toute confiance nous a personnellement lu au téléphone en mai 2015 les preuves de la vente de lanceurs de paintball, payés par chèque, pour des montants conséquents de 3000 à 6000 euros au cours de l'année 2012. La saisine du tribunal ne portant que sur les années 2013-2015, nous signalons ce fait à titre informatif. Il n'est en effet pas indifférent de connaître ces détails pour juger des affaires données par Claude Hermant à la SR de la gendarmerie.
Les gendarmes ont par ailleurs travaillé d'autres informations remontées par Claude Hermant : de prétendues remilitarisations d'armes opérées dans la cave d'un ancien capitaine de la BRI, Gérald K., dit Kali ; un trafic d’armes et de cocaïne impliquant des serbes de Charleroi ; un trafic de drogue local organisé par les militants de Troisième Voie - Jeunesses Nationalistes Révolutionnaire (TV-JNR) Yohann Mutte et Antoine Denevi ; des commandes d'armes en provenance d'AFG, le nom de l'entreprise slovaque étant cité dès février 2014 accompagné de l'identité de 3 fournisseurs à Reims, à Charleroi en Belgique et dans le Nord-Pas-de-Calais ; enfin un mystérieux bon de commande AFG au nom de "Nicolas Sarkozette".
Premier constat. A l'exception peut être de l'affaire Karl Artois (mais nous ne sommes même pas en mesure de l'affirmer n’ayant pas accès aux pièces qui permettraient de le vérifier) tous ces dossiers sont en réalité imbriqués les uns dans les autres et convergent in fine vers le cœur des faits à la source de la chute de Claude Hermant.
La plupart désignent d'ailleurs aux foudres policières celui que Claude Hermant, poussé dans ses retranchements durant le procès et la fatigue des débats aidant, a finalement défini comme un simple fusible: Antoine Denevi.
En effet, Gérald K., dit Kali, accusé par Claude Hermant en décembre 2013 d'avoir mis en place une « véritable petite usine de remise en état » d'armes de guerre, est un ami du père de Sébastien V.. Or, Sébastien V., l'ami et le colocataire d'Antoine Denevi au moment des faits, est aussi accessoirement l'un des premiers témoins à charge, en juillet 2014, contre Claude Hermant. Cette dénonciation avait entraîné le placement sur écoute pendant un mois de l'ancien flic, finalement mis hors de cause. Ni les interceptions de sécurité, ni les perquisitions réalisées en 2015 dans la foulée des attentats du Bataclan n'ont confirmé les accusations de Claude Hermant, qui aujourd'hui encore fait courir le bruit de l’existence d'une « vidéo des remilitarisations opérées chez Kali » (sur le chantage aux enregistrements, voir la conclusion de ce chapitre).
De même le trafic d’armes et de cocaïne impliquant des serbes de Charleroi est autrement nommé par Claude Hermant le « réseau Denevi » tandis que les informations sur l'importation d'armes AFG par 3 distributeurs en France et en Belgique précèdent de 4 mois les premières importations, bientôt massives, de Seth Outdoor.
Quant à la « mission d'infiltration » qui consistait pour Claude Hermant à fournir à des moto-clubs criminalisés des armes de guerre opérationnelles - ou en toute hypothèse et il le savait pertinemment, facilement remilitarisables - celle-ci vise ouvertement la galaxie de Serge Ayoub, c'est à dire, de nouveau, le réseau social dans lequel se mouvait Antoine Denevi. Ce dernier était en effet le responsable de la section locale de Troisième Voie, tandis que Yohann Mutte - signalé tout comme Denevi par Claude Hermant tant à la SR en 2013-2014 qu'à la douane en 2012 - appartenait aux JNR, le service d'ordre de l'organisation rigoureusement réservé à « l'élite » des militants aguerris et dévoués.
Enfin, cerise sur le gâteau ou clou final dans le cercueil, le bon de commande AFG au nom de Nicolas Sarkozette, envoyé par Claude Hermant à ses officiers traitants - avec étrangement copie à Sébastien Lemaire des douanes via l'intermédiaire de Flavien M. - est en réalité une commande d'Antoine Denevi et Sébastien V.. Ce que sait parfaitement la barbouze qui néanmoins choisit de ne pas divulguer l'information à ses correspondants de la gendarmerie et des douanes.
Ce bon de commande "Nicolas Sarkozette" est tiré d'un fond d'archives assez particulier : Claude Hermant est parvenu fin avril 2014, avec le concours de sa femme, à pirater la vie électronique d'Antoine Denevi (chapitre III du titre I). Le document obtenu au prix d'une violation gravissime de l'intimité de la vie privée n'est que la première goutte d'un ruisseau qui abondera régulièrement la procédure. A telle enseigne que lorsque Claude Hermant s'insurgera contre la lecture faite à la barre par l'avocate d'Anthony Lefebvre d'une lettre rédigée par son ex-femme, le dépeignant sous les traits d'un individu pervers et profondément manipulateur, depuis le banc de la défense, sans même se lever, un avocat excédé lui demandera d'avoir « la décence de se taire », lui qui n'a cessé d'alimenter la procédure avec ce type d'éléments.
c2) De la responsabilité des gendarmes, suite : la présentation des armes, les ordres reçus et ces rendez-vous... à l'existence douteuse.
Lorsque le tribunal les a confrontés à l’importance des commandes et des livraisons effectuées au profit de Ladjali, un chiffre considérable en totale contradiction avec l'hypothèse d'une banale opération de renseignements, Aurore Joly et Claude Hermant ont affirmé que l'entière responsabilité en revenait aux gendarmes qui n'auraient pas exploité avec suffisamment de célérité les informations transmises. C'est à dire au terme des débats, si l'on s'en tient aux éléments prouvés, deux plaques d'immatriculation : « On pensait qu'ils faisaient leur boulot, a tenté d'arguer Aurore Joly. Si on arrive à un total de 150 armes entre juillet et décembre, c'est parce qu'ils ont laissé traîné... »
Interrogé ensuite sur l'incohérence entre cette explication (impliquant l'existence d'un plan d'intervention quelconque ou au minimum l'organisation de surveillances physiques), et ses premières dépositions où il déclarait : « n'ayant plus trop de nouvelles de mes officiers traitants, j'ai continué à travailler avec ce Samir », Claude Hermant a rétorqué, sans s'effrayer de l'absurdité du propos, « qu'il n'y avait pas besoin de confirmation, les ordres étaient clairs, il fallait continuer avec Samir [Ladjali] »...
La fréquence et le contenu des rendez-vous entre Claude Hermant et ses officiers traitants ont dès lors été longuement auscultés par le tribunal.
Selon Claude Hermant, les ordres relatifs à Ladjali auraient été donnés à l'occasion de rendez-vous physiques, rencontres au cours desquelles il affirme, entre autres, avoir présenté à ses supérieurs les armes sur le point d'être livrées. Des allégations dont il prétendait détenir la preuve absolue, la preuve par l'image. Malheureusement, les archives de Claude Hermant, soit près de 60 films et bandes audio clandestines censés documenter ces fameuses rencontres avec la gendarmerie, les douanes et la PJ, auraient mystérieusement disparues entre son arrestation et sa présentation au juge d'instruction.
Interrogés à la barre sur la « présentation d'armes, opérationnelles ou neutralisées, destinées à être injectées dans les réseaux criminels », les officiers traitants de Claude Hermant ont clamé que jamais, ils ne laisseraient repartir d'un rendez-vous un informateur qui s'y présenterait, sans autorisation, avec une arme opérationnelle. Selon le colonel Richard, « le statut de source n'est pas un blanc-seing pour trafiquer (…) une source est faite pour ramener de l'information, pas pour apporter un cabas avec des armes. »
Tout au plus, durant le huis-clos, un gendarme a-t-il concédé qu'il laisserait éventuellement repartir son informateur si l'arme était neutralisée.
Fidèle à cette ligne de défense, la seule susceptible d'épargner à l'Institution les risques d'une constatation mécaniste des infractions, la gendarmerie s'est en cours de procès aventurée sur le terrain mouvant des rétractations utilitaires. Ainsi, alors qu'il avait dans les premiers temps de l'enquête reconnu la présentation par Claude Hermant d'une arme, d'une unique arme, dans le cadre de l'affaire Karl Artois instruite en 2013, le gendarme Joel A. a rectifié le tir, et soutenu devant le tribunal que l'arme en question n'était qu'une photo. Difficile de ne pas voir bouillir sur son siège le douanier Sébastien Lemaire, présumé présent à cette réunion au sommet entre Hermant et ses traitants de la gendarmerie.
Le rétropédalage des gendarmes sur ce sujet avait objectivement les mêmes accents que les dénégations entendues plus tôt dans la bouche des prévenus. Mais en septembre 2017 la présentation d'une arme authentique constituait une entorse au règlement que dans le cadre du Scandale Hermant, même à huis clos, il n'était plus envisageable d'admettre. La gendarmerie pouvait pourtant arguer qu'en l'occurrence, il s'agissait d'une arme acquise auprès d'un réseau par ailleurs rapidement démantelé par les services de Joël A. Un point visiblement sulfureux, qui a entraîné d'autres déclarations, beaucoup plus surprenantes, comme ce gendarme affirmant ne pas connaître, ni a fortiori reconnaître Sébastien Lemaire assis quelques mètres derrière lui... La "communauté du renseignement" lilloise n'est pourtant guère une famille élargie.
Mais quand bien même Claude Hermant aurait-il présenté à ses officiers traitants, en présence du douanier, un fusil mitrailleur de l'armée suisse provenant du réseau Artois, la scène n'aurait rigoureusement rien à voir avec le système Ladjali décrit par la barbouze. Disons en conclusion qu'il est regrettable pour la défense du couple Hermant-Joly que le film de la rencontre ait été perdu.
Cet épisode est en quelque sorte une image-miroir de la "vidéo Lemaire", celle-ci divulguée mais ayant été tournée dans un cadre privé et extra-professionnel. Extra-professionnel à un détail près toutefois que nous aborderons dans le dernier chapitre du troisième titre de cet article.
c3) Samir Ladjali, loup blanc inconnu au bataillon de la SR.
La levée du secret défense et la confrontation de sources contradictoires.
S'agissant ensuite de Samir Ladjali, le client principal, ou supposé tel, de Claude Hermant, les gendarmes ont nié seulement connaître son nom et en toute hypothèse n'avoir eu aucun contact physique avec leur informateur entre le mois de mai et la fin novembre 2014. Ce qui reviendrait à dire que, de tous les acteurs du dossier - PJ et petites mains employées par Claude Hermant incluses - seuls les gendarmes ignoraient au second semestre 2014 l’existence du roubaisien...
Une ignorance surréaliste mais attestée par les « rapports de contact », c'est à dire les comptes rendus rédigés par les gendarmes à l'issue de leurs rencontres avec leur informateur. Ces pièces à décharge de la gendarmerie ont paradoxalement été classifiées secret-défense par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve après un avis consultatif conforme de la CCSDN du 18 juin 2015. A cet égard, le colonel Jérôme Richard a déclaré qu'il s'était personnellement opposé à la mise sous le boisseau des rapports de contact, la décision ministérielle d'en refuser la communication aux juges d'instruction lillois demeurant à ses yeux incompréhensible.
Finalement, grâce à la pugnacité des juges d’instruction, 12 rapports de contact ont été déclassifiés le 13 mars 2016 par le ministre de l'Intérieur.
Claude Hermant ayant livré l'identifiant et le mot de passe de sa messagerie « professionnelle », le tribunal a pu confronter les déclarations des uns et des autres à deux sources contradictoires, d'un coté les rapports déclassifiés, de l'autre la propre messagerie de Claude Hermant, depuis laquelle il communiquait avec ses officiers traitants.
Or, Claude Hermant n'a pas été en mesure d'apporter la preuve, même indirecte, des rendez-vous physiques niés par les gendarmes, rendez-vous au cours desquelles il affirme, rappelons-le, avoir reçu ses ordres de mission quant à Samir Ladjali. Et nous allons voir immédiatement que cette preuve aurait peut-être fait basculer les débats dans une affaire où la parole des uns s'oppose pied à pied à la parole des autres. En outre, à l'exception d'un courriel du mois de mai 2014 rendant compte d'une première transaction avec Samir Ladjali (dont lui-même n'apprendra le nom complet qu'en garde à vue), message dans lequel il livrait aux gendarmes deux plaques d'immatriculation, ces derniers lui répondant par retour de courrier « ces plaques ne correspondent pas à des maghrébins », Claude Hermant n'a pas, non plus, été en mesure de démontrer l'ouverture par la gendarmerie d'un quelconque « dossier Ladjali ».
