Russel Williams, le colonel fétichiste
Par Virginie Ikky,
Le 26 mars 2011
Aux côtés de Paul Bernardo, avec qui il est incarcéré dans le même établissement pénitentiaire, figure au "panthéon" des criminels canadiens le colonel Russel Williams. Tous deux s'illustrent particulièrement dans la perversité et partagent un point commun notable : une façade sociale insoupçonnable, qui va leur permettre de sévir longtemps. Ils s'étaient d'ailleurs vaguement liés d'amitié puisque Bernardo et Williams se sont connus alors que les deux futurs serial killers étudiaient l’économie dans la même université dans les années 80, et ils obtinrent leurs diplômes la même année. Russel Williams portait alors le nom de Sovka. Ils ont même été voisins...et le sont aujourd'hui encore, peut-être pour toujours.
Natif de la région de Midlands en Angleterre, Russell Williams est un jeune homme bien sous tous rapports, qui, adolescent fréquente l’UPPER Canada College, une école d’élite privée à Toronto. Williams s'enrôle en 1987 dans l'armée, après être sorti de l'université de Toronto avec un diplôme en économie et sciences politiques. Il reçoit ses ailes de pilote en 90, et est muté à la 3ème école d'entraînement de vol des Forces Canadiennes où il sert pendant 2 ans comme instructeur. Promu capitaine en 92, Major en 99, Williams est un pilote très respecté et sera notamment chargé du transport des dignitaires, à bord de l'avion Challenger. Il pilota de longues années le CC-144 Challenger, l’avion utilisé par la reine d’Angleterre lorsqu’elle était en visite au Canada. Il obtient une Maîtrise en Études Militaires en 2005, avec une thèse de 55 pages qui défendait la guerre en Irak, après quoi il reçoit le grade de Colonel et fut nommé commandant du 437ème Escadron de Transport Husky.
En 2005 et 2006, Williams commande également le Camp Mirage, une base secrète située aux Emirats Arabes Unis et où se déroulent les opérations de soutien à la mission canadienne en Afghanistan. Gravissant sans faille les échelons de l'armée, Russell Williams se retrouve promu au titre de colonel des forces armées canadiennes en 2009, et prend le commandement de la base aérienne de Trenton. Sa carrière professionnelle lui a permis de rencontrer de hauts responsables politiques, d’être cité dans de nombreux articles concernant la guerre en Afghanistan, et d’oeuvrer en Haïti suite au tremblement de terre de janvier 2009. Williams est au plus haut de la hiérarchie militaire mais cache de très vilains secrets.
Williams a en effet commencé sa carrière de délinquant sexuel en s’introduisant par effraction chez ses victimes, afin d’y dérober au total près d’une centaine de sous-vêtements féminins, appartenant tant à des femmes adultes qu’adolescentes. La dérive psychologique de Williams l’amène également à se photographier vêtu de cette lingerie féminine, et en se masturbant sur le lit d’adolescentes. Des photos de ses exploits sont disponibles en quantité sur internet et font la joie des commentateurs. Elles sont effectivement proprement hallucinantes. Après avoir agressé sexuellement deux femmes dans leur maison de Tweed, il passe au meurtre. Le 25 novembre 2009, la caporale Marie-France Comeau est retrouvée violée et assassinée dans sa résidence de Brighton en Ontario.
Marie-France Comeau travaillait comme hôtesse de l’air sur un vol militaire. Williams savait qu’elle vivait seule et quel était son horaire de travail. Plusieurs jours avant le meurtre, il entra par effraction dans sa maison et pris 18 clichés de lui-même, portant la lingerie de la jeune femme et se tenant à côté de son uniforme fraîchement repassé. Le soir du 23 novembre 2009, il gara sa voiture à proximité de la maison de Comeau et plaça sur écoute son téléphone, grâce à un instrument ultrasensible, propriété de l’armée du Canada. Il pénétra dans le domicile par une fenêtre du sous-sol et maîtrisa la jeune femme après un combat acharné. Il la frappa, à plusieurs reprises, avec une torche, lui faisant presque perdre connaissance, la ligota et tira les rideaux sur toutes les fenêtres. Pendant près de cinq heures, il prit en photo et filma l’agonie du caporal Comeau. Quelques minutes plus tard, il lui recouvrit le visage d’une bande collante, s’assit face à elle et l’observa dépérir, par asphyxie. Après le meurtre, il lava ses draps avant de partir directement pour une réunion avec de hauts responsables militaires à Ottawa. Plus tard, il signa une lettre de condoléances adressée au nom de l’armée canadienne au père de sa victime, un homme ayant servi 45 ans sous les drapeaux.
