L'attentat d'Oklahoma City - la réponse de l'amérique profonde à Waco
Par Virginie Ikky,
Le 17 avril 2010
Le 19 avril 1995, un sympathisant du mouvement des miliciens nommé Timothy McVeigh, avec la complicité de Terry Nichols, détruisit à l'explosif le bâtiment fédéral Alfred P. Murrah dans le centre-ville d'Oklahoma City. Ce fut l'acte terroriste le plus important aux USA jusqu'aux attentats du 11 septembre 2001, avec la mort de 168 personnes et plus de 680 blessés. L'explosion a détruit ou endommagé 324 bâtiments dans un rayon de seize km et souffla les vitres de 258 bâtiments, La bombe a causé au moins 652 millions de dollars de dégâts.
9h02 heure locale, le mercredi 19 avril 1995, sur la rue en face du bâtiment fédéral Alfred P. Murrah, un camion de location contenant environ 2300 kg d'explosifs explose. La bombe est composée de nitrate d'ammonium, un fertilisant agricole, et de nitroméhane, un carburant utilisé pour la course. Les effets de l'explosion sont ressentis jusque Bridge Creek, pourtant distant d'une trentaine de kilomètres Les effets de l'attentat furent immenses. Au-delà du bilan des victimes s'élevant à 168 morts (dont 19 enfants et un secouriste), la bombe blessa plus de 800 personnes (souffrant pour la plupart de coupures, de fractures et de brûlures graves) et détruisit ou endommagea gravement plus de 300 bâtiments dans la zone alentour, laissant plusieurs milliers de personnes sans maison et provoquant la fermeture de bureaux dans le centre-ville d'Oklahoma City. Selon certaines estimations, plus du tiers des 500.000 habitants de la ville connaissait une victime ou un blessé dans l'attentat.
Plus de 12.000 personnes participent aux opérations de secours les jours suivant l'explosion, et beaucoup d'entre eux développent un syndrome de choc post-traumatique à la suite de ces opérations. Bien que tous les hôpitaux de la région prirent en charge des victimes de l'attentat, la majorité fut transférées vers le St. Anthony Hospital, l'établissement le plus proche de la zone de l'explosion. La réponse humanitaire, nationale et internationale, fut immédiate et massive, de même que la réponse médiatique. La région fut envahie par des secouristes et des bénévoles de tout le pays, ainsi que par des centaines de camions de reportage venus couvrir l'événement. Dans le sillage de l'attentat, des écoles du pays furent fermées. Les médias nationaux s'était emparés du fait que 19 des victimes étaient des enfants, présents dans la garderie du bâtiment. Une photo du pompier Chris Fields dégageant le nourrisson Baylee Almon (qui mourut plus tard dans un hôpital proche) des gravats fut publiée dans le monde entier et devint rapidement un symbole de la tragédie.
Moins d'une heure après l'explosion, Timothy McVeigh, un vétéran de la Guerre du Golfe, est arrêté alors qu'il roule vers le nord, sortant d'Oklahoma City, après avoir été interpellé pour conduite sans plaques d'immatriculation. Les preuves collectées par la police scientifique ont lié rapidement McVeigh et Nichols à l'attentat. Michael et Lori Fortier ont été identifiés plus tard comme des complices.
L'enquête officielle a été l'époque la plus grande enquête criminelle de l'histoire américaine avec plus 28 000 témoignages recueillis par le FBI, plus de 3,2 tonnes de preuves et la collecte de près d'un milliard d'éléments. Les poseurs de bombes ont été jugés et condamnés en 1997. McVeigh a été exécuté par injection létale le 11 juin 2001 et Nichols a été condamné à la prison perpétuité. Michael et Lori Fortier témoigneront contre McVeigh et Nichols. Michael a été condamné à douze ans de prison pour avoir omis d'avertir le gouvernement américain et Lori bénéficia d'une immunité contre les poursuites en échange de son témoignage. Comme lors d'autres importants attentats terroristes, les théories du complot contestent les conclusions officielles.
A la suite de l'attentat, le gouvernement américain a adopté une législation visant à prévenir de futures attaques terroristes en renforçant la protection autour des bâtiments fédéraux. De 1995 à 2005, plus de 60 attentats sur le sol américain ont été déjoués grâce aux mesures préventives. Le 19 avril 2000, l'Oklahoma City National Memorial a été inauguré sur le site de l'ancien bâtiment pour commémorer les victimes de l'attentat.
