Ramzi Ahmed Yousef, l'attentat contre le World Trade Center, le 26 février 1993.
Par Virginie Ikky,
le 7 janvier 2016.
Le 26 février 1993, une bombe explose dans les sous-sols du World Trade Center. Cet attentat est le prélude d'une vague de terrorisme islamiste international, qui va monter en puissance au fur et à mesure des années, avant de déferler sur les écrans du monde entier, le 11 septembre 2001. Un mouvement largement initié et entrainé par l’État même victime de ces opérations, les USA, qui par le biais de la CIA et des services pakistanais ont soutenu les combattants de la liberté dans le conflit afghan à la fin des années 70. Une fois l'ennemi communiste retiré d'Afghanistan, ces combattants de Dieu se sont retournés contre leur mentor américain.
Novembre 1990, un fondamentaliste égyptien, El Sayyid Nosair, assassine Meir Kahane, une figure de la droite israélienne, fondateur de la Jewhish Defense League, à Manhattan. El Sayyid Nosair est un disciple du cheikh aveugle, Omar Abdel Rahman, un imam sunnite dirigeant la Gamaa al-Islamiya, aux prises avec le pouvoir égyptien et soupçonné d'avoir participé à l'assassinat d'Anouar El-Sadate, président de la république égyptienne, et prix Nobel de la paix pour son implication dans les accords de Camp David, très mal reçus dans le monde arabe. En 1981, Sadate avait lancé une vague d'arrestations notamment dans les milieux islamistes, qui causèrent sa perte. Il est assassiné le 6 octobre 1981 lors d'une parade militaire.
Vers la fin des années 1980, le cheikh aveugle s'échappe de sa résidence surveillée en Egypte et effectue plusieurs séjours aux États-Unis, au Centre Al-Kifah et à la mosquée Al Farooq à New York, à l'aide de visas fournis par la CIA. L'organisation a en effet ouvert un bureau nommé « Al Kifah refugee center » dont le papier à en-tête en arabe disait : « Bureau de services pour les combattants de la Guerre Sainte ». Le centre est destiné à accueillir les islamistes étrangers, qui vont ainsi pouvoir s'établir tranquillement sur le sol américain, faire leur propagande, organiser des congrès et récolter des fonds (1).
En avril et mai 1989 les autorités américaines rencontrent secrètement des adeptes du Cheikh aveugle en Egypte. Les archives de ces réunions portent la signature de Frank Wisner - l'ambassadeur américain en Égypte. Un an plus tard, le cheikh aveugle s'établit définitivement à New York avec la bénédiction des autorités américaines et va prêcher sur le sol américain le Djihad contre les juifs et les croisés.
Lors de la perquisition de l’appartement de Nosair dans le New Jersey, la police découvre des dizaines de plans de fabrication de bombes, des documents liés au terrorisme, ainsi que des manuels du centre de formation des forces spéciales de Fort Bragg en Caroline du Nord, des mémos classifiés du Comité des chefs d’état-major interarmées et 1 440 munitions. Ces documents ont été fournis par Ali Mohamed, un agent infiltré d’Al-Qaïda sur le territoire américain, égyptien lui aussi et membre des forces spéciales égyptiennes.
Démis de ses fonctions en Égypte en raison de ses opinions islamistes, Ali Mohamed va mener des opérations de renseignement pour Ayman al-Zawahiri, futur cadre d’Al-Qaïda, opérations consistant notamment à proposer ses services au bureau du Caire de la CIA. En dépit des avertissements du renseignement égyptien, la CIA va recruter Ali Mohamed pour infiltrer le Hezbollah en Allemagne. En 1985, Ali Mohamed arrive sans difficultés sur le territoire américain, se marie rapidement avec une américaine et entre dans l'armée, où il intègre la base de Fort Bragg. Vers 1989, Ali Mohamed fera des allers-retours entre Fort Bragg et New-York pour former de futurs recrues. Il sera même filmé par une équipe du FBI en train d'exercer ses élèves au tir à l'AK47, dont El Sayyid Nosair. Les autorités n'interviennent pas.
6 mois après l’arrestation de Nosair, les visas du cheikh aveugle sont révoqués mais il n'est pas expulsé. Quelques mois plus tard, l'imam de la mosquée Farooq est assassiné ; Rahman en prend le contrôle.