Selon la « version officielle » désormais consolidée, les vérifications de la gendarmerie sur les plaques minéralogiques des suspects auraient échoué à évaluer l'importance de ces premières informations : Samir Ladjali et son complice Anthony Lefebvre se déplaçaient dans 5 ou 6 véhicules différents qui ne leur appartenaient pas.
c4) La défense des gendarmes, suite : « pas de contact, pas de rapport ; pas de rapport, pas de contact. »
L'absence, l'éventuelle existence et la fréquence des contacts physiques entre Claude Hermant et ses officiers traitants pour la période des mois de mai à novembre 2014 est de surcroît fondamentale en ce qu'elle correspond au pic des activités commerciales du couple Hermant-Joly. Pic funeste puisqu'à l'exception d'une arme, commandée par Patrick Halluent en janvier 2014 avant d’être rétrocédée à Claude Hermant, l'arsenal d'Amedy Coulibaly a été précisément importé et remilitarisé par Seth Outdoor au cours de cette période, sans parler de l’inexplicable recrudescence des crimes par armes à feu dans la région lilloise signalée par la presse en octobre 2014 (voir titre I chapitre 1).
La défense des gendarmes est de nouveau limpide : chaque rendez-vous physique avec un informateur, sauf exception, fait automatiquement l'objet d'un rapport de contact. Si le rapport de contact n'existe pas, cela signifie que le rendez-vous n'a pas eu lieu. Sauf exception comme un rendez-vous annulé ou interrompu suite à l'irruption d'un tiers. « Dans ce cas, a convenu le colonel Richard, le rapport de contact peut être oral ». Une exception qui personnellement me laisse songeur, les rencontres entre barbouzes étant très fréquemment organisées dans des lieux publics comme les bars et les restaurants...
Une défense simple et cohérente : « pas de contact, pas de rapport ; pas de rapport, pas de contact » qualifiée de tautologique par maître Maxime Moulin qui néanmoins n'est guère parvenu à mettre en défaut les officiers traitants de son client, faute d'avoir produit la moindre pièce attestant soit d'une rencontre physique entre mai et novembre 2014, soit mentionnant explicitement Samir Ladjali.
J'attendais fébrilement, je dois l'avouer, les révélations annoncées par la barbouze depuis 2 ans et demi... une vaine attente. Claude Hermant, qui était une personne méfiante et ô combien aguerrie n'a versé à l'instruction ni film, ni courriel, ni aucune preuve pré-constituée d'aucune sorte susceptible de documenter la présentation des armes ou les ordres reçues.
Conclusion provisoire sur le cas Hermant, en attendant l'appel : le chantage aux enregistrements.
Claude Hermant, cinéaste, était (aussi) un bœuf-carotte.
Confronté aux dénégations des gendarmes, incapables de prouver, même indirectement, les ordres reçus, Claude Hermant a laissé planer une menace qu'il n'a malheureusement jamais mise à exécution : la divulgation des films des rencontres avec ses officiers traitants. Jusqu'au dernier jour du procès, et encore après le verdict par tiers interposés, il a affirmé détenir une soixantaine de films et enregistrements audios, censés prouver ses allégations.
Malheureusement, un volumineux « dossier papier » et surtout la clef USB où les films étaient stockés - deux pièces à conviction qu'il avait sur lui au moment de son arrestation - ont mystérieusement disparu des scellés. Et Claude Hermant, bœuf-carotte consciencieux mais imprudent, n'en aurait pas fait de copie de secours...
Le chantage aux enregistrements, une circonstance aggravante que l'avant-dernier jour des débats le vice-procureur Jean-Philippe Navarre va qualifier dans ses réquisitions d’escroquerie, a été régulièrement brandi durant les premières phases de la procédure par Claude Hermant, à une époque où ce dernier était encore, affirme-t-il, « dans l'attente d'une intervention de ses officiers ». Au terme de deux années et demi d'instruction, une seule et unique vidéo a été versée aux débats par la barbouze : le film Lemaire.
Résumons-nous, Claude Hermant était un informateur productif mais qui, authentique signature des maîtres, organisait lui même, et nous avons vu dans quelle proportion, les trafics qu'il dénonçait. Un informateur zélé qui enregistrait, à leur insu, ses officiers traitants, ou en tout cas l'a prétendu, dans le dessein avoué de se pré-constituer des preuves mais aussi dans l'objectif de garder à l’œil les services, dans tous les sens de l'expression. « On ne parle pas d’enregistrer les gens mais les fonctionnaires. Il n'y a pas que des gens bien dans les services. »
Car Claude Hermant se prenait aussi pour un authentique bœuf-carotte : au cours de sa brève carrière il aura dénoncé à des collègues concurrents-concourants a peu près toutes les administrations : les douanes avec l'affaire du gang de douaniers ripoux ; la PJ avec entre autres Gérald K. ; la gendarmerie avec la dénonciation auprès de la PJ en novembre-décembre 2014 d'un trafic organisé par...des gendarmes de Béthune. Mais ceci est un autre sujet.
Histoire personnellement vécue : quelques jours après le procès, un membre du premier cercle de Claude Hermant m'a approché pour me dire en substance ceci : Claude Hermant n'aurait pas diffusé ses vidéos en échange de la clémence relative du tribunal et d'une sortie de prison dans les 6 mois. La thèse était, sinon crédible, en tout cas cohérente, Claude Hermant, avec le jeu des remises de peine, pouvant alors tabler sur une libération rapide. En laissant accroire à cet accord occulte, on tentait grossièrement de semer une petite graine, celle du doute. Malheureusement pour Claude Hermant, deux jours après cette « révélation » le parquet, c'est à dire le seul représentant de l’État sous la houlette duquel un tel accord aurait pu être passé, a fait appel de la décision de première instance, jugeant la peine insuffisante ou les motivations non satisfaisantes. La graine du doute n'aura pas eu le temps de germer dans notre esprit, balayée par l'appel du ministère public. A moins que ces fantomatiques vidéos ne soient un jour diffusées...
Claude Hermant et Aurore Joly, du haut de leurs 400 à 500 armes sont de très loin les acteurs principaux du dossier, rayonnant au centre d'une toile où, les bons filons se transmettant de bouche à oreille, d'autres initiés, plus frustres ou plus naïfs, ont aussi tenté leur chance.
Nous l'avons dit, le couple tenait une friterie, rue de Solférino à Lille. Installé dans un local « obtenu, d'après le témoignage de Sébastien V., au forcing auprès des libanais » propriétaires des murs, le commerce s'est dès son ouverture transformé en « repère de brigands ». Ce dont ont témoigné les premiers employés du lieu, Christophe Dubroeucq, un ami de longue date de Claude Hermant, et Antoine Denevi, un de ces jeunes en perdition que « Claudie » se dévouait depuis des années « à dépolluer ».
Chapitre II) Christophe Dubroeucq : au pays des armes et des Barbes-à-Papa...
A) Christophe Dubroeucq, grenouillage en eaux troubles.
Oui, mon client est un babache. (l'avocate de Monstro, maître F.B.)
Christophe Dubroeucq, le bien surnommé « Monstro » est un acteur clef, et complexe, de l'affaire Hermant. Il comparaissait devant la JIRS tout d'abord pour son implication dans le trafic principal du couple Hermant-Joly, des faits auxquels s'ajoute l'importation d'une dizaine d'armes entre novembre 2014 et février 2015, cette fois selon un circuit ad hoc à certains égards surprenant.
Arrêté en avril 2015 à la frontière tchécoslovaque en possession d'armes AFG qu'il comptait introduire sur le territoire français, il a purgé une première peine de 13 mois d'incarcération en République Tchèque avant d'être confronté à ses juges français.
Pour justifier ses agissements, Christophe Dubroeucq a tenté d'arguer d'ordres émanant, non pas de la gendarmerie mais de la PJ, une administration dont il était effectivement l'informateur immatriculé. L'histoire retiendra qu'inscrit au printemps 2014 au fichier des sources de la PJ dans le cadre de l’enquête initiale conduite à charge de Claude Hermant, Christophe Dubroeucq en a été radié le 6 janvier 2015. De surcroît, Christophe Dubroeucq était aussi, tout comme Claude Hermant un honorable correspondant des RG locaux et un proche du commissaire divisionnaire Philippe P., ce dernier étant accessoirement le coordinateur du Centre de Coopération Policière et Douanière (CCPD) de Tournai.
Face aux enquêteurs et magistrats français, Christophe Dubroeucq a très précisément décrit les fonctions occultes qu'il occupait auprès de Claude Hermant au premier trimestre 2014 au moment où ce dernier lançait avec Aurore Joly la friterie de la rue de Solférino. Voici son témoignage et les raisons de son ressentiment à l'encontre de celui qui aura été, durant presque une décennie, l'un de ses meilleurs amis.
Embauché 3 semaines au restaurant, en janvier-février 2014, Christophe Dubroeucq a très vite été contraint d'abandonner son poste en raison de problèmes dorsaux. Toutefois, explique-t-il « à peu près en février 2014, [Claude Hermant] m'a dit qu'on allait travailler ensemble pour la gendarmerie, que moi je devais rabattre des gens vers lui pour qu'ils lui achètent des armes. Que cela se faisait avec l'accord des gendarmes et que les gendarmes allaient les suivre pour les arrêter. Il m'avait dit que je serai rémunéré, les gendarmes devaient donner une somme à Claude qui devait m'en donner une partie. Au final je n'ai rien reçu et en avril 2014 à peu près, il m'a dit que tout était arrêté, donc pour moi, il ne vendait plus d’armes. »
Exit ainsi Dubroeucq qui avait pourtant ramené dans ses filets quelques clients d'importance, notamment Samir Ladjali. Une mauvaise décision managériale de Claude Hermant qui aurait gagné à connaître cette sentence sans appel de Michel Audiard « les bénéfices ça se divise, les années de réclusion ça s'additionne. »
Car Antoine Denevi, le remplaçant de Dubroeucq au restaurant, sait et pour cause que Claude Hermant n'a pas mis un terme à son trafic d'armes. Il en informe Dubroeucq qui comprend que de toute évidence, son ami s'est contenté de vider son carnet d'adresses et, mieux encore, l'exploite activement.
Au début du printemps 2014, en rupture avec le couple et disposé à témoigner, Christophe Dubroeucq se tourne vers la PJ qui débute à l'époque l’enquête ouverte après la découverte de l'ADN de Claude Hermant sur le double ressort récupérateur d'une arme saisie dans une affaire de stupéfiants en décembre 2013. Christophe Dubroeucq est dans ce cadre inscrit au fichier des sources de la PJ, statut qu'il conservera jusqu'à la veille des attentats de Paris.
Les relations de Christophe Dubroeucq avec la PJ étaient néanmoins très antérieures aux événements funestes des années 2014-2015. L'instruction a notamment démontré qu'il avait été régulièrement reçu en compagnie de Claude Hermant, du temps de leur amitié, au domicile privé de Philippe P., commissaire divisionnaire en poste au SDIG (ex RG) et coordinateur du CCPD, le Centre de Coopération Policière et Douanière de Tournai, ouvert en 2002 et dont la mission est de fournir « aux services belges et français concourant à la sécurité (...) des renseignements sur les ressortissants du pays voisin. »
Une relation activement entretenue avant, mais aussi après, la radiation de Christophe Dubroeucq du fichier des sources comme l'ont démontré des écoutes téléphoniques, d'ailleurs citées dans l’Ordonnance de Renvoi devant le Tribunal (ORT), laquelle rappelle qu'en février-mars 2015, Christophe Dubroeucq et Philippe P., évoquaient ensemble, longuement, « la procédure diligentée à l'encontre de Claude Hermant ».
Le fait que Christophe Dubroeucq ait démarché à son profit au premier trimestre 2014 des clients susceptibles d'acheter des armes est parfaitement admis par Claude Hermant, qui n'hésite pas ici à élargir le champ des acteurs impliqués : « [Christophe] était aussi conscient que moi qu'il travaillait pour les services des douanes et la BRB […] ça a toujours été sous couvert de gendarmerie, de police ou de douane. Vente d'armes pure, non.»
B) « A force d'être pris pour un con ! » aurait dit Choron.
b1) La charge de Dubroeucq contre Claude Hermant.