Peu après l'attentat, le président Bill Clinton critiqua les animateurs des émissions de talk show. Clinton ne mentionna aucun nom, mais distingua un conservateur, G. Gordon Liddy qui avait demandé à ses auditeurs de tirer sur les agents de l'ATF qui entraient chez eux par effraction dans la tête plutôt que dans la poitrine, protégée par un gilet pare-balle . Car l'attentat avait été commis par des nationaux et mettait en lumière toute une population, miliciens, néo-nazis, pro-armes...particulièrement remontée contre l'état fédéral et dont McVeigh était issu.
Au procès de Timothy McVeigh, le gouvernement des états-Unis affirma que la motivation de l'accusé était de venger la mort des Davidiens, près de Waco, et de Ruby Ridge. McVeigh rendait responsable les agents fédéraux de ces deux actions policières aux conséquences catastrophiques. Il présenta les victimes de son acte comme des dommages collatéraux et compara l'attentat aux actions militaires auxquelles il avait participé durant la guerre du golfe. L'attentat eut lieu le jour du deuxième anniversaire de l'assaut du ranch des Davidiens à Waco (Texas). McVeigh est soupçonné de s'être inspiré d'un roman, Les carnets de Turner, livre qui contient un élément similaire, retrouvé avec lui lors de son arrestation. Certains ont suggéré que la date de l'attentat coïncidait avec le début de la guerre révolutionnaire américaine, et que le lendemain était le jour du 106e anniversaire de la naissance d'Adolf Hitler (le 20 avril).
Timothy McVeigh n'a cependant quasiment pas parlé durant son procès et n'a pas cillé quand le juge a lu le verdict du jury qui l'a déclaré coupable de l'attentat le plus sanglant de l'histoire américaine. Jamais il n'a donné sa version des faits, la moindre explication de son acte, exprimé le moindre regret, ni même protesté de son innocence.
Tim McVeigh est né en 1968 à Lockport. Ses anciens professeurs et condisciples au lycée de Starpoint High, Lockport (Etat de New York), sont unanimes: le jeune McVeigh était un bon élève, sociable, aux intérêts variés. Y compris pour les armes feu, certes, mais cela n'est pas vraiment remarquable chez un adolescent d'une famille ouvrière aux Etats-Unis. Certains de ses camarades de classe se souviennent aussi l'avoir entendu se vanter de stocker provisions et munitions pour se préparer en cas d'attaque nucléaire ou d'invasion des communistes. Mais c'était une paranoïa partagée par des millions d'autres Américains patriotes.
Engagé volontaire en 1988, le sergent McVeigh était un soldat remarquable selon le capitaine Jesus Angel Rodriguez, sous les ordres duquel McVeigh a servi en 1991 pendant la guerre du Golfe, gagnant ses galons de sergent, l'Etoile de bronze et plusieurs autres décorations. C'est sous l'uniforme que McVeigh a découvert la bible du courant néonazie, les Carnets de Turner, le roman de politique-fiction écrit par William Pierce en 1978, publié sous le pseudo d'Andrew Mc Donald, qui décrit la destruction du QG du FBI à Washington par un camion piégé rempli d'explosifs.
En 1974, cette personnalité de la politique nord-américaine de l'ombre fonda la National Alliance, un groupuscule nationaliste radical peu avare de témoignages de sympathie envers le nazisme d'Adolf Hitler. Cette alliance nationale existe toujours de nos jours pour défendre la «race blanche».Le roman relate l'histoire d'un «résistant blanc», Earl Turner, dans un pays sous la coupe du multiculturalisme. Turner, un ingénieur électricien sans histoire, va pourtant un jour prendre les armes contre le gouvernement américain vendu au «cosmopolitisme». C'est sa haine de l'oligarchie et de la démocratie qui sera le moteur de sa croisade contre les ennemis désignés de l'«Amérique blanche» : les progressistes, les Noirs et les Juifs. La guerre d'Earl Turner sera totale. Terroriste et sans pitié, ce voyage au cœur de la guerre ethnique est guidé par le journal de bord de ce Turner.
Le roman politique de Pierce est devenu depuis la référence des militants de base du néonazisme et de l'antisémitisme nord-américain. Il a été vendu à plus de 500.000 exemplaires. Plus qu'une histoire romancée, il est considéré comme un «Manuel de survie» à l'invasion étrangère du sol national américain sous le contrôle des Juifs. Tous les adeptes du «terrorisme noir» utilisent «The Turner Diaries» comme référence pour endoctriner les futurs guerriers blancs de la lutte armée. L'extrême droite des USA n'est pas la seule du globe à avoir pris pour argent comptant l'histoire d'Earl Turner. Même si ce livre a été interdit dans de nombreux pays.