En novembre 1991, le procès de Nosair devient le point de ralliement des fondamentalistes locaux qui l'ont érigé en martyr. Parmi eux, un égyptien, Emad Salem, informateur du FBI, en lien avec les services secrets égyptiens, chargé d'infiltrer l'entourage du cheikh. En décembre 91, le jury rend un verdict qualifié de "bizarre", acquittant Nosair de l'assassinat mais le déclarant coupable d'infractions mineures pour lesquelles il encourt une peine de 8 à 22 ans de prison. Nosair garde le soutien d'une communauté très mobilisée qui organise des trajets en autobus jusque la prison d'Attica pour lui rendre visite, toujours en compagnie de l'informateur du FBI, Salem, qui va jouer le rôle d'agent provocateur en encourageant Nosair à se venger et à fomenter des attentats depuis sa cellule, à l'encontre notamment du juge l'ayant condamné, et de cibles juives.
L'équipe recrute un palestinien, Mohammad Salameh, issu d'une longue lignée de résistants armés. Son grand-père maternel a combattu en 1936 lors de la révolte arabe contre la domination britannique en Palestine, puis a rejoint l'OLP avant d'être emprisonné par les Israéliens. Un oncle maternel a été arrêté en 1968 pour terrorisme et a purgé dix-huit ans de prison, avant de s'engager dans une unité irakienne de l'OLP. Malgré ce pedigree, Salameh est loin d'être professionnel puisqu'immédiatement après avoir été recruté, en juin 92, il va passer une longue liste d'appels à son oncle en Irak, conversations au cours desquelles il semble très probable qu'il ait parlé du projet d'attentat. Un tel nombre d'appels vers l'Irak était bien évidemment susceptible d'attirer l'attention sur une cellule, déjà infiltrée par une taupe du FBI. Cependant, quoi que le projet d'attentat soit en bonne voie, le FBI se désintéresse de son informateur, Emad Salem, et rompt ses relations avec lui au début de juillet 92, soit juste avant l'arrivée du personnage clef, Ramzi Yousef, vraisemblablement recruté par Ali Mohamed dans un camp d'entrainement d'Al-Qaïda.
Ramzi Yousef, aussi connu sous les noms d'Abdul Basit, de Dr Paul Vijay, Dr Adel Sabah, Muhammud Azan, Rashid Rashid, Kamal Ibrahim parmi beaucoup d'autres pseudonymes, arrive sur le sol américain le 1er septembre 1992. Son oncle, Khalid Shaikh Mohammed Ali Fadden, sera plus tard considéré comme le principal architecte des attentats du 11 septembre 2001. Yousef atterrit sur le territoire américain le 1er septembre 1992 d'un vol en provenance du Pakistan qui transporte également son complice Ahmed Ajaj, porteur d'un passeport suédois falsifié, dont le mauvais état va attirer l’attention des services d’immigration à l’aéroport JFK. Yousef arrive lui à passer et demande l’asile politique à l'aide d'un faux passeport irakien. Il est brièvement détenu pour entrée illégale sur le territoire américain. Mais en raison de la surpopulation dans les cellules de rétention de l'INS, Yousef est libéré en attendant l'audience sur sa demande d'asile.
La vie passée de Ramzi Yousef semble pourtant éloignée du fondamentalisme musulman. Il a en effet vécu à Manille, avait une petite amie philippine et profitait de la vie nocturne et débridée de la ville. Yousef est un Baloutche, un groupe ethnique du Moyen-Orient. Les baloutches vivent dans l'est de l'Iran et l'ouest du Pakistan en terrain inhospitalier sur lequel ni Téhéran ni Islamabad n'exercent beaucoup de contrôle. Le Baloutchistan est un paradis pour la contrebande, drogue et armes. Les Baloutches sont sunnites et proches de l'Irak, pays laïc.
Dès qu'il est libéré, Yousef emménage dans un appartement à Jersey City et prend contact avec les militants basés à New York. Il parvient également à communiquer avec Ajaj, toujours détenu mais qui participera tout de même à la planification de l'attentat depuis sa cellule. L'objectif initial de Ramzi Yousef était de frapper simultanément plusieurs quartiers juifs de Brooklyn. Il a finalement décidé de fomenter une seule explosion contre le World Trade Center.
Yousef s'installe chez Moussab Yasin, un Irakien vivant à Jersey City, frère d'Abdul Rahman Yasin, ancien voisin de Mohammad Salameh. Le 3 novembre 1992, Ramzi Yousef commence la confection de la bombe du World Trade Center, comme en atteste le premier de ses nombreux appels à des entreprises de produits chimiques. Yousef est assisté par l’artificier irakien Abdul Rahman Yasin, qui l'aidera à assembler une bombe de 590 kilos, principalement constituée de nitrate d’urée, d’aluminium, de magnésium et de particules d’oxyde de fer. La charge explosive est composée de nitroglycérine, de dynamite, de poudre sans fumée et d’une mèche. Trois réservoirs d’hydrogène étaient placés autour de la charge explosive afin d’améliorer la combustion des particules de fer et de produire davantage d'énergie.