La justification morale du témoignage à charge de Christophe Dubroeucq contre Claude Hermant est une vulgaire histoire d'argent. « Parce que Claude, c'est toujours tout pour lui et rien pour les autres. Il a pas compris que s'il paye pas les autres ça marche pas. » a notamment reconnu Dubroeucq, qui ajoute « ça a pris un petit moment avant que je réagisse. Sur le moment, je suis assez baba-cool, je me dis que ce n'est pas grave mais à force...»
C'est ainsi qu'en avril 2014, Christophe Dubrouecq, sans rien dissimuler de ses ressentiments et de ses motivations, témoigne, au bénéfice de la Police Judiciaire (PJ) que Claude Hermant organise un imposant trafic d'armes depuis une friterie sise dans le centre-ville de Lille, rue de Solférino. Il présente à la PJ le jeune homme qui lui a succédé au restaurant, Antoine Denevi. Ce dernier, récemment licencié serait disposé à témoigner, croit-il anonymement, contre ses anciens employeurs.
Dès lors, grâce aux témoignages circonstanciés de Christophe Dubroeucq, d'Antoine Denevi et de son ami et colocataire Sébastien V., les enquêteurs sont informés dès le mois d’avril 2014, et en toute hypothèse au plus tard en juillet 2014, du modus operandi de Claude Hermant : des armes sont importées neutralisées puis remises en état dans un atelier de Lomme selon un processus très précisément décrit par Antoine Denevi. Elles sont ensuite entreposées temporairement dans la chambre froide de la friterie du couple, où elles sont présentées à des clients. Un dispositif mis en place autour du restaurant en juillet 2014 va permettre, bien avant les perquisitions de la fin janvier 2015 d'objectiver ces déclarations ainsi que les contacts entre Claude Hermant, Aurore Joly, Samir Ladjali et Anthony Lefebvre.
b2) La filière ad hoc d'importation d'armes AFG découverte à charge de Dubroeucq.
Néanmoins, Christophe Dubroeucq et Antoine Denevi, au fait des pratiques de leur ancien patron, vont tout en informant la PJ mettre en place leurs propres filières d’importation d'armes AFG-Slovakia, en prenant intelligemment la précaution élémentaire d'utiliser des prête-noms. L'artifice aurait probablement fait illusion si n'étaient survenus les attentats du 7-9 janvier qui vont contraindre AFG à transmettre à Interpol une liste de ses clients.
A partir de ce document, les enquêteurs vont reconstituer un certain nombre de livraisons et attribuer à Christophe Dubroeucq l'importation d'une grosse dizaine d'armes, commandées par l'intermédiaire de relations dans le monde des salles de sport, en plusieurs livraisons échelonnées entre les mois de novembre 2014 et février 2015.
Six à dix armes, dont quatre pistolets mitrailleurs Skorpio, commandées par un dénommé David J., interpellé en mars 2015 et qui presque d'emblée a désigné Christophe Dubroeucq comme son commanditaire.
Cinq autres via un second intermédiaire, Kevin D., perquisitionné en novembre 2015 dans le cadre des mesures d'urgence prises après les attentats du Bataclan. Une arme importée par ce dernier sera plus tard saisie en janvier 2016 dans une affaire de stupéfiants, chez Kamal El B. un trafiquant de résine de cannabis. Il n'est pas indifférent de savoir que le frère de Kevin D., est gendarme, en poste à la Brigade Territoriale (BT) de Phalempin (Nord - Haut-de-France), des armes et des munitions siglées gendarmerie ayant par ailleurs été découvertes aux domiciles tant de Christophe Dubroeucq que de Kevin D.
Aux accusations concordantes de David J. et Kevin D., qui affirment tous deux avoir agi à la demande expresse et pour le compte exclusif de Christophe Dubroeucq, ce dernier oppose un mou démenti : « on m'a dit que j'avais commandé des armes sur ce site, ça se peut mais je ne m'en souviens plus, en tout cas, je n'ai jamais rien reçu (…) peut-être que ce n'était pas moi qui ai fait la transaction, je ne sais plus. »
Interrogé à la barre par Marc Trévidic, sur ce qui aurait dès lors poussé ces témoins à mentir, il évoquera ses mauvaises relations avec l'un, l'esprit de vengeance du second, « un collectionneur que j'ai dénoncé »... des « gens qui n'assument pas ».
Une défense qui, peut-être, eût fait illusion si Christophe Dubroeucq n'avait été arrêté sur la route des Balkans, en bon chemin vers la France, en possession d'armes de guerre portant le fier poinçon de la firme AFG.
b3) Christophe Dubroeucq, le salaire de la peur. Une aventure slovaque.
Christophe Dubroeucq, ce témoin de toute évidence privilégié des activités de Claude Hermant et Aurore Joly – un couple dont il aura été l'ami et le complice pendant près d'une décennie avant de devenir, par dépit et vengeance, le principal accusateur - a vu son statut et sa situation se dégrader brutalement, sinon définitivement, trois mois après les attentats du 7-9 janvier, lorsque contrôlé le 16 avril 2015 à la frontière tchécoslovaque, il a été trouvé en possession d'armes neutralisées, acquises dans un magasin de la société AFG. Acquisition réalisée à l'aide d'une fausse pièce d'identité marocaine au nom d'Oussama Mardy (Oussama Mardy, né le 29/07/1985, à Casablanca, Maroc.) L'entreprise slovaque, sur la sellette, avait à cette époque suspendu ses livraisons par internet.
Interrogé par les autorités tchèques, puis françaises, sur les motivations de son voyage, Christophe Dubroeucq a naïvement tenté de se retrancher, sans grands espoirs de succès, derrière les « instructions grises » de ses officiers traitants, Olivier M. (le directeur de l'enquête ouverte en 2014 contre Claude Hermant) et Philippe P., déjà cité, désireux selon lui de mieux comprendre la filière d'importation AFG.
Durant les audiences, nous avons appris que l'avocate de Christophe Dubroeucq, maître F. B., lui avait été recommandée des années plus tôt par le même Philippe P., lorsque la justice s’interrogeait sur les circonstances du meurtre d’Abdelaziz E. retrouvé grenouillé dans une malle au fond de la Deûle. Un dossier dans lequel Christophe Dubroeucq, qui avait été arrêté sur les lieux du crime un soir de décembre 2009 à bord d'un véhicule appartenant à Claude Hermant, a été mis en examen avant de bénéficier d'un non-lieu.
Néanmoins, et assez paradoxalement dans la mesure où les bonnes relations entre maître F.B. et Philippe P. sont de notoriété publique et qu'il n'a pas changé d'avocate, Christophe Dubroeucq va plusieurs fois, au cours de l'instruction mais également à la barre du tribunal, exprimer sa rancœur à l'égard de la PJ. « Ils me l'ont fait à l'envers quand même », a-t-il résumé de sa voix sourde et mal articulée, amère, à une question de Marc Trévidic sur les raisons de son arrestation en République Tchèque.
Selon Christophe Dubroeucq, dont la propre défense a tenu à souligner le coté « babache », c'est à la demande, ou sur la suggestion de ses officiers traitants de la Police Judiciaire qu'il se serait rendu en Slovaquie en compagnie de Jeremy O., un ami débauché comme chauffeur pour suppléer à des endormissements irrépressibles au volant : « Ils [Philippe P. et Olivier M.] m'ont dit d'aller voir comment ça se passait si je passais par là, ils voulaient que je remonte toute la filière.»
Une fois purgée une peine ferme de 14 mois d'emprisonnement en République Tchèque, dans des conditions effroyables, « je respirais au sol pour pas crever étouffé » a-t-il raconté, Christophe Dubroeucq a été mis en examen et incarcéré à la prison de Béthune pour les faits commis en France, mais aussi l'ensemble de son œuvre. Celui qui, d'après l'ORT, s'est en substance présenté aux autorités tchèques comme « l'informateur du commissaire divisionnaire de Lille Philippe P. et de l'officier Olivier M. » comparaissait détenu. Il a été condamné par la JIRS à une peine de 4 années d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende, assortie du maintien en détention.
Chapitre III) Antoine Denevi, le cave se rebiffe (rate son virage et percute un troupeau de barbouzes)
Quatrième et dernier importateur du dossier mais aussi témoin fondamental de la procédure, Antoine Denevi, 27 ans, sorte de Robert Mideau, le talent de la gravure en moins, égaré au pays des armes, de la mauvaise bière et de la musique OÏ. Il était renvoyé devant le tribunal pour l'importation avec la complicité de Sébastien V. de plusieurs armes slovaques, sous l'identité de prête-noms, entre les mois de juin et octobre 2014.
A) Antoine Denevi, de la nébuleuse radicale au restaurant de la rue de Solférino
Antoine Denevi a succédé à Christophe Dubroeucq au poste d'homme-à-tout-faire du restaurant "La Frite rit" de février à avril 2014. Un emploi obtenu grâce aux recommandations en acier trempé de son ami et colocataire Sébastien V., ce dernier étant un ami d'enfance d'Aurore Joly qu'il connaît depuis le collège, « presque un frère pour ma femme » constatera Claude Hermant devant le juge d'instruction.
Là, rue de Solférino Antoine Denevi va pénétrer, avec une rapidité déconcertante qui en dit long sur les intentions et le sentiment d'impunité du couple, le système Hermant. Assez curieusement, Sébastien V., pourtant désigné par des témoins directs comme le réceptionniste principal des colis AFG imputés à son colocataire n'a pas été poursuivi.
a1) Éléments de profil
Antoine Denevi, qui était avec Yohann Mutte l'un des responsables régionaux des organisations aujourd'hui dissoutes de Serge Ayoub Troisième Voie et Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires, a fait la connaissance de Claude Hermant à l'époque où la barbouze gérait La Maison du Peuple Flamand, un lieu, nous le disions au chapitre I, fréquenté par la plupart des militants de l'ultra-droite locale. Des relations placées sous le signe de la défiance, très simplement résumées à la barre par Antoine Denevi lorsque la Cour l'a interrogé sur la réputation de son futur employeur: « Je savais dès le début à qui j'avais affaire. Tout le monde savait que Claude Hermant était un indic. »
Un OPJ des douanes, que le Greffier Noir a rencontré en octobre nous a confirmé que les craintes d'Antoine Denevi étaient absolument fondées, puisqu'il faisait partie avec Yohann Mutte des objectifs de la Douane en 2012 dans le cadre d'un petit trafic de stupéfiants dénoncé par Claude Hermant, trafic plus tard agrémenté d'une tentative d'acquisition d'armes et de vsmk2 (un type de mines) « Ils voulaient, nous a expliqué cette source, les balancer sur les mosquées du coin mais l’enquête officiellement n'avait rien donné. En tout cas, si les Services n'étaient pas intervenus pour bloquer hors procédure la transaction, Hermant leur auraient à coup sûr cédé ces mines. Il aime trop l'argent pour être fiable. »
a2) L'embauchage d'Antoine Denevi à la friterie
Selon le récit d'Antoine Denevi, c'est en embauchant à la friterie en février 2014 qu'il aurait rencontré pour la première fois Christophe Dubroeucq, lequel à l'époque commençait de rabattre vers le couple Hermant-Joly des clients susceptibles d'acquérir des armes.
L'embauchage d'Antoine Denevi, auquel Claude Hermant avait précisé « ne pas pouvoir le payer immédiatement en raison de l'ouverture récente du commerce », est relatée dans l'Ordonnance de Renvoi devant le Tribunal (ou ORT), un document judiciaire qui dans le cas d'espèce prend souvent les allures d'un polar de série Z où chaque mensonge tordu recèlerait une part de vérité.
A défaut d'un salaire en bonne et due forme Claude Hermant aurait donc conduit Antoine Denevi, dès son premier jour de travail, dans la chambre froide de la friterie. Là, il aurait pris un carton derrière le congélateur « dans lequel se trouvaient « une ou deux kalashs à crosse pliante, un TT33 avec une étoile sur la crosse, deux Norinco et un petit 22 (Beretta M70) ». Puis, désignant les armes, aurait proposé à son employé : « je pourrais éventuellement te payer avec ça. »
Cette histoire de la présentation des armes dans le sous-sol de la friterie, tout comme celle de la liasse de 17 000 euros confiée au jeune homme par Claude Hermant, et cela au beau milieu d'un service, paraissent au premier abord burlesques mais s’éclairent lorsque l'on sait qu'Antoine Denevi n'était, aux yeux de son employeur, qu'un simple fusible. Un point fondamental que Claude Hermant a fini par admettre à la barre du tribunal, après d'assez longues discussions sur un courriel échangé avec ses officiers traitants de la gendarmerie en mai 2014 et dans lequel l'expression fusible était employée pour désigner un tiers impliqué dans les livraisons Halluent (voir infra).