Après avoir servi dans les Forces spéciales et quitté l'armée, fin 1991, Tim McVeigh s'est enfoncé de plus en plus profondément dans la sous-culture marginale de l'extrême droite, sous l'influence peut-être de Terry Nichols, qui flirtait l'époque avec la milice du Michigan, une de ces organisations paramilitaires semi-clandestines. Les lettres et témoignages apportés lors du procès par sa petite soeur Jennifer et ses amis ont prouvé sa radicalisation rapide après l’assaut de la police fédérale contre la secte des Davidiens Waco (Texas), le 19 avril 1993, qui avait fait plus de 80 morts. Il avait alors confié à Jennifer que seules les milices armées peuvent désormais défendre le peuple contre des SS ivres de pouvoir. Il disait avoir dépassé le stade de la propagande pour passer celui de l'action directe. Le siège des Davidiens par les ATF eut un retentissement énorme dans la nébuleuse milicienne aux USA. Dans les milieux des groupes paramilitaires et antigouvernementaux d'extrême droite qui fleurissent dans l'Amérique profonde, le «massacre» est érigé en symbole de l'oppression d'un gouvernement liberticide, tout comme celui de Ruby Ridge en 1992. Les Davidiens ont en effet été assiégés et massacrés sur initiative des ATF, l'agence de contrôle des armes, autant dire l'ennemi public numéro 1 des mouvements pro-armes aux USA. La vue en direct du siège à la télé et sa fin tragique vont coïncider avec une expansion jamais vue des milices aux USA, notamment la milice du Michigan, fréquentée par McVeigh.
Les milices sont implantées dans principalement vingt États, de la Pennsylvanie à la Californie. Une grande partie est concentrée au nord-ouest du Pacifique, dans les cinq États suivants : Idaho, Oregon, Montana, Washington et Wyoming. Comportant quelques-unes des plus spectaculaires beautés naturelles de l'Amérique, ces cinq États ont un intérêt particulier pour l'extrême droite. Ils sont ce que l'extrême droite appelle la « solution des 10% » ; en d'autres termes, ces cinq États, constituant 10% des cinquante États qui composent l'Union, sont revendiqués comme un « pays blanc » pour la population « aryenne » américaine. Bien évidemment, ils sont les cinq États qui ont le plus faible mélange ethnique de tous les États-Unis : seulement 5% des habitants de ces États peuvent être considérés comme une « minorité ».
L'Idaho est le lieu où est basé Aryan Nations, l'organisation néo-nazie quasi religieuse du pasteur auto-proclamé Richard Butler. C'est aussi dans cet État que l'ex-paramilitaire Bo Gritz, un proche collègue du membre du KKK David Duke, a monté une communauté survivalist appelée Almost Heaven. Robert Jay Matthews s'est basé juste de l'autre côté des frontières de l'État, à Washington, et a fondé la plus meurtrière des organisations terroristes néo-nazies qu'ait jamais vue l'Amérique : The Order, qui est responsable de plusieurs vols importants de lingots d'or, de nombreux meurtres dont celui de l'animateur de radio Alan Berg, et d'une bataille à mort avec la police ; après, le groupe a été pris dans une rafle. L'Oregon a été le foyer de quelques-uns des gangs aryens les plus violents de l'histoire américaine.
La milice du Montana a été fondée par deux frères (John et David Trochmann) et a recruté des centaines de supporters. Les frères Trochmann sont des héros du mouvement des milices qui est connecté au niveau national sur Internet et aux radios à ondes courtes. Ils insistent sur le fait que le contrôle de l'armement signifie « le contrôle du peuple », et sur le fait que cela constitue une large partie d'un programme gouvernemental plus large. Les connections avec l'extrême droite sont solides, et le fascisme est le cœur de l'idéologie sous-jacente du mouvement. John Trochmann a déjà été invité par l'Aryan Nations de Richard Butler, et il a encore parlé à leur congrès en 1990. En 1992, il a été impliqué dans l'incident Weaver. Randy Weaver était un suprémaciste blanc de l'Idaho qui a refusé de se rendre au FBI sous la menace ; il s'est finalement rendu une fois que sa femme et son fils ont été tués lors de tirs des tireurs d'élite du FBI. Le cas Weaver est considéré par de nombreux membres des milices comme une preuve que le gouvernement veut soumettre le « peuple » en le désarmant et en le renversant. La Michigan Militia fréquentée par Mc Veigh est devenue fameuse pour l'apparition d'un de ses membres dans le film de Mickael Moore, Bowling for Columbine. Cette milice fondée en 1994 par Norman Olson a cependant été mise hors de cause par le FBI, qui a déclaré qu'elle n'avait aucune implication dans l'attentat.Aujourd'hui, avec l'arrivée au plus haut de l'état d'un noir, le gouvernement américain est plus que jamais sur les dents avec ses groupements protégés par la constitution. L'enquête sur l'attentat en lui-même, va rebondir en 2005 avec des révélations de Nichols sur un troisième homme.