Le 31 décembre 1992, Yousef se rend au consulat pakistanais à New York avec des photocopies de passeports actuels et antérieurs au nom d'Abdul Basit, son « autre » identité. Il sollicite la délivrance d'un nouveau passeport, dont il aura besoin pour fuir, arguant avoir perdu l'original. Le consulat estime ne pas avoir les documents suffisants pour lui refaire un passeport original mais lui délivre toutefois un titre temporaire de 6 mois.
Deux autres fondamentalistes locaux sont recrutés : Nidal Ayyad, un palestinien, et Abu Halima, un chauffeur de taxi égyptien. En janvier 1993, Yousef et Salameh déménagent dans un appartement isolé. Le 23 février, Salameh se rend dans une agence de location Ryder afin de louer la fourgonnette qui transportera la bombe.
Le 26 février 1993, Ramzi Yousef et son ami jordanien, Eyad Ismoil, conduisent la camionnette de location dans le quartier de Lower Manhattan, et garent le véhicule aux alentours de midi dans la partie réservée au Secret Service du parking souterrain du World Trade Center. Yousef déclenche le détonateur et s’enfuit. Le plan des terroristes était que l’explosion du camion piégé ferait basculer la tour Nord sur la tour Sud, entraînant l’effondrement des deux batiments. Si la camionnette avait été garée plus près des fondations en béton, le plan de Yousef aurait pu se réaliser.
Douze minutes après le départ des conducteurs, à 12h17, la bombe explose dans le parking souterrain, et fait un cratère de 30 mètres de diamètre, sur quatre niveaux du sous-sol, causant immédiatement une coupure générale de courant, et déclenchant le système d’éclairage de secours. La fumée de l’explosion, en l’absence de pressurisation des cages d’escaliers, atteint le 93e étage des deux tours. Cette épaisse fumée ralentit énormément l’évacuation des occupants, et la plupart des blessés furent intoxiqués par les fumées. Des centaines de personnes sont piégées dans les ascenseurs à cause de la coupure d’électricité, dont un groupe de 17 enfants de maternelle, bloqué plus de 5 heures après une visite de la terrasse panoramique de la tour Sud. 6 personnes sont décédées.
Conséquence de la coupure de courant : l’arrêt des transmissions hertzienne des télévisions et des radios pendant près d’une semaine, les stations de télévisions ne pouvant plus diffuser que sur le câble et par satellites. Les communications téléphoniques furent pour la plupart interrompues dans le quartier de Lower Manhattan.
Dans les jours qui suivent l’attentat, les enquêteurs ratissent les décombres du parking souterrain, et un artificier localise des pièces provenant du véhicule utilisé pour l’attaque. Un numéro d’identification trouvé sur un essieu, permet aux enquêteurs de remonter jusqu’à l’entreprise de location de la camionnette à Jersey City, et d'identifier le loueur, Mohammad Salameh.
Salameh qui a déclaré la camionnette volée, est arrêté lorsqu’il vient récupérer sa caution, le 4 mars 1993. Une risque insensé pris un comparse, abandonné sans argent par l'équipe. En effet, après la dépose de la fourgonnette, Salameh conduit Yousef à l'aéroport JFK pour un vol vers le Pakistan, tandis que lui est supposé embarquer vers Amsterdam le 5 mars. Or, Ramzi Yousef lui a acheté un billet enfant à tarif réduit et Salameh n'a pas suffisamment d'argent pour acheter un billet adulte.
Moussab Yasin dont la ligne téléphonique a été utilisée par louer le véhicule est arrêté le même jour. Il sera très utile aux enquêteurs puisqu'il leur indique l'emplacement de l'appartement utilisé pour fabriquer la bombe. Le FBI le remercie de sa coopération en le laissant libre dans l'attente du procès et ce malgré les risques importants de fuite. Les enquêteurs découvrent par ailleurs l'appartement de Yousef, où ils trouvent le matériel nécessaire à la fabrication d’une bombe ainsi qu'une carte de visite professionnelle au nom de Mohammed Jamal Khalifa, un homme d'affaires saoudien.