En tout état de cause, et la qualité de son témoignage en atteste, Antoine Denevi est devenu dès son embauche et jusqu'à son licenciement un témoin important des activités du couple.
B) Le témoignage à charge d’Antoine Denevi contre Claude Hermant.
Les circonstances dans lesquelles, au printemps 2014, Antoine Denevi s'est rapproché de Christophe Dubroeucq, semble-t-il pour solliciter une protection, sont troubles. Néanmoins, Christophe Dubroeucq, après avoir constaté la présence d'armes à la friterie alors que Claude Hermant lui avait affirmé ne plus s'adonner à ce trafic, introduit le jeune homme, en avril 2014, auprès de ses officiers traitants de la PJ.
b1) Un témoignage précis et accablant.
Antoine Denevi relate que son premier contact avec le monde du renseignement a lieu dans un cimetière, à la nuit tombée, quelques temps avant que son témoignage officiel ne soit recueilli dans les locaux plus conventionnels de la DIPJ de Lille. Les officiers qui l'interrogent lui assurent que « Cette fois-ci, Claude Hermant, malgré ses protections, ne s'en sortira pas. »
Le 24 juin 2014, Antoine Denevi livre donc en confiance un témoignage circonstancié sur les activités de Claude Hermant. Un récit précis et dont les éléments s'avéreront, après vérifications, rigoureusement exacts (voir titre I).
Antoine Denevi explique aux officiers de police judiciaire (OPJ) que Claude Hermant est à la tête d'un important trafic d'armes. Celles-ci proviennent de Belgique où, environ une fois par semaine, il se fournit auprès d'un trafiquant surnommé Patrick ou Patrice, plus tard identifié comme Patrick Halluent. Antoine Denevi admet l'y avoir accompagné à deux reprises, tout comme d'ailleurs Sébastien V. qui a, de son côté, témoigné dans un sens similaire en juillet 2014. Patrick Halluent, questionné à ce propos par les enquêteurs français, s'il désigne Claude Hermant comme son principal client, et se rappelle avoir vu à 4 ou 5 reprises Aurore Joly, ne se souvient pas en revanche des 2 garçons.
Les armes sont ensuite déposées à Lomme, dans un local faisant office à la fois de salle de sport et d'atelier, où elles sont remises en état selon un processus précisément décrit par Antoine Denevi.
Ce dernier fournit par ailleurs à la PJ un document, dérobé à la friterie, sur lequel figure une liste d'armes accompagnées de leur prix, variable selon qu'elles seront livrées aux clients opérationnelles ou neutralisées. L'authenticité de ce document, imprimé depuis l'imprimante d'Aurore Joly, et défini par les intéressés eux-mêmes comme la carte de visite de Claude Hermant, n'a jamais été contestée.
Antoine Denevi, alors qu'il n'a fréquenté la friterie qu'entre les mois de février et avril, précise aux enquêteurs dès le mois de juin 2014 que « le trafic de Claude Hermant a pris de l'ampleur avec l'arrivée d'un certain Samir qui cherchait des armes pour des équipes qui montaient au braquage ». Un repère chronologique incontestable, fixant l'arrivée de Samir Ladjali et Anthony Lefebvre dans l'environnement de Claude Hermant dès l'hiver 2014 ou au plus tard au tout début avril 2014.
Selon Antoine Denevi, témoin oculaire des faits dans une première version puis indirect dans la seconde, Samir Ladjali aurait avancé les fonds pour l'achat des armes, 17 000 euros sous cellophane que Claude Hermant lui a demandé de cacher dans sa veste le temps du service, en glissant non sans cynisme à son employé (qui au final ne recevra pour solde de tout compte de ses deux mois et demi d'embauche qu'une fiche de paie pour le mois de mars) : « Tu vois, je ne te mens pas, l'argent rentre. »
Le même jour, Claude Hermant - soit émoustillé par ses premiers succès, soit préparant le coup suivant d'une partie dont finalement nous ne connaissons que les conséquences les plus odieuses - se présentait chez Sébastien V. pour lui montrer la somme.
« Sans doute cherchait-il à nous impressionner » analysera assez naïvement Antoine Denevi tandis qu'en cœur et sur un même registre Marc Trévidic s'interrogera à plusieurs reprises sur les motivations de Claude Hermant, qui outre cet épisode de la liasse passant de mains en mains, a dévoilé au jeune homme beaucoup de choses sur son business. Non seulement ses clients Samir Ladjali et Anthony Lefebvre, mais aussi ses fournisseurs, en la personne de Patrick Halluent.
b2) Antoine Denevi, un homme menacé ou trop impliqué ?
Antoine Denevi a-t-il un temps servi de « boy » à Claude Hermant pour remettre les armes en état comme l'a déclaré Christophe Dubroeucq, voire d'intermédiaire occasionnel entre la barbouze, Samir Ladjali et l'associé de ce dernier, Anthony Lefebvre, un maghrébin connu pour des trafics de stupéfiants et des faits de violence ?
Cela est possible selon un témoignage rétrospectif de Christophe Dubroeucq « Je sais qu'[Antoine] a eu des menaces de Claude Hermant, à cause des armes (…) il avait peur et il est venu me trouver [nda : pour témoigner en avril-juin 2014]. Je pense que c'est lui qui remettait les armes en état. ».
Antoine Denevi nie farouchement ce dernier fait, tout en abondant sur l'ambiance malsaine qui régnait à la friterie après l'arrivée de Samir Ladjali et Anthony Lefebvre. « C'est la seule personne que j’ai vue faire peur à Claude, explique notamment le jeune homme, Claude disait que c'était des furieux en parlant de Samir et de son entourage [...] Plusieurs fois il a quitté le service pour ne pas croiser M.Ladjali. Il manipule les jeunes, comme moi, comme à La Maison Flamande. Mais quand il ne connaît pas, il a peur. »
En dernière analyse, Antoine Denevi, qui disparaît de l'environnement de Claude Hermant après son licenciement en avril, ne peut être mis en cause pour les faits commis par la barbouze et sa femme de mai 2014 à janvier 2015. Mais une accusation de vol, assez pathétique, va tenter de suppléer à cette faille chronologique.
C) Le mystère du trafic de cocaïne, organisé depuis la Frite rit : mythe et réalité.
Suite à son interpellation en avril 2016 dans la région de Malaga en Espagne, où il s'était réfugié depuis plus d'un an, Antoine Denevi - qui est, tout comme Christophe Dubroeucq, brutalement passé dans cette procédure du statut de témoin à celui de prévenu - va compléter son témoignage et accuser Claude Hermant de l'avoir rémunéré en cocaïne en mars et avril 2014 : deux fois 100 grammes que le jeune homme était censé vendre avec bénéfices.
Assez étrangement, ce trafic de cocaïne ruisselant depuis la friterie n'est contesté par personne, chacune des parties se renvoyant néanmoins la responsabilité des faits.
c1) La version de Samir Ladjali et Anthony Lefebvre.
Samir Ladjali et Anthony Lefebvre, les deux clients 5 étoiles du petit restaurant La Frite Rit, racontent avoir escroqué Claude Hermant de la somme de 40 000 euros. Ce dernier leur aurait avancé le prix d'achat d'un kilo de cocaïne, au demeurant très surévalué. Les deux associés n'auraient jamais livré la marchandise, carottant la barbouze d'une somme plus que conséquente.
Quelques mots ici sur le système de défense de Samir Ladjali et Anthony Lefebvre, lesquels affirment que leurs relations avec le couple Hermant-Joly n'avaient pour objet, unique et exclusif, que l'achat de la friterie dont ils avaient entendu dire, « par le bouche à oreille » qu'elle était à vendre. Ils auraient acquis auprès du couple des lots d'objets divers (ils vendaient effectivement des lots...) afin de maintenir le contact et établir une relation de confiance. Claude Hermant se serait alors empressé d'ajouter des armes aux casseroles et packs de lessive, « des armes vides à l'intérieur », selon l'expression d'Anthony Lefebvre. Comprenant avec le temps que Claude Hermant n'avait pas l'intention de céder son commerce, les deux hommes se seraient vengés par le biais de cette « escroquerie à la cocaïne ».
c2) La version de Claude Hermant et Aurore Joly.
Claude Hermant et sa femme affirment de leur coté qu'Antoine Denevi a été licencié précisément parce qu'il avait transformé La Frite Rit « en point de vente de drogues et d'armes », trafics qu'il aurait organisé en grand, dans leur dos, en toute discrétion, dissimulant notamment armes et munitions dans la cave et la chambre froide du restaurant mais également dans le local de Lomme, soit l'ensemble des lieux fréquentés assidûment par le couple.
Il existe d'autres versions du licenciement d'Antoine Denevi, la principale, selon laquelle Claude Hermant suspectait une relation entre son employé et son ex femme était d'ailleurs de notoriété publique dans les milieux radicaux bien avant d’apparaître en procédure : Serge Ayoub, sans malheureusement à l’époque nous livrer le nom d'Antoine Denevi, nous l'avait racontée en mai 2015 lors d'un entretien téléphonique.
c3) Les version d'Antoine Denevi et Christophe Dubroeucq.
Antoine Denevi affirme quant à lui avoir perçu des mains de Claude Hermant 200 grammes de cocaïne en 2 versements, le bénéfice des ventes devant faire office de complément de salaire. Il dit avoir partagé une partie de cette cocaïne avec Christophe Dubroeucq qu'il accuse par ailleurs d'être l'instigateur de ses propres commandes AFG, passées au second semestre 2014 avec la complicité de Sébastien V. La première de ces commandes, datée du 16 juin, est antérieure d'une semaine au témoignage officiel de Denevi devant la DIPJ, le 24 juin ; en substance, le jeune homme a reconnu durant l'instruction deux commandes AFG, réalisées à la demande de Christophe Dubroeucq qui lui aurait affirmé agir avec l'accord de la PJ. Les autres commandes imputées à Denevi auraient été passées avec la complicité Sébastien V. et Nicolas B., tous deux non poursuivis.
Enfin dernier témoin, indirect, du trafic de stupéfiants de la rue de Solférino, Christophe Dubroeucq qui, s'il nie toute vente d'armes ou de cocaïne se rappelle « qu'une fois [Antoine] m'avait appelé pour que je vende des armes et de la cocaïne pour lui (…) c'était le même type d'armes que celles de la friterie (...) Je lui avais dit non. Je n'aime pas Claude Hermant. Je ne voulais pas vendre pour lui. »
c4) Du positionnement très relatif de Claude Hermant à l'égard des drogues, des drogués et des dealers.
Antoine Denevi a-t-il profité des relations de son patron pour monter son propre business de cocaïne ? Claude Hermant a-t-il joué des faiblesses de son employé pour l'enfoncer davantage, via les stupéfiants, dans un dossier où il aurait méthodiquement placé ses pions ? Une partie des armes AFG livrées à Samir Ladjali et Anthony Lefebvre ont-elles été payées en cocaïne, Claude Hermant ayant dès lors besoin d'Antoine Denevi pour écouler une marchandise qui lui brûlait les doigts. Les deux trafics, d'armes et de stupéfiants, sont-ils indépendants, complémentaires ou simplement parallèles ?
Seule certitude, Claude Hermant connaissait les penchants d'Antoine Denevi pour la cocaïne au moment où il l'embauchait, ce dont témoignent les dossiers des douanes pour les années 2012-2013.
Confronté à la contradiction entre son positionnement habituel à l'égard des drogues et l'embauchage d'un dealer notoire, qu'il avait d'ailleurs lui-même dénoncé aux douanes en 2012, puis à la PJ et à la gendarmerie, Claude Hermant a sans vergogne osé renvoyer la responsabilité de ce contrat de travail à Aurore Joly. Sa femme aurait ainsi embauché le jeune homme sans réellement lui laisser le choix. Claude Hermant se serait senti piégé par les recommandations en granit d'Antoine Denevi, introduit à la friterie par Sébastien V. l' « ami d'enfance de ma femme », presque un frère pour elle.
A la même question sur l'aversion supposée de son employeur pour la drogue, Antoine Denevi s'est contenté de confirmer ce qu'il avait précédemment déclaré sur PV : « Vous savez, c'est surtout l'argent qui l'intéresse. Il avait d'ailleurs une phrase. Il me disait souvent « dans la vie, ni ton ventre, ni ton portefeuille, ni ta bite ne doivent être racistes ». Un adage valable aussi bien pour « les nègres, les juifs, les dealers que les junkies » ricanent certains mauvais esprits...