Puis s’ensuivra le meurtre de Jessica Lloyd, le 28 janvier 2010. Williams a observé Lloyd pour la première fois par une fenêtre de son sous-sol alors qu’elle courait sur un tapis de jogging. Il s’est introduit dans la résidence de Lloyd par la fenêtre de la cuisine, le soir du 27 janvier 2010, et l’a surpris dans sa chambre à coucher. Williams lui a attaché les mains dans le dos et prenait des images d’elle portant chaque fois moins de vêtements. Jessica Lloyd obéit à Williams dans l'espoir de le frustrer et de lui couper son excitation. Mais Jessica Lloyd fut ensuite violée pendant plusieurs heures par Williams qui la tue le lendemain à coup de lampe de poche et par étranglement avec une corde. Il se débarrasse du corps le long d’un chemin situé à l’extérieur de la municipalité de Tweed.
Par chance, les enquêteurs identifient des traces de pneus laissées dans la neige près de la résidence de Lloyd. En effet, une semaine après sa disparition, la police provinciale de l'Ontario enquête auprès des automobilistes de l'autoroute près de sa maison, dans l'espoir d'identifier le véhicule utilisé. L'opération est un succès, car un officier reconnait les pneus de la Nissan Pathfinder du colonel Williams. Le 7 février 2010, Williams est arrêté dans l'ouest de Quinte. Williams apparaissait détendu et souriant à la caméra lors de l’interrogatoire mené par un détective de la police provinciale de l’Ontario.
Dans la vidéo de l'interrogatoire, le colonel Russell déclinait l’offre des services d’un avocat, et éclatait de rire, ajoutant qu’il n’avait jamais vécu un interrogatoire. Mais plus l’interrogatoire avançait, plus l’accusé semblait comprendre que le piège des enquêteurs se refermait, implacable. Il apprit, notamment, que les traces des pneus de son véhicule ainsi que celles de ses bottes concordaient avec celles laissées près de la scène du meurtre de Jessica Lloyd. Confrontée à des preuves le reliant aux sordides agressions sexuelles et aux meurtres, Williams passa aux aveux, plus de quatre heures après le début de l’interrogatoire.
Russell Williams admit le viol et le meurtre de Jessica Lloyd et de la caporale Marie-France Comeau, puis détailla ses crimes. Il demanda au sergent détective de lui déployer une carte pour lui montrer où se trouvait le corps de Jessica Lloyd. Lorsque le policier lui demanda comment il éprouvait sa geste criminelle, Williams répondit « je suis déçu ». Il n’avait aucun remords, mais s’inquiétait des conséquences dommageables de ses actes quant à la sérénité de sa femme. En larmes, il chercha désespérément à protéger la maison de son épouse contre une fouille policière. Visiblement inquiet à l’idée que la police mette tout sens dessus dessous afin de trouver des preuves, les photos notamment, Williams indiqua à quel point sa femme était attachée à leur nouvelle résidence d’Ottawa.
Après une interrogatoire de neuf heures durant lequel il confesse tous ses crimes, il amène les enquêteurs à la dépouille de sa victime. Le colonel est aussi accusé du meurtre de la caporale Marie-France Comeau. En plus des accusations d'homicides, Williams est accusé d'effraction à domicile, de séquestration, et d'agressions sexuelles sur deux autres femmes près de Tweed, toujours en Ontario. Quelques heures à peine après l'annonce de l'arrestation de Williams, des services de police à travers le pays ont rouvert des dossiers d'homicides non-résolus impliquant des jeunes femmes dans les endroits où Williams avait résidé, dans l'espoir de le relier à ces crimes.
Le 21 octobre 2010, Williams est condamné a deux peines de prison à vie pour meurtres au premier degré, deux sentences de 10 ans de prison pour agressions sexuelles, et 82 sentences d'un an de prison pour cambriolage. Toutes les sentences seront purgées en parallèle et Williams ne pourra pas demander de libération conditionnelle avant 25 ans. Williams purgera sa peine au pénitencier fédéral de Kingston, en Ontario, à quelques encablures de son ancien camarade de promo Paul Bernardo. En novembre 2010, les Forces canadiennes brûlent l'uniforme de Williams. Le lieutenant général Deschamps a indiqué que bien que Williams se verra dépouillé de ses médailles, l’armée ne peut révoquer sa pension. Elle récupérera, par contre, le salaire versé à l’ancien commandant de la base aérienne de Trenton pendant sa détention préventive, une somme estimée à 12 000 $ par mois.
Virginie IKKY pour Greffier Noir
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