Dès le lendemain de sa libération sur parole, Abdul Rahman Yasin prend un vol pour Amman, et se rend à Bagdad. Il fut ensuite inculpé pour l’attentat, et en 2001 il fut mentionné sur la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI, sur laquelle il est toujours inscrit aujourd’hui. Le journaliste Leslie Stahl a pu l'interviewer le 23 mai 2002 en Irak, où il était détenu depuis 1994. Il n’a pas donné signe de vie depuis cette interview.
De son coté, Yousef s'envole immédiatement pour le Pakistan après l'attentat, pays dans lequel il aurait été impliqué dans une tentative d'assassinat du Premier ministre pakistanais Benazir Bhutto, à peine cinq mois plus tard. L'année suivante, il est soupçonné d'être impliqué dans l'attentat contre un sanctuaire religieux chiite en Iran (25 morts). Après le Pakistan, il part vivre au Philippines.
Le 6 janvier 1995, la police de Manille reçoit un appel signalant une explosion et un incendie dans un immeuble. Les premiers officiers concluent qu'il doit s'agir d'un accident causé par des personnes jouant avec des feux d'artifice, mais l'immeuble étant situé à proximité d'un site devant accueillir une visite du pape, le commandant de la police locale décide de poursuivre les investigations et découvre un appartement abandonné dans lequel sont entreposées des plaques chauffantes, du câblage et des produits chimiques. En interrogeant le concierge, la police de Manille repère dans la rue l'un des occupants de l'appartement, un dénommé Ahmed Saeed mais un deuxième homme a le temps de fuir: Ramzi Yousef.
Saeed est en fait Abdul Hakim Murad. Des empreintes digitales confirment le passage dans l'appartement du suspect numéro 1 de l'attentat du World Trade Center, Ramzi Yousef. Les matériaux trouvés sur place établissent qu'une tentative d'assassinat contre le pape était en préparation. L'exploitation des ordinateurs portables de Yousef permet d'en savoir davantage sur ses projets d'attentat, notamment un "Projet bojinka", un plan d'attaque très ambitieux en 3 phases sur des vols American Airlines. Murad avait reçu une formation approfondie de pilote aux États-Unis, et préparait des attentats suicides contre des cibles américaines. "Ce qui nous manquait pour l'opération Bojinka, expliqua plus tard Murad, c'étaient des pilotes qualifiés". Le financement de Bojinka venait principalement d'Oussama ben Laden, d'Hambali, le leader de la Jemaah Islamiyah, et d'organisations dirigées par Mohamed Jamal Khalifah, beau-frère de Ben Laden.
En 1994, Yousef et Khalid Sheik Mohammed commencent à tester la sécurité des aéroports. Yousef réserve un vol entre l'aéroport international de Kai Tak à Hong Kong et celui de Taiwan Taoyuan près de Taipei. Mohammed réserve un vol entre l'aéroport international Ninoy Aquino, près de Manille et l'aéroport international de Kimpo, près de Séoul. Les deux hommes sont équipés de quatorze bouteilles de solution pour lentilles de contact contenant de la nitroglycérine. Yousef s'est attaché à la plante du pied une tige de métal, qui pourrait servir de détonateur. Les deux hommes portent des bijoux et des vêtements avec du métal afin de confondre la sécurité de l'aéroport.
Après ce test concluant, Yousef emménage avec Abdul Hakim Murad dans l'appartement de Manille. Yousef fait un premier test de sa bombe dans un centre commercial de la ville de Cebu, causant des dégâts mineurs. Le 11 décembre 1994, Yousef construit une seconde bombe expérimentale, d'un dixième de la puissance prévue, et la place sous le siège d'un avion de Philippine Airlines, sur le trajet Manille - Narita, avec escale à Cebu. La bombe explose alors que l'avion est au-dessus de l’île de Minamidaito au Japon. Un homme d'affaires japonais est tué et 10 autres passagers sont blessés. Ramzi Yousef avait placé la bombe sous le siège 26 K de l'avion, sous lequel est situé habituellement le réservoir de carburant central. Or, ce n'est pas le cas sur ce modèle de Boeing 747 et l'équipage va réussir à garder le contrôle de l'avion jusqu'à l'atterrissage d'urgence à Okinawa.