Claude Hermant, sa femme et Antoine Denevi ont tous trois convenu que leurs relations s'étaient rapidement dégradées en raison de la consommation excessive de cocaïne du jeune homme sur son lieu de travail. Ce qui a minima atteste d'une tolérance relative et démontre la nature accommodante du « positionnement anti-drogue » de Claude Hermant. Une bonne barbouze est capable de sacrifier l’accessoire pour préserver l'essentiel.
Certes, la consommation de stupéfiants est une chose, le trafic en est une autre. Pourquoi Claude Hermant, s'il a véritablement licencié Antoine Denevi pour un trafic de cocaïne, n'a-t-il pas cherché à exploiter la situation à son avantage, en informant par exemple ses officiers traitants, ne serait-ce que partiellement, des faits. S'agissant d'un flagrant délit c'est à dire du point de vue policier d'un dossier, « d'une affaire » livrée clefs en main, la non dénonciation à fins d’enquête est un non sens absolu. « Si Claude Hermant était allé trouvé les services pour dénoncer les faits, il n'aurait pas été poursuivi. Son restaurant n'aurait pas été inquiété » nous a confirmé un proche du dossier.
D) Antoine Denevi, bouc-émissaire ou petit artisan de la chute de Claude Hermant ?
d1) Des accusations à accueillir avec circonspection.
Les nombreuses accusations du couple à l'encontre d'Antoine Denevi doivent être accueillies avec circonspection. Circonspection tout d'abord car Claude Hermant et Aurore Joly, qui avaient de toute évidence d'autres projets pour le jeune homme qu'une banale affaire de stupéfiants, ont accusé Antoine Denevi, en dépit de tout vraisemblance, d'être le véritable instigateur de leurs propres turpitudes, qu'il s'agisse des armes entreposées dans le sous-sol de la friterie, des remilitarisations opérées dans l'atelier de Lomme, ou de l'origine d'une partie de l'arsenal injecté par Claude Hermant dans les milieux criminels.
Antoine Denevi a aussi été accusé par Claude Hermant d'avoir manipulé puis retourné Christophe Dubroeucq. Ainsi, selon notre barbouze :« M.Dubroeucq a été intoxiqué par M.Denevi. (…) Il voulait me séparer de M.Dubroeucq parce qu'[il] est en capacité de trouver des clients et que [Denevi] voulait vendre son propre arsenal.»
Mais Antoine Denevi ayant rompu avec le couple au plus tard fin avril 2014, ces accusations, si elles étaient fondées, n'expliqueraient pas les transactions reprochées à Claude Hermant et Aurore Joly entre juillet 2014 et janvier 2015. Circonspection enfin car le témoignage d'Antoine Denevi est l'un des rares dans cette procédure qui ait été objectivé par des éléments matériels irréfragables et des surveillances policières.
Marc Trevidic s'est interrogé à plusieurs reprises, d'un ton faussement naïf, sur les raisons pour lesquelles Claude Hermant avait de la sorte présenté à Antoine Denevi l'ensemble des acteurs de la filière, non seulement son fournisseur Patrick Halluent en Belgique, ses clients français Samir Ladjali et Anthony Lefebvre, mais également son principal VRP, Christophe Dubroeucq. Le trafic d'armes, tout comme le trafic de stupéfiants, sont des domaines où les réseaux sont strictement cloisonnés, les bons plans jalousement gardés.
De mon point de vue, les intentions de Claude Hermant s'éclairent à la lumière de deux faits, le premier avéré, le second très probable, les débats n'ayant pas permis de départir des versions contradictoires.
Premier fait : l'histoire sordide des livraisons d'armes, transportées démontées, dissimulées dans des sacs et des gants de boxe puis ré-assemblées quelques instants avant la livraison. Il n'est pas indifférent de savoir qu'Antoine Denevi faisait précisément partie des quelques jeunes que Claude Hermant entraînait dans le local de Lomme, un endroit suffisamment vaste pour accueillir un logement, une salle d’entraînement sportif et un atelier de remilitarisation.
Deuxième fait : les liasses de 17 000 euros et 12 000 euros tantôt remises par Claude Hermant à Antoine Denevi, tantôt remises par ce dernier à Samir Ladjali au beau milieu d'un service au restaurant, sachant qu'une partie de cet argent a effectivement été retrouvée au domicile des suspects durant les perquisitions.
Ces 2 éléments, en s'additionnant aux connexions méticuleusement entretenues par Claude Hermant entre le jeune homme et l'ensemble des acteurs de son réseau, tissaient autour d'Antoine Denevi une toile infernale. Le piège étant destiné à se refermer en cours d'instruction à la première expertise ADN qui aurait « matché » avec l’ADN d'Antoine Denevi. Je suis intimement convaincu que lorsqu'il laissait accroire en procédure mais aussi par médias interposés qu'Antoine Denevi et Sébastien V. avaient commis à son préjudice durant l'été 2014 un vol de 50 000 euros de matériel de paintball, la barbouze était en réalité dans l'attente d’une telle expertise. Ce vol aurait permis, à terme, d'expliquer comment des armes, importées durant l'été par son couple avaient ensuite transité par Antoine Denevi avant de se retrouver entre les mains au choix de Samir Ladjali ou d'Amedy Coulibaly.
Songez-y : quelles auraient été les chances de survie d'Antoine Denevi une fois pris entre les raies d'autant d'indices accusatoires, traces ADN comprises ? Ce dernier, en réalité un authentique miraculé, aurait eu les pires difficultés du monde à se disculper d'autant que son cas aurait été « ficelé » par un détail de son profil pénal qui aurait, dans le contexte de l'affaire, acquis un poids démesuré : la seule mention inscrite au moment des faits au casier judiciaire d'Antoine Denevi est une condamnation à 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour l’importation de 40g de cocaïne en 2010, tandis qu'Anthony Lefebvre, l'associé de Samir Ladjali, deux trafiquants amenés au restaurant par Claude Hermant dans les conditions que nous avons vues, était connu pour des faits analogues.
Claude Hermant ayant lui-même défini Antoine Denevi comme un fusible du dossier Halluent, l'hypothèse que je propose ci-dessus ne me semble pas seulement vraisemblable mais probable. D'autant que Claude Hermant a répété à la barre qu'Antoine Denevi le répugnait, qu'il était encore aujourd'hui, « le personnage qu'il continuait de détester ». Une aversion ancienne, bien antérieure à son embauchage à la friterie, comme en témoignent les nombreuses dénonciations que Claude Hermant lui-même aura le culot, l'homme n'en manque pas, de revendiquer à décharge, déclarant en substance « Antoine Denevi je l'avais signalé à tous les services, il s'en est toujours sorti... »
Une courte parenthèse à propos des cibles visées par Claude Hermant: il serait probablement instructif d'investiguer sur les raisons de l'obsession de la barbouze pour la nébuleuse gravitant autour de Serge Ayoub. Les deux hommes se connaissent et se croisent depuis 30 ans.
Du 11 au 17 septembre 2017, Claude Hermant a tenté, avec insistance, de revendiquer son appartenance à la gauche. L'une de ses dernières interventions portait d'ailleurs sur ce thème. Comme s'il s'agissait de justifier « moralement », si tant est que le terme ait ici encore un sens, la série abominable de faits égrainée à la barre tout au long de la semaine. La meilleure preuve, selon Claude Hermant, de son indéfectible engagement du coté du cœur, car c'est bien ainsi que le camp du Bien se représente, serait apportée par les 6 années qu'il a passées au DPS, le service d'ordre du FN, aux cotés de Bernard Courcelles, un homme « au courant du secret de Mazarine Pingeot », longuement évoqué par Claude Hermant devant le juge Stanislas Sandras, dès le 20 mars 2015, à un moment où aucun article de presse n'avait encore été publié sur « son histoire ».
d2) Antoine Denevi ou de la création d'un fusible : la démonstration Halluent.
La place d'Antoine Denevi et l'analyse de sa fonction dans la petite galaxie de Claude Hermant sont instructives, sinon édifiantes. Démonstration avec un "beau dossier" finalisé en mai par la police belge.
Un courriel envoyé début mai 2014 par Claude Hermant à ses officiers traitants de la gendarmerie et relatif au dossier Patrick Halluent a été longuement discuté à l'audience. Le document avait d'ailleurs rapidement fuité dans La Voix du Nord au début des investigations, à une époque où le couple Hermant-Joly distillait dans la presse régionale une poignée d'informations soigneusement choisies.
Patrick Halluent, nous l'avons dit au premier chapitre, n'est autre que le fournisseur historique de Claude Hermant en armes AFG. Entre les mois de juillet 2013 et mai 2014, le trafiquant belge aurait importé près de 180 armes, Claude Hermant, de très loin son principal client, lui achetant à l'hiver 2013-2014 l'essentiel de ses stocks.
Perquisitionné le 7 mai 2014, Patrick Halluent, au domicile duquel les enquêteurs ont découvert « un canon prêt à être expédié et tout le matériel nécessaire pour remilitariser les armes », a interrompu ses importations dans la foulée de sa mise en examen en Belgique.
Or, ce même mois de mai 2014, alors que les premières foudres judiciaires s'abattaient sur le détective belge, Claude Hermant expédiait à ses officiers traitants un courriel dit de « finalisation du dossier Patrick Halluent », la gendarmerie française s'intéressant apparemment depuis plusieurs semaines aux agissements de ce dernier.
Ce courriel signé Hermant, en parfaite contradiction avec les éléments recueillis par les enquêteurs belges au cours des perquisitions domiciliaires disait : « Rien d'illégal, [Patrick Halluent] ne vend que de la "neutra" et refuse catégoriquement toute transformation, dit ne pas avoir les connaissances pour cela...on prend "neutra" ou rien. Fournisseur AFG. Slovaquie. Il touche au monde des collectionneurs et tireurs pas des voyous, après plusieurs mois à creuser, il n'a pas varié d'un pouce. Il donne volontiers un plan (…) où, si on montre patte blanche, le vendeur n'est pas hostile à donner de la pièce "op". Ce contact est connu des collectionneurs. 80% de la clientèle de Patrick est française. En bossant dessus, je suis retombé sur un fusible à nous. Il serait bien de ne pas transmettre aux belges cette info ou à gérer au mieux des intérêts des infiltrations. Tiens moi au courant de ce que vous faites avec les infos. Je serai ralenti si le fusible saute.»
Cet échange épistolaire du mois de mai 2014, a fait l'objet d'assez longues analyses durant le procès, notamment quant au sens du terme fusible et l'identité de l'individu que Claude Hermant cherchait à préserver dans le cadre des investigations sur son fournisseur historique.
Après d'assez vifs échanges sur le sujet, l'avant veille de la fin des débats, Claude Hermant va demander la parole et compléter la définition partielle du terme fusible donnée à la barre, à huis clos, par la gendarmerie, à savoir « un individu qui fait le lien, qui connecte ». Selon Claude Hermant, un fusible est une personne, qui certes « connecte avec d'autres » mais qui, essentiellement, est destinée à être sacrifiée. « Un fusible saute, a-t-il déclaré, et derrière lui, on ne retrouve rien », ajoutant cette précision d'importance « Sébastien V. et Christophe Dubroeucq n'étaient pas des fusibles, mais des relais d'information ». Claude Hermant a, par cette intervention, implicitement et probablement sans même s'en rendre compte, désigné Antoine Denevi comme étant le fusible de ce dossier Halluent, bien en place sur l'échiquier au mois de mai 2014.
La vigilance probablement émoussée par une semaine de procès et des journées d'audience ayant parfois atteint des amplitudes considérables, poussé dans ses retranchements par Marc Trévidic, Claude Hermant a de surcroît admis qu'en présentant Antoine Denevi, son fusible, à Patrick Halluent, son fournisseur, il avait cherché à « enfoncer » le premier, à « créer une connexion ». Durant l'instruction, il avait sobrement affirmé avoir manœuvré Antoine Denevi pour « clôturer le dossier Halluent », c'est à dire selon les termes du courriel cité ci-dessus, vérifier si réellement, celui-ci ne vendait que des armes neutralisées.