Michael Moore - Bowling For Colombine 1 sur 6
envoyé par cowboy_qui_crie.
Terry Nichols, qui purge une peine de prison perpétuité dans un pénitencier du Colorado pour sa participation à l'attentat a affirmé dans une lettre adressée à Mme Kathy Sanders, qui avait perdu deux petits-enfants dans l'explosion, que, contrairement la thèse habituellement répandue, il y aurait eu un troisième homme.
La lettre de M. Nichols a été reproduite mercredi 4 mai2005 dans le quotidien Los Angeles Times. Selon les allégations de M. Nichols, outre Timothy McVeigh, la conspiration aurait inclus une troisième personne, M. Roger Moore, collectionneur d'armes résidant au Kansas, qui aurait fourni divers explosifs chimiques et divers autres composants ayant servi dans la camionnette piégée que M. McVeigh avait garée devant l'Alfred P. Murrah Building. M. Moore, aujourd'hui âgé de 70 ans est en effet un sérieux candidat mais est éloigné du commerce des armes et se consacrerait aujourd'hui l'élevage de chevaux, de canards, d'oies et de poulets dans un ranch situé Roseland, en Floride. Il a démenti le jour même, dans un entretien téléphonique avec un journaliste, avoir eu le moindre lien avec les conspirateurs. En mars 2001, la chaine FOX NEWS faisait un sujet sur un lien possible entre l'attentat et Oussama Ben Laden.
Bien qu'un responsable du FBI ait mis en doute la crédibilité des affirmations de M. Nichols, The Guardian semble penser que l'on pourrait s'acheminer vers une réouverture de l'enquête. Par ailleurs, on peut rappeler que, depuis dix ans, diverses rumeurs reviennent périodiquement, essayant d'accréditer sans preuve jusqu'ici l'idée d'une conspiration de grande ampleur, impliquant jusqu'à des officiels de rangs divers.
Après deux ans d'enquête, une commission parlementaire américaine sur l'attentat d'Oklahoma City estime que le FBI n'a pas suffisamment approfondi la question d'éventuels complices de Timothy McVeigh et Terry Nichols. Pour la commission, il ne fait aucun doute que McVeigh et Nichols sont les principaux auteurs de l'attentat. Elle révèle que Nichols a pour la première fois confirmé aux enquêteurs de la Chambre des représentants avoir participé au cambriolage d'un vendeurs d'armes de l'Arkansas qui avait permis d'obtenir les produits nécessaires l'attaque. Ce vol soulevait de nombreuses questions parce que le FBI avait établi que Timothy McVeigh se trouvait dans un autre Etat au moment des faits. Le rapport accuse également le FBI de ne pas avoir été suffisamment curieux pour enquêter sur des informations selon lesquelles des ressortissants étrangers ou américains auraient eu des contacts avec les deux hommes et auraient pu les aider. Mais ses mots les plus durs, la commission les réserve au ministère de la Justice, accusé de ne pas avoir apporté son soutien actif l'enquête.
Ainsi, le rapport affirme que le FBI n'a pas suffisamment enquêté sur les pistes suggérant que d'autres suspects auraient pu apporter leur aide à Timothy McVeigh et Terry Nichols avant l'attentat. Il souligne que l'insuffisance du bureau a été démontré il y a deux ans lorsque des preuves néligées pendant dix ans ont été découvertes dans une maison liée à Nichols et fouillée à plusieurs reprises. Il note également que McVeigh avait été pris en faute lors de son passage au détecteur de mensonges quand on lui avait demandé si d'autres auteurs étaient impliqués. L'enquête sera dès lors sans doute réouverte un jour.
Virginie IKKY pour Greffier Noir
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