Satisfait des résultats de l'attaque, Yousef entame la deuxième phase de son plan. Le premier objectif est de tuer le pape Jean-Paul II lors de sa visite aux Philippines pour les célébrations de la Journée mondiale de la Jeunesse de 1995. Le 15 janvier 1995, un kamikaze habillé en prêtre doit s'approcher du pape et faire exploser sa bombe. Cet assassinat est destiné à détourner l'attention de la prochaine phase de l'opération impliquant au moins cinq terroristes, chargés de placer engins explosifs sur 11 avions de ligne à destination des États-Unis. La troisième phase doit voir Murad soit louer, soit acheter, soit détourner un petit avion, le remplir d'explosifs et le précipiter sur le siège de la CIA dans le comté de Fairfax. Les terroristes ont été stoppés à seulement quelques jours du début de l'opération.
Après son arrestation Murad est envoyé au camp de Crame, le siège de la police nationale philippine et soumis à un interrogatoire émaillé de séances de torture durant 67 jours. Murad est ensuite extradé aux États-Unis le 12 avril 1995. Ramzi Yousef et Khalid Cheikh Mohammed ont pu s'échapper au Pakistan.
En février 1995, près de deux ans après l'attentat contre le World Trade Center, Ramzi Yousef est capturé au Pakistan. Les Etats-Unis ont payé une somme de près de 2 millions de dollars à un indic pour obtenir l'information sur sa cache. Il est arrêté dans une maison d'hôtes à Islamabad, le 7 février 1995. Wali Khan Amin Shah, le financier, est pris en Malaisie en décembre 1995, puis extradé vers les États-Unis.
Mohammed Jamal Khalifa, dont la carte de visite avait été retrouvée dans l'appartement de Yousef, est un homme d'affaires saoudien de Djeddah, marié à l'une des sœurs d'Oussama ben Laden. Il est arrêté en 1994 à Mountain View, en Californie. Selon les enquêteurs philippins, il finançait partiellement le complot Bojinka . L'immigration américaine a cependant, et curieusement, expulsé Khalifa vers la Jordanie en mai 1995. où il sera acquitté. Il meurt assassiné dans sa chambre d'hôtel en janvier 2007 à Madagascar.
Le 5 septembre 1996, Ramzi Yousef, Abdul Hakim Murad et Wali Khan Amin Shah sont condamnés pour leur rôle dans le complot Bojinka à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle. Le 12 novembre 1997, Ramzi Yousef est condamné à la prison à vie, plus 240 ans de prison pour l'attentat de 93 contre le WTC. Il est incarcéré à la prison Supermax de Florence. "M. Yousef, vous êtes un virus qui doit être enfermé", lui lancera le juge Kevin Duffy.
Avant sa condamnation, Yousef fait une déclaration de 17 minutes dans laquelle il revendique la légitimité du terrorisme à l'égard des Etats-Unis, un « état boucher » et soutien d'Israël. Salammeh et Ismoil sont condamnés à 240 ans de prison. Abu Halima, le chauffeur de taxi égyptien, qui avait réussi à fuir en Arabie Saoudite, sera capturé et torturé par les services égyptiens, puis extradé aux Etats-Unis. Il a été condamné à 108 ans de prison. Nidal Ayyad a été condamné à la prison à vie. Khaled Sheikh Mohammed finit ses jours à Guantanamo depuis 2006, pour sa participation présumée aux attentats du 11 septembre 2001. Ali Mohamed a été arrêté après la série d'attentats contre les ambassades en 1998. Il a conclu un accord de plaider-coupable avec le gouvernement américain, le 13 octobre 2000, et serait depuis détenu dans une prison fédérale.
Après l'attentat contre le World Trade Center en février 1993, le FBI s'intéresse au cheikh aveugle et ses partisans. Un informateur égyptien du FBI portant un dispositif d'écoute réussit à enregistrer Rahman disant non seulement qu'il privilégie les attaques sur des cibles américaines militaires, mais aussi que les actes de violence contre des cibles civiles sont légitimes. Son plan est de faire exploser cinq bombes en 10 minutes, de faire sauter l'Organisation des Nations Unies, les tunnels Lincoln et Holland, le pont George Washington et le bâtiment fédéral du FBI. Rahman a été arrêté le 24 juin 1993, avec neuf de ses disciples. Le 1er octobre 1995, il a été reconnu coupable de conspiration et a été condamné à la prison à vie. Rahman purge actuellement une peine de prison à perpétuité au Centre médical fédéral Butner en Caroline du Nord.