Ce témoignage éclaire tout un pan du dossier, et confirme les impressions de Christophe Dubroeucq, qui sur PV avait conclu, s'agissant des raisons pour lesquelles en avril 2014 Antoine Denevi s'était tourné vers lui : « apparemment, ils travaillaient comme des chiens (...) et pour rien, c'était des esclaves. [Antoine] voulait se retirer mais il osait pas parce qu'il avait peur. La seule échappatoire c'était de balancer. »
d3) Le piratage de la vie électronique d'Antoine Denevi, le coup de maître du couple Hermant-Joly.
Mais en quoi, à l'époque, le sort d'Antoine Denevi pouvait-il affecter l'activité de Claude Hermant ? En mai 2014, au moment où il rédige ce courriel, Antoine Denevi a prétendument été licencié de La Frite Rit pour y avoir organisé un trafic de cocaïne. Il ne fréquente plus le couple, lequel n'a aucune raison de le protéger.
Outre bien entendu l'affaire AFG, la réponse à cette question réside probablement pour partie dans le piratage des comptes internet du jeune homme par Aurore Joly et Claude Hermant. A cet égard, une grande partie des pièces versées en procédure à charge d'Antoine Denevi doivent tout autant au génie et au savoir-faire des enquêteurs, qu'au cynisme du couple.
En effet, Aurore Joly, avait prêté à Antoine Denevi lorsque ce dernier travaillait à la friterie, un ordinateur portable destiné à son usage privé et personnel. Ce PC était d'ailleurs l’ancien poste de travail de la Maison du Peuple Flamand, fermée l'année précédente.
Une fois la rupture entre Antoine Denevi et le couple consommée, fin avril 2014, Aurore Joly - qui est, notez-le bien, au cœur du business de Claude Hermant en tant qu'actionnaire principale des sociétés Jarnac (friterie) et Seth Outdoor (survivalisme, paintball) sans compter ses responsabilités au sein des associations Terre Celtique & Jeanne de Flandre auxquelles elle a apporté plusieurs biens immobiliers - a bien entendu récupéré son PC. Ordinateur dont elle a restauré l'historique « effacé » en lançant un programme de récupération des données. Techniquement, les fichiers d'un ordinateur ne sont pas réellement (physiquement) effacés du disque dur tant que de nouvelles données n'ont pas été inscrites sur les zones de stockage. Si l'utilisateur ne prend pas la précaution de lancer, à intervalles réguliers, un logiciel du type Ccleaner, spécifiquement conçu pour écraser physiquement les données, une grande partie de l'historique récent peut théoriquement être récupéré, entre autres les fichiers simplement supprimés via la poubelle.
C'est ainsi que la vie électronique d'Antoine Denevi, comptes sociaux et messageries inclus, est tombée dans l'escarcelle de Claude Hermant qui, dès le mois de mai 2014, va distiller auprès de ses officiers traitants quelques informations soigneusement choisies dans ce fond d'archives.
Ce piratage était une pêche authentiquement miraculeuse pour Claude Hermant, un homme sous pression et qui par la force des choses, comme tous les bénéficiaires de condés, était contraint "de faire remonter de l'information". Et une information de préférence judiciarisable.
Une situation très bien analysée par Gérald K., un capitaine retraité de la BRI, ami du père de Sébastien V. et que les clients réguliers de La Maison du Peuple Flamand ont eu parfois l'occasion de croiser. Claude Hermant l'avait accusé de trafic d'armes et a même longtemps prétendu posséder des films des remilitarisations opérées dans la cave de l'ancien flic, des films sur lesquels apparaîtraient Antoine Denevi et Sébastien V.
Gérald K., de par ses anciennes fonctions, est un témoin en situation de livrer une analyse éclairée des motivations de Claude Hermant, qu'il connaît depuis 1984 : « [Claude Hermant] a probablement mis sur pied un énorme trafic d'armes. Je pense qu'il donnait du grain à moudre à ces gens là [nda : les O.T.] en tant qu'indicateur parce que, si vous ne donnez pas d'affaires, à un moment vous êtes interpellés. »
Soyons clair, et cette remarque vaut pour chacun des dix prévenus renvoyés devant la JIRS, Antoine Denevi, pour lequel nous n'avons aucune sympathie, n’est pas un saint. Ce sont bel et bien ses connexions avec les milieux politiques criminalisés, notamment nationalistes révolutionnaires et serbo-croates, qui l'ont attiré dans les filets de Claude Hermant.
De surcroît, suivant fidèlement les traces de son ancien employeur qui le surnommait « Padawan » et même affectueusement « petit Padawan », Antoine Denevi a mis en place tout en renseignant la PJ sa propre filière, certes modeste, d'importation d'armes AFG, avec la complicité avérée de Sébastien V. et Nicolas B., et celle alléguée de Christophe Dubroeucq mais ce dernier point, évoqué au chapitre II, n'est pas acquis. Les enquêteurs ont ainsi retrouvé la trace de cinq commandes, passées par le jeune homme, en recourant aux identités de prête-nom, à partir du mois de juin 2014.
Malgré ces faiblesses, le témoignage d'Antoine Denevi, qui a battu en brèche beaucoup des explications de Claude Hermant, Aurore Joly, Samir Ladjali et Anthony Lefebvre, a ceci de particulier qu'il a très vite été objectivé par des surveillances policières en juillet 2014 puis été confirmé par des éléments matériels irréfragables.
Conclusion du titre II: le véritable fusible de Claude Hermant était en réalité l'appareil sécuritaire régional.
Antoine Denevi n'était pas le seul fusible de Claude Hermant dont la véritable assurance résidait, en tout cas le croyait-il, dans ses relations avec l'appareil sécuritaire. La chose est devenue tellement évidente au fil des débats que le ministère public lui-même a ironisé sur le fait que le fusible de toute dernière ligne de Claude Hermant n'était au bout du compte ni Sébastien V., ni Denevi, ni Dubroeucq mais en réalité la Police Judiciaire, les RG, la Gendarmerie et les Douanes. Ce que le colonel Jérôme Richard a lui-même douloureusement concédé à la barre en déclarant « qu'à la lumière des débats », il pensait que ses services avaient été « instrumentés », « instrumentalisés », voire « manipulés ». Plus tôt, il avait soufflé qu'il s'était « souvent demandé pour quelle administration travaillait en réalité Claude Hermant » à l’époque où la barbouze faisait partie des organigrammes de la gendarmerie. « C'est pas possible... C'est énorme...» confirme, en dodelinant de la tête, Laurent B., gendarme et ex-officier traitant de Claude Hermant.
Ce rapide survol du clan des importateurs passe sous silence une montagne de renseignements, de coïncidences troublantes, d'intentions malveillantes et de manœuvres sordides que nous ne pouvons aborder ici, sinon au prix de ne plus écrire un article, déjà très long et pourtant superficiel, mais un livre.
Penchons nous à présent, brièvement, sur les clients du réseau renvoyés devant la JIRS.
TITRE III) Les clients de Claude Hermant.
Les amoureux de la pomme de terre ne sont pas (toujours) des adeptes du couscous.
A coté de la fine équipe d'importateurs évoquée dans la première partie de cet article comparaissaient six clients de la filière Hermant : Samir Ladjali et Anthony Lefebvre, les 2 habitués « premium » de la petite friterie de la rue Solférino ; le trio Riad Keribedj, Daniel Bourdier et Ricardo Bonnet, dit Mouss ; enfin, un douanier-survivaliste, Sébastien Lemaire.
Nous écrivions plus haut que l'analyse de la fonction d'Antoine Denevi permettait de mettre à jour un mécanisme plus général, capable d'éclairer des zones du dossier demeurant sinon nébuleuses. Cette hypothèse sera testée à l'occasion du récit des aventures de Sébastien Lemaire, un client tenant une place à part dans la clientèle de Claude Hermant, comme en convient Marc Trévidic dans le jugement rendu le 17 octobre 2017 et stipulant : « Sébastien Lemaire est le seul à avoir acheté une arme pour son usage personnel, ce qui est objectivement un comportement infiniment moins dangereux pour la société que le fait d'acheter une arme pour la revendre à un criminel. En revanche, il est un fonctionnaire de l’État, ce qui accroît la gravité des faits. »
Mais avant cela, quelques mots sur un trio qui a amené un peu de sa légèreté au procès, comme un bref rayon de soleil que même le ministère public a salué dans ses réquisitions : Riad K., Daniel B. et Ricardo B..
Chapitre I) L'histoire de Riad K. & consorts.
Une (si brève) éclaircie dans un ciel noir.
A) La livraison de trop et des meilleures méthodes pour ficeler un dossier judiciaire.
L’histoire de Daniel B., Riad K. et Ricardo B. est une illustration magistrale du contexte des investigations. Les conditions de leur interpellation le 9 décembre 2014 et l'intervention de Claude Hermant dans cette procédure sont un morceau de choix, sinon d'anthologie.
Les informations révélées ici sont pour la plupart tirées de l'ORT, un document parfois austère mais dans l'affaire Hermant, toujours gourmand.
Ainsi, « le 9 décembre 2014, nous explique l'ordonnance de renvoi, les enquêteurs de la DIPJ de Lille étaient rendus destinataires d'un renseignement dénonçant, le même jour, une livraison d'armes sur le territoire de la commune de Tourcoing ». Un renseignement d'une précision redoutable puisque « il était indiqué que 2 individus originaires du boulevard de Metz de Lille devaient [se] déplacer afin d'y livrer des armes (…) à bord d'une voiture Opel Bleu Violine ».
Et c'est effectivement à bord d'une Opel violette que, le 9 décembre 2014 au lieu-dit, deux cinquantenaires au profil méditerranéen typé, Riad K. (passager) et Daniel B. (conducteur) sont arrêtés, en possession d'armes de guerre remilitarisées. Mais l'histoire ne s’arrête pas là.
Trois jours plus tard, le 12 décembre, quelques heures après le déferrement et l'incarcération des deux hommes, Claude Hermant s'entretient avec Ricardo B., un ami commun, auquel il propose de prendre en charge financièrement leur défense. Un accord formalisé par la remise de quelques centaines d'euros et un SMS de Claude Hermant à son avocat, maître Maxime Moulin. Un message intercepté par les enquêteurs et que le parquet a qualifié durant les débats de comminatoire : « Bsr c claude urgent voir B. Daniel embastille ce jour de la part de ricardo. Vs prenez le dossier en charge merki de rappeler sur ce numero amitié claude » (sic).
Ce noble geste de Claude Hermant n'est bien entendu pas désintéressé. Détail au choix pittoresque, cocasse ou sordide : les armes trouvées dans le véhicule des deux « embastillés » avaient été importées, trois semaines plus tôt, par l'entreprise Seth Outdoor, donc par Claude Hermant et sa compagne.
B) Qui a piégé "Mouss" et ses amis ?
Qui a piégé les trois hommes ? Marc Trévidic nous donne ici quelques indices dans les motivations du jugement : « L'explication de Daniel B. selon laquelle le propriétaire des armes serait celui-là même qui aurait prévenu la police n'est pas crédible en l'absence de tout mobile rationnel. En revanche, il paraît fort probable que l'acheteur des armes est celui qui a informé la police, dans le but de nuire, non pas tellement à Daniel B., Riad K. et Ricardo B. mais plus sûrement à Claude Hermant, s'agissant d'armes commandées par Seth Outdoor. Il convient de rappeler que la police travaille à l'époque sur Claude Hermant et que la saisie d'armes remilitarisées est beaucoup plus intéressante que celles d'armes démilitarisées.»
C) Les condamnations
Ricardo B. dont le casier judiciaire était vierge a été condamné à 2 années d'emprisonnement assorties du sursis simple et 2000 euros d'amende.
Riad K., connu de la justice pour des délits mineurs, a lui été condamné à une peine de 2 ans d'emprisonnement, sans sursis, et 5000 euros d’amende.
Daniel B. enfin, déjà condamné à deux reprises aux assises pour des vols à main armée s'est vu infliger la peine la plus lourde : 3 ans et 5000 euros d'amende.
Chapitre II) Sébastien Lemaire : des bureaux de la Direction Opérationnelle des Douanes aux prétoires.
des amis et collègues de Claude Hermant, suite.
A) Les faits reprochés à Sébastien Lemaire.
Sébastien Lemaire, dont le nom a émergé à plusieurs reprises au fil de cet article, tient une place à part dans la clientèle de Claude Hermant. Agent des services de renseignements douaniers, condamné par la JIRS pour l'acquisition d'une kalachnikov dont la présentation avait été filmée en caméra cachée par le couple Hermant-Joly, il a longtemps été mis en cause en tant que récipiendaire d'une quarantaine d'armes prétendument rackettées au détriment d'Antoine Denevi. Encore que ce décompte lui même ne soit pas très clair, puisqu'en comptabilisant à la lettre les déclarations fluctuantes de Claude Hermant, nous pouvions aboutir à un total de 80 armes dont 40 en provenance d'AFG, ce qu'avait d'ailleurs noté Stanislas Sandras.