Le procès de Ramzi Yousef a été l'occasion de révéler que le FBI disposait d'un informateur, Emad Salem, qui affirme avoir averti le FBI dès le 6 février 1992 du projet d'attentat contre le WTC. Salem a enregistré secrètement des centaines d'heures de conversations téléphoniques avec ses interlocuteurs du FBI. Emad Salem devait aider à construire la bombe et fournir une fausse poudre explosive, mais le plan a été annulé. Les transcriptions des enregistrements ont été rendues publiques mais n'ont pas permis de déterminer si le FBI savait précisément qu'une bombe allait viser le WTC. De fait, près de 20 ans après, il est bien difficile de savoir ce qu'il s'est exactement passé et de percer le mystère de l'exécutant Ramzi Yousef et des commanditaires.
A commencer par le mystère qui perdure sur la véritable identité du principal intéressé.
Laurie Mylroie, intellectuelle néo-conservateur, a émis l'hypothèse que Yousef était en fait un espion irakien (3).
Selon LMylroie, la fausse identité de Ramzi Yousef, Abdul Basit Karim, lui aurait été fournie par les services irakiens, qui auraient profité de l'invasion du Koweit pour voler l'identité d'un koweitien mort durant le conflit, Abdul Basit Karim. Abdul Basit Karim né au Koweït, était d'origine pakistanaise. Il a étudié à la Swansea Institute, une école du Pays de Galles. Diplômé en 1989, il est reparti travailler au Koweït. Le ministère de l'Intérieur koweitien possède des archives sur Abdul Basit et sa famille, dont une note indiquant qu'ils ont quitté le Koweït pour l'Irak le 26 août 1990, puis sont partis vivre au Baloutchistan. D'après Mylroie, cette note aurait été rajoutée dans les fichiers koweitiens par les services irakiens pour faire croire qu'Abdul Basit avait pu fuir et permettre ainsi à Ramzi Yousef d'endosser son identité. Les empreintes digitales de Yousef aurait été substituées à celles du véritable Abdul Basit.
Laurie Mylroie conclut qu'Abdul Basit et sa famille étaient au Koweït lorsque l'Irak a envahi le pays en août 1990. Les services de renseignement irakiens auraient profité de leur décès pour créer une identité alternative à Ramzi Yousef.
La meilleure façon de vérifier cette théorie était de rencontrer des témoins qui connaissaient Abdul Basit avant août 1990. A cette fin, le journaliste Brad White a rencontré deux personnes qui se souvenaient d'Abdul Basit, mais, qui au vu de photos de Yousef, ont été incapables de l'identifier et pensent qu'il ne s'agit pas de la même personne. Laurie Mylroy souligne qu'il est à ses yeux curieux que Ramzi Yousef mène une vie parfaitement normale jusqu'en août 90 et se retrouve 6 mois plus tard catapulté terroriste de classe internationale.
Quant aux parents d'Abdul Basit, ils sont introuvables. Laurie Mylroie juge regrettable que le ministère de la Justice ne montre aucune véléité d'éclaircir le mystère de l'identité de Ramzi Yousef, jugé et emprisonné sous ce nom, sans que personne ne sache finalement quelle est sa véritable identité.
Les attentats du World Trade Center en 1993 ont été par ailleurs l'occasion de pointer le problème récurent des retenues d'informations entre les agences américaines. En septembre 1995, le Département d'Etat a transmis au Congrès le rapport d'un comité indépendant, chargé d'examiner si des erreurs en matière de sécurité avaient contribué à l'assassinat de deux fonctionnaires consulaires américains à Karachi - des représailles locales pour l'extradition de Ramzi Yousef. Le rapport exprimait sa préoccupation sur le manque de coopération du FBI avec les agences nationales de sécurité, et la propension du FBI à garder des informations de première importance. Faute d'expertise suffisante en matière internationale, les agents du FBI voient passer des informations ne leur paraissant pas particulièrement pertinentes, alors qu'entre les mains d'autres agences, elles pourraient permettre d'éviter des catastrophes. Les mêmes rivalités entre services auront de nouveau des conséquences dramatiques lors des attentats du 11 septembre 2001.
Ramzi Yousef, incarcéré au pénitentier Supermax de Florence a demandé à un tribunal fédéral d'être transféré dans une prison de sécurité inférieure, pour retrouver la population générale des détenus. Il dit s'être converti au christianisme et demande à sortir du régime d'isolement auquel il est soumis depuis 20 ans dans la prison la plus dure du système carcéral états-unien (4).
Virginie Ikky pour le Greffier noir, le 7 janvier 2016.
Sources:
1°) Grands reporters
2°) Complete 911 timeline
3°) Who si Ramzi Yousef ? un article du National interest.
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