Quoi qu'il en soit, la version « consolidée » donnée début 2015 par Claude Hermant a été celle de 40 armes rackettées à Denevi puis remises à Lemaire en trois livraisons distinctes pour un montant total de 10 000 à 12 000 euros. Ces armes auraient été destinées à des représentants de la communauté libanaise. Mais en se rétractant à la barre, Claude Hermant a négligemment ravalé cette accusation, ô combien gravissime dans le contexte des événements de janvier 2015, au rang des diffamations et dénonciations mensongères.
A la clôture de l'instruction, les magistrats instructeurs se contentaient quant à eux de remarquer, dans une formule a posteriori ambiguë, que s'agissant des livraisons Lemaire alléguées par Claude Hermant: « l'examen des documents remis, saisis ou déclassifiés laissait apparaître que sur la période des faits qui lui étaient reprochés, aucune information précise n'avait finalement été révélée à charge des réseaux criminels susceptibles de bénéficier d'un approvisionnement d'armes et munitions en provenance de la société slovaque AFG. »
B) Un cas d'école : la vidéo Lemaire.
Néanmoins, le cas Lemaire doit être étudié avec attention en raison des similitudes flagrantes entre son histoire et celle d'Antoine Denevi, de très nombreux éléments suggérant que derrière le « mensonge Lemaire » se dissimule un part importante, et largement occultée de l'affaire Claude Hermant.
b1) Sébastien Lemaire piégé sur film par Claude Hermant.
Le cheminement d'Antoine Denevi nous a montré une chose : un fusible, pour être efficace, doit être physiquement et matériellement connecté aux circuits qu'il protège tout en demeurant dans l'ignorance de l'essentiel.
Je mettrai de coté la discussion finalement accessoire, et tranchée dans le sens de la culpabilité par le tribunal correctionnel, de la remise effective à Sébastien Lemaire d'une arme, « récupérée dans un buisson » selon un système de « boite aux lettres mortes » que semblait sincèrement affectionner Claude Hermant. Des faits, les seuls pour lesquels il était poursuivi, qui ont valu au douanier une condamnation quasi symbolique à 8 mois d'emprisonnement avec sursis. La présentation de cette arme filmée clandestinement à l'hiver 2013-2014 et surtout l'exploitation procédurale que le couple va faire de ce film sont plus importantes.
En préambule, un fait à faire frémir : cette vidéo a été tournée dans un cadre privé et extra-professionnel, à cent lieues du système organisé avec la complicité de l'appareil sécuritaire tel qu'a pu le décrire Claude Hermant. Cadre extra-professionnel à ce détail près toutefois que le film a été réalisé au centre médico-pédagogique de Croix où, depuis plus de dix ans, Claude Hermant exerçait ses talents de veilleur de nuit, auprès nous explique le site de l'institution, « [de jeunes] « des deux sexes, de 3 à 18 ans [rencontrant] « des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages. »
Nous ne connaissons pas réellement les raisons de l'acharnement de Claude Hermant à l'encontre de Sébastien Lemaire. Mais l'ampleur des accusations portées contre le douanier trouve probablement pour partie son origine dans un fait singulier que nous n'aurions pas remarqué sans les conseils avisés de M. Joe, qui se reconnaîtra.
b2) Une opération douanière. Des dangers de la sur-interprétation lorsque l'on est mis sous pression.
Claude Hermant était dans les premiers temps de la procédure, entre autres sur la base d'indices procéduraux, fondé à se croire victime d'une opération douanière, « opération » étant souvent synonyme, dans l'esprit d'une barbouze, de complot ou de règlements de compte. Affaire de karma, montage ou plus probablement coïncidence, la vidéo Lemaire est datée du 15 décembre, tandis que l'arme aux sources des ennuis judiciaires de Claude Hermant a été saisie le 16 du même mois.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises, la filière logistique animée par Claude Hermant était entrée dans le viseur de la PJ un an avant les assauts du 7-9 janvier, suite à la découverte du profil génétique de l'intéressé sur la pièce interne d'un pistolet mitrailleur saisi dans une affaire de stupéfiants, le 16 décembre 2013.
Quel aurait été le destin de cette première procédure diligentée par la PJ lilloise sans la survenance des attentats contre Charlie Hebdo ? Nul ne peut répondre à cette question mais il convient de noter les précautions prises par les autorités pour procéder à l'interpellation du couple Hermant-Joly, le 20 janvier 2015.
Une arrestation réalisée par les douanes qui, en quelque sorte, ont temporairement court-circuité l'appareil sécuritaire lillois. Cette singularité du dossier jugé en septembre 2017 a été très peu soulignée par les commentateurs : ce ne sont ni la Police Judiciaire, ni la gendarmerie qui ont ouvert les hostilités contre Claude Hermant mais des douaniers venus de Rouen et du Havre, assistés de collègues locaux.
Détail remarquable, Amar Ramdani - un proche d'Amedy Coulibaly qui entretenait une liaison avec une gendarme, formatrice au renseignement opérationnel, en poste au fort de Rosny-sous-Bois - a énuméré lors d'une audition par l'antiterrorisme l'ensemble des hauts lieux de la procédure lilloise. Ainsi, à une question sur ses déplacements en compagnie d'Amedy Coulibaly, Amar Ramdani a déclaré s’être rendu en novembre et décembre 2014 dans les villes: « [de] Reims il me semble, à Lille, à Orléans ou Rouen, je confonds toujours ces deux villes », ainsi qu'en Belgique. Mais, les dossiers Hermant et Coulibaly ayant été saucissonnés c'est un sujet qu'il ne revenait pas à la JIRS d'étudier.
Quoi qu'il en soit, la procédure contre Hermant & consorts débute sur un registre qu'au moment de son arrestation la barbouze a nécessairement surinterprété. Ainsi Claude Hermant a-t-il peut-être cillé en apprenant que « [le] 19 décembre 2014, la DOD de Rouen recevait une information selon laquelle la société SETH OUTDOOR, sise (…) à Haubourdin recevait des armes non démilitarisées ou partiellement démilitarisées en provenance de Slovaquie (…) [La société] était dès lors mise sous surveillance au niveau postal afin d'identifier de futures réceptions de marchandises supposées illicites. » Cette « surveillance postale » a rapidement porté ses fruits.
Un mois plus tard, le 19 janvier 2015, les douaniers interceptent un colis en provenance d'AFG à destination du couple Hermant-Joly. Une livraison dite surveillée est mise en place.
Le 20 janvier 2015 à 12H40, Aurore Joly, la gérante légale de Seth Outdoor, compagne et future épouse de Claude Hermant, est interpellée au moment où elle prend livraison du colis. Elle est immédiatement placée en rétention douanière. 25 minutes plus tard, la PJ appelle sur son téléphone privé Claude Hermant et lui demande de se rendre instamment dans les locaux de la DIPJ. Délicate attention là où dans les affaires de trafics d'armes et de terrorisme, l'usage serait plutôt d'envoyer des hommes en noir défoncer les portes au petit matin. Il est 13H15. Claude Hermant, qui se trouve en Belgique, répond à son interlocuteur « qu'il va prendre une douche » avant de se mettre en route.
Comprend-il que la mécanique de son business s'est irrémédiablement enrayée ? Toujours est-il que l'un des premiers réflexes de Claude Hermant consiste à appeler Nicolas L. des douanes et Jean Paul D.S., celui là même auquel, deux mois plus tôt, il livrait deux informations toujours « en cours d’évaluation » au moment de son interpellation. Il aurait donné rendez-vous à ce dernier à Lomme, où un dispositif d'intervention avait entre-temps été déployé par la PJ. La BRI est sur le pied de guerre.
A 15H21, Claude Hermant se gare devant son atelier. A la vue des policiers il prend la fuite et est interpellé 4 minutes plus tard, coincé dans le flot de circulation de la rue Paul Vaillant. Sur lui, les enquêteurs découvrent : une liasse de 12 000 euros en petites coupures de 10 et 20 euros ; 2 pistolets semi-automatiques Beretta ; une paire de menottes ; une fausse pièce d'identité au nom d'André Petit ; des supports de stockage (USB et disque dur). Mais aussi six photos d'identité au nom de Jean Lambot dans une enveloppe adressée à Claude Hermant. L’enquête a révélé qu'il s'agissait de photographies de Patrick Halluent qui expliquera aux enquêteurs qu'il les avait naïvement remises à Claude Hermant afin que ce dernier lui établisse une carte de membre de son club de paintball...
En résumé, si l'arrestation de Claude Hermant a bien été réalisée par la PJ, les hostilités contre le couple ont en revanche été lancées par une opération douanière, à l'issue d'un dossier ouvert le 19 décembre 2014. De plus par les douanes de Rouen et des agents venus du Havre. Autant de détails, actés en procédure, que n'a pas manqué de noter Claude Hermant, en vieux briscard des services.
La lamentable vidéo Lemaire évoquée, pour ne pas dire annoncée par Claude Hermant au téléphone au printemps 2014 – un film apparemment de notoriété publique puisque nous en trouvons aussi la trace dans l'audition du 2 juillet 2014 de Sébastien V. - a probablement trotté quelques temps dans l'esprit de Claude Hermant et de sa femme, et cela bien après leur incarcération.
C) Sébastien Lemaire peut en témoigner : le survivalisme peut rapporter gros (indexé sur le cours de l'année de réclusion).
c1) Une relation équivoque.
Sébastien Lemaire est apparu très tôt dans la procédure ouverte contre Claude Hermant. Il était au moment des faits en poste à la DNRED de Lille en tant qu'adjoint d'un groupe de recherche. A ce titre, il était le supérieur hiérarchique direct des gestionnaires de la « source Claude Hermant », en tout cas jusqu'à la radiation de ce dernier du fichier des douanes consécutivement à une affaire de fonctionnaires ripoux.
Claude Hermant avait en effet remonté au tournant des années 2010 grâce aux balises traceuses dont il vantait les mérites au juge Stanislas Sandras, un trafic de cocaïne aboutissant chez des douaniers. En tout cas, telle était « après analyses et recoupements » la conclusion de Claude Hermant.
Malheureusement l'affaire aurait été enterrée, et pour salaire des services rendus à l'administration fiscale, Claude Hermant a été radié du registre des aviseurs, voire « blacklisté » encore que le terme, employé par certains prévenus, ne doive pas être entendu au sens juridique. Claude Hermant n'est réellement « blacklisté » que depuis son inscription par la gendarmerie au fichier idoine, géré par Interpol. Seule une petite cinquantaine de barbouzes véreuses ont à ce jour cet insigne honneur.
En mars 2013, instamment pressé par sa hiérarchie de cesser tout contact professionnel avec Claude Hermant, Sébastien Lemaire l'introduit auprès de la gendarmerie tout en poursuivant une relation amicale extra-professionnelle, fondée sur la passion commune des deux hommes pour le survivalisme. C'est dans ce contexte amical et idéologique qu'en décembre 2013, Claude Hermant propose au douanier d'acheter une kalachnikov pour « la défense de ses biens et de sa famille ». Une arme qui va donc servir de support au film du 16 décembre 2013.
c2) des écoutes et des surveillances compromettantes.
Les écoutes et les surveillances physiques conduites au printemps et à l'été 2014 vont illustrer « le caractère équivoque » et cynique des relations entre Sébastien Lemaire et Claude Hermant, mêlant pour le malheur du premier, les domaines privés et professionnels.
Selon l'ORT qui résume les investigations, « des conversations interceptées entre le 22 mai et le 10 juin 2014 permettaient de comprendre que [Sebastien Lemaire] devait mettre en relation Claude Hermant et des amis parisiens. Un RDV était fixé.(...) Claude Hermant contactait Flavien M. afin que ce dernier vienne filmer un rendez-vous bizarre ».
Aucun film de la rencontre ne sera finalement tourné, mais l'épisode démontre qu'en juin 2014, Claude Hermant éprouve le besoin, dans le cadre de ses relations avec Sébastien Lemaire, de solliciter l'assistance de son homme de main de l'époque, Flavien M., un jeune homme défavorablement connu des services pour ses accointances avec l’extrême droite radicale, nommément Troisième Voie - JNR, et passé par la case justice pour des violences commises aux cotés de Yohann Mutte dans un bar homosexuel de Lille, Le vice-versa, en avril 2013. Le monde est petit (voir le titre II). D'après un proche, Flavien M. aurait repris les fonctions enviables d'homme-à-tout-faire du couple Hermant-Joly après les départs successifs de Christophe Dubroeucq et d'Antoine Denevi. Sa compagne, Virginie M. a d'ailleurs été embauchée trois mois à la friterie au second semestre 2014.
Un esprit machiavélique songerait, probablement à raison, que la barbouze prépare avec ces manœuvres autour des « amis parisiens » de Sébastien Lemaire, la suite de la vidéo de Croix tournée six mois plus tôt, le 15 décembre 2013 et qui, rappelons-le de nouveau est le seul et unique film montrant une présentation d'armes jamais versé à l'instruction par Claude Hermant.
D'autant qu'un mois après ce rendez-vous jugé « bizarre », le 10 juillet 2014, à 23H33, les enquêteurs vont intercepter un SMS de Claude Hermant à destination du douanier, dans lequel le premier, d’ordinaire excessivement prudent comme le démontrent les précautions entourant ses rencontres avec Patrick Halluent ou Samir Ladjali, écrit, en clair et sans détour au second : « Oui, nous avons avancé, je me suis arrangé pour avoir le transporteur AFG ». Interrogé quant au fait qu'il n'avait pas répondu à ce SMS, Sébastien Lemaire dira qu'il n'en avait pas compris le sens sans chercher à en apprendre davantage, lui et Claude Hermant étant en affaire sur un « dossier de tabac à chicha volé à Anvers ». Ou de l'embrouille libanaise qui mériterait à elle seule un long article et dont je toucherai deux mots en guise de conclusion provisoire.
c3) Claude Hermant a-t-il bénéficié de fuites l'avertissant des interpellations de janvier 2015 ?
Mais avant toute chose, une question centrale se pose afin d'apprécier le contenu des éléments recueillis par ces surveillances policières au printemps et à l'été 2014, surtout à la lumière des antécédents de Claude Hermant : ce dernier était-il tenu au courant des investigations de la PJ sur son couple au moment où il envoyait ces SMS inscrivant AFG dans le marbre des écoutes judiciaires, et échangeait des propos explicites avec son homme de main Flavien M. ?
Cela est possible comme le démontre de façon limpide le SMS qui, la veille de son interpellation, le 19 janvier 2015 l'a averti de l'opération douanière sur le point d'intervenir. Une fuite survenue en dépit du cloisonnement mis en place par les autorités pour procéder à l'interpellation du couple. Une source proche de l’enquête, interrogée peu après le procès par le Greffier Noir, nous a affirmé que l'IGPN, saisie des faits, avait tenté de déterminer l'origine de cette fuite. Sébastien L. a été auditionné à cette occasion ainsi que son collègue, Nicolas L.
Vastes et délicates investigations de la police des polices tant les relations de Claude Hermant au sein de l'appareil sécuritaire régional étaient nombreuses. Informateur stipendié de la gendarmerie et des douanes, en contact avec de nombreux policiers municipaux, il entretenait également de solides relations avec la PJ. Des liens privilégiés que Claude Hermant partageait d'ailleurs avec Christophe Dubroeucq (voir titre II, chap II).
Philippe P., le coordinateur du Centre de Coopération Policière et Douanière de Tournai qui recevait les deux hommes à son domicile privé, un lieu de rencontre jugé « ubuesque » par le colonel Jérôme Richard de la gendarmerie, a décrit aux enquêteurs Claude Hermant comme une source régulière et fiable des RG. Claude Hermant s'était en juin 2014, épanché auprès de lui sur des difficultés qu'il disait rencontrer avec les Douanes... Épanchements que Philippe P. avait retranscrit dans un signalement à la DIPJ et qu'il analyse rétrospectivement comme une probable manipulation : « Je n'ai jamais, a-t-il notamment expliqué, considéré Claude Hermant comme un informateur au sens judiciaire du terme, mais comme un correspondant de mon service dans le domaine de l’extrême droite identitaire (…) Je connais bien Claude Hermant, et surtout son fonctionnement pour l'avoir, comme je vous l'ai indiqué, beaucoup fréquenté. (…) Je me suis forcément interrogé sur sa démarche. J'en arrive à me demander si ce n'était pas pour se prémunir de quelque chose. Je savais qu'il y avait des rumeurs sur des trafics d'armes impliquant Claude Hermant. Tout le monde sait que c’est sa passion et que c’est un spécialiste. »
Autant de relations - Philippe P. des RG et du CCPD ; ses officiers traitants de la gendarmerie ; Nicolas L. des douanes ; Jean-Paul D.S. de la PJ - que Claude Hermant a revendiqué lors de son interpellation et qu'il n'a pas hésité pour certaines d'entre-elles à activer lorsqu'il a appris l'arrestation de sa compagne. Interrogés, Jean-Paul D.S. expliquera qu'en effet Claude Hermant « l'avait contacté lorsqu'il avait su que la DIPJ de Lille le recherchait » tandis qu'une tentative de contact avec le douanier Nicolas L. est avérée.
D) De l'embrouille libanaise, en guise de conclusion provisoire.
Pour justifier ses fréquents contacts avec Claude Hermant et les éléments techniques rassemblés par la PJ, notamment les écoutes des mois de juin et juillet 2014, Sébastien Lemaire a expliqué qu'outre un intérêt éphémère pour le survivalisme, il fréquentait son ancien aviseur dans l'espoir d'obtenir des informations exploitables par son service, l'idée de réhabiliter ce dernier auprès des douanes n'étant d'ailleurs pas totalement exclue. Si tel avait été le cas « je serai devenu son officier traitant » a-t-il déclaré au magistrat instructeur.
Un proche de l’enquête nous a confirmé que la démarche n'était pas inconcevable. « Avec un gars comme Claude Hermant, les gendarmes avaient du travail pour 10 ans. Peut-être que les douanes ont voulu maintenir le contact officieusement. Lille est un village du point de vue policier. » Et effectivement, si Sébastien Lemaire avait introduit Claude Hermant auprès des gendarmes en mars 2013, en novembre 2014, c'est son collègue Nicolas L. qui l'introduit auprès de Jean Paul D.S., l'officier précédemment évoqué.
d1) Le "dossier M.B.Q.", ou comment des armes, remilitarisées en France, aboutiraient dans les villages chrétiens du nord Liban.
Deux histoires impliquant la communauté libanaise s'entrecroisent dans le récit de Sebastian Lemaire. Ce dernier, confronté aux accusations de Claude Hermant quant aux livraisons d'armes, accusations aggravées par les écoutes et les échanges de SMS interceptés par les policiers en mai, juin et juillet 2014, a expliqué qu'à cette époque il avait avec son ancien aviseur deux fers au feu : d'une part le règlement à l'amiable de tensions avec certains membres de la communauté chrétienne libanaise installée à Lille ; d'autre part l'organisation d'une rencontre entre Claude Hermant et un libanais, monsieur B.Q., un aviseur des douanes dont Sébastien Lemaire était le superviseur, installé à Paris dans le secteur de la cosmétique. L'idée était « de récupérer les contacts de M.Hermant, qu'il prétendait avoir en Belgique, dans le domaine de la contre-façon, dans le tabac et notamment le tabac à chicha. M.B.Q. était un aviseur répertorié. J'étais son agent traitant. Si M.Hermant avait donné ses contacts, cela m'aurait permis de le sortir directement du système car je n'avais pas confiance en lui. (…) M. Hermant n'a absolument pas plu à M.B.Q. et il m'a dit que, si c'était pour lui présenter des gens comme ça, il ne fallait pas que je le rappelle.» Le rendez-vous se serait très mal passé, l'aviseur de Sébastien Lemaire, à ses heures psychologue ayant jugé que Claude Hermant était un « pervers », « une baltringue » et un « cave ». Interpellé le 14 décembre 2015, M.B.Q. a confirmé la version de Sébastien Lemaire : il se serait déplacé à Lille en juin 2014 « dans le cadre d'une affaire de tabac à chicha volé à Anvers ». Sébastien Lemaire avait besoin de lui « pour proposer aux voleurs un coup d'achat », Claude Hermant étant le « tonton qui devait le mener à l'équipe.»
Claude Hermant quant à lui, a soutenu lors de confrontations dans le bureau du juge d'instruction que la rencontre avec M.B.Q,, avait pour objet un litige sur des armes démilitarisées, armes précédemment livrées par ses soins à Sébastien Lemaire et destinées à la « sécurisation des villages chrétiens du nord Liban. » M.B.Q se serait plaint des difficultés rencontrées par ses hommes pour remilitariser l'arsenal et en aurait exigé le remboursement... Étranges chrétiens du nord Liban réduits à importer un arsenal neutralisé, de mauvaise qualité, dans une région regorgeant littéralement d'armes de guerre...
d2) Réunion au somment au club privé "La Renardière".
Concernant ensuite les tensions entre Sébastien Lemaire et un clan libanais bien installé dans la restauration et la nuit lilloise - un réseau a priori totalement indépendant de M.B.Q. - l'histoire raconte que le douanier a été pris à partie, assez virilement, par un proche des milieux phalangistes semble-t-il décidé à reprendre la direction locale de la droite nationaliste révolutionnaire. Il aurait été demandé au fonctionnaire de lever le pied sur des enquêtes douanières impliquant des militants notoires de l'ultra-droite, pour certains et parmi les plus célèbres, informateurs de la PJ. Un détail qui vérifie l'adage « croisez 4 militants nationalistes, vous saluerez 3 informateurs de police ». Claude Hermant fréquentant le milieu des expatriés libanais, Sébastien Lemaire s'est tourné vers lui.
Une rencontre a été organisée entre Claude Hermant, Sébastien Lemaire, accompagné de son collègue Nicolas L. et le patriarche de la communauté libanaise, Joseph S., dit le père Joseph, un octogénaire décédé à la fin du printemps 2015. L'avocat de Claude Hermant, Maxime Moulin, était également présent à ce rendez-vous.
Nous sommes en juin-juillet 2014. Un deal aurait été passé. Le libanais renonçait à la direction de l’extrême droite locale (en cours de restructuration sur les cendres de Troisième Voie - JNR via des clubs de motards, titre II) tandis qu'un échange de bons procédés devait permettre aux douanes d'obtenir des informations sur un trafic d'armes ou de stupéfiants, la préférence des douaniers allant bien entendu aux stupéfiants, leur domaine de prédilection. De leur coté, les douanes auraient laissé entendre qu'elles pourraient intervenir dans le règlement de problèmes fiscaux. Maître Moulin, sollicité par le père Joseph pour des affaires de nature civile, a quant à lui refusé de révéler le contenu des discussions auxquelles il aurait pu participer.
L'accord conclu n'aurait débouché sur rien de concret, mais telle est l'histoire qu'une source proche du dossier nous a raconté, après que nous l'ayons sollicitée pour éclaircir des passages ambigus de l'ORT relatifs à ces deux événements, ambigus précisément parce que le document fusionne partiellement des récits en réalité distincts. D'une part l'histoire de M.B.Q., d'autre part, l'histoire de La renardière, du nom du club où s'est tenue cette réunion au sommet.
Claude Hermant a semé ici, volontairement, une confusion qui mériterait d'être démêlée, d'autant qu'il a longtemps accusé Sébastien Lemaire d'avoir été le récipiendaire d'une quarantaine d'armes rackettées au détriment d'Antoine Denevi, un arsenal dont la ventilation a varié tout au long de la procédure.
Derrière ces mensonges et demi-vérités de Claude Hermant se dissimule probablement une branche importante de la clientèle Seth Outdoor, beaucoup plus politique que les clients originaires du « boulevard de Metz » ou des banlieues roubaisiennes renvoyés sur le banc des accusés.
Le ministère public ayant fait appel, en octobre 2017, des condamnations de Claude Hermant, Aurore Joly, Samir Ladjali et Sébastien Lemaire, une seconde juridiction aura de nouveau la lourde tâche de se pencher sur l'affaire, cette fois épurée de ses seconds rôles.
A suivre...
Alexis Kropotkine pour le Greffier Noir, le 8 juin 2018.
Je remercie Virginie Ikky. Sans son soutien et son aide, cet article n'aurait jamais été écrit.
Merci à "M.Naudin" et bien sûr "J. de M." pour les relectures.
Annexe) quelques liens vers d'autres articles du Greffier Noir :
Contact : alexis.kropotkine[chez]gmail.com & greffiernoir[chez]gmail.